Quatre mois se sont écoulés depuis cette glorieuse nuit du 15 novembre 2017 et l’ultime place pour le mondial russe arrachée contre les Néo-Zélandais.

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Le 1er décembre dernier, le peuple péruvien avait les yeux rivés sur le tirage au sort pour enfin connaitre les trois nations qui allaient partager leur groupe. La France, le Danemark et l’Australie seront les compagnons de jeux du Pérou et futurs rivaux en juin prochain. Deux nations européennes que la Blanquirroja connait peu, voire pas du tout. La France avait déjà croisé la route des Incas un soir d’avril 1982 et cette fameuse victoire péruvienne au Parc des Prince en match amical. Le Danemark quant à lui est un adversaire totalement inconnu puisque les deux pays ne se sont jamais rencontrés. La dernière nation européenne rencontrée fut l’Angleterre en 2014 et une défaite 3-0 en match amical. Il faut dire que le Pérou est plutôt un habitué des joutes sud-américaines entre Copa América et éliminatoires pour la Coupe du Monde.

Il fallait donc corriger le tir et acquérir de l’expérience contre des sélections du vieux continent. C’est d’ailleurs ce qui a conditionné le choix des adversaires pour les matches de préparation. Croatie, Islande, Écosse, Arabie Saoudite et Suède ont donc été choisi par la fédération pour se préparer au mieux au football européen.

The American Dream

Pour son premier match préparatoire, la Blanquirroja se devait de faire bonne figure contre son adversaire du jour la Croatie. Tout le monde au Pérou attendait ce match contre cette grande nation européenne du football qui compte dans ses rangs Luka Modrić, Ivan Rakitić ou encore Ivan Perišić, de véritables références du football mondial. La question est sur toute les bouches : Que vaut donc ce nouveau Pérou transcendé par le pragmatique Ricardo Gareca ?

peruPour l’occasion, l’ultra moderne Hard Rock Stadium de Miami accueillait la rencontre. Et à la simple écoute des hymnes nationales, on se rendait vite compte que le stade était acquis à la cause péruvienne. De nombreux Péruviens quittent régulièrement le pays pour rejoindre les État Unis en quête du fameux rêve américain mais ce soir ils sont venus vivre le rêve péruvien. Le rêve de voir enfin leur sélection briller sur la scène internationale.

Pour ce match, Ricardo Gareca ne change pas sa formule magique et plante son traditionnel 4-2-3-1. Dans les buts, Carlos Cáceda remplace un Pedro Gallese blessé. En défense, le jeune joueur de Puebla, Anderson Santamaría, remplace Alberto Rodríguez aux côtés de Christian Ramos. Défense complétée par Miguel Trauco sur le flanc gauche et le robuste Luis Advíncula sur la droite. Devant la défense, Renato Tapia et Yoshimar Yotún auront la lourde tâche de contenir Modrić et Rakitić. Christian Cueva en 10, Andre Carillo avec Edison Flores sur les côtés pour faire parler leur vitesse. En pointe, Jefferson Farfán est préféré à Raul Ruidíaz pour remplacer Paolo Guerrero toujours suspendu par la FIFA et son affaire de dopage.

En face la Croatie se présente aussi en 4-2-3-1 avec son maitre a jouer, Luka Modrić en numero 10 et a ses cotés Mandžukić et Pirisic ainsi qu’un milieu solide composé de Brozović et du barcelonais Rakitić. À l’annonce des compositions, on note une différence flagrante de niveau, du moins sur le papier…car sur le terrain, la Blanquirroja avait préparé une véritable partition avec Ricardo Gareca en chef d’orchestre.

Comme prévu, c’est la Croatie qui fait le jeu, met le turbo et déboule rapidement dans le camp péruvien. C’est alors que les Croates se heurtent brutalement à une muraille nommée Santamaría. Le jeune défenseur fait honneur à son surnom que les hinchas de Puebla lui ont donné, « La Muraille péruvienne ». C’est simple, le Pérou a activé le mode « mondial » et peu importe l’adversaire en face, tous les joueurs sont investis, impliqués et suivent les consignes du profe Gareca à la lettre : Etouffer les Croates en pressant haut avec une touche d’agressivité suffisante pour déstabiliser l’adversaire sans trop se faire remarquer par l’arbitre. C’est d’ailleurs sur un pressing de Farfán que Carillo récupère un ballon perdu par Ćorluka et ouvre le score d’une frappe limpide à la 11ème minute. La Croatie ne s’attendait surement pas à une telle intensité pour un simple match amical et se font donc surprendre très tôt dans la partie. Le score restera de 1-0 jusqu’à la mi-temps.

De retour des vestiaires les Croates mettent donc les bouchées doubles mais ne sont pas assez appliqués et chaque perte de balle termine en occasion de but pour le Pérou. La patte Gareca est encore présente et les consignes sont toujours aussi bien respectées. À la récupération, les relances sont toujours propres et les contres ravageurs. Dans ce registre, le milieu Renato Tapia s’illustre parfaitement en maitrisant Modrić, Rakitić et Brozović. Le deuxième but péruvien arrivera très vite, résultant d’un pur chef d’œuvre collectif : Santamaría en défense relance sur Trauco sur le côté gauche qui combine ensuite avec Carillo qui passe a Cueva qui d’une touche lance Farfán dans la profondeur, la Foquita fait parler son talent de dribleur dans la surface et glisse un ballon à Flores qui le pousse dans le but vide laissé par Subašić qui était monté sur Farfán. La Blanquirroja envoie un signal fort en remettant à la mode « el toque peruano » célèbre dans les années 70. Si Daniel Peredo avait été encore de ce monde il se serait fait un plaisir de narrer ce « gol peruano »

Le résultat en restera là et l’arbitre siffle la fin de la rencontre se soldant par cette victoire péruvienne largement méritée.

Estamos de vuelta

Ce n’était qu’un simple match amical et pourtant l’euphorie a vite gagné Miami et a raisonné jusqu’à Lima puis s’est propagée dans les quatre coins du Pérou. Les Incas ont réussi leur premier test et leur football est de retour pour notre plus grand plaisir. Le lendemain, la victoire est à la Une des principaux quotidiens sportifs : « Le Pérou ça se respecte ! », « Nous vaincrons n’importe quel adversaire ! », « ça c’est mon Pérou ! ». Dans un pays où le football est roi mais où la sélection a longtemps déçu, ce match à un goût de revanche. C’est un match devenu référence sur lequel le sélectionneur et les joueurs doivent s’appuyer d’autant plus que son futur rival français a chuté face aux confrères colombiens qui leur ont montré par la même occasion comment se défaire de ces redoutables Bleus. Car dans le jeu, ce Pérou s’est parfois montré irrésistible, le début de seconde période montrant notamment des séquences de jeu assez impressionnantes. Le tout face à un rival également mondialiste et qui, comme n’ont cessé de le rappeler les commentateurs péruviens, comptait sur toutes ses stars.

Sur le plan individuel, Cáceda, qui suppléait donc Gallese a sorti quelques arrêts décisifs, notamment en seconde période, l’axe central Ramos – Santamaría a donné quelques garanties, ce dernier saisissant parfaitement la chance qui lui a été donnée, au milieu, Tapia a joué le rôle de destructeur de jeu adverse, donnant de l’équilibre à l’ensemble pendant que Yotún distribuait, devant, Flores et Carrillo ont une fois encore exposé leur talent, le premier par sa mobilité et son sens du jeu, le second par sa vitesse, sa capacité à éliminer et ses nombreuses permutations avec Cueva, qui a débuté à gauche avant de passer à droite, pour finalement rapidement se muer en dix. Farfán a quant à lui parfaitement rempli son rôle de leader de l’équipe, bougeant sur tout le front de l’attaque. Certes il n’est pas question de tirer la moindre conclusion hâtive, la vérité des matches amicaux n’est pas forcement celle d’un mondial. Le travail de préparation est encore long et il reste encore des matches amicaux pour se perfectionner et tester différentes formules. Mais une chose est sûre, les joueurs présents lors de cette victoire ont tous gagné des points pour la course à la sélection ultime et une place parmi les 23 qui iront en Russie.

El Tigre pourra faire tourner et tester des joueurs que l’on aimerait voir plus longtemps comme Benavente, Ruidíaz, Hurtado ou encore le jeune gardien Duarte. La prochaine échéance arrive déjà ce mardi avec un match face à l’Islande programmé cette fois ci dans la Red Bull Arena du New Jersey. Une chose est sûre, ce Pérou emmagasine de la confiance (restant désormais sur onze matchs sans défaite, la Blanquirroja n’a plus perdu le moindre match depuis novembre 2016, 2-0 face au Brésil) et continue d’affiner son jeu. Le tout, avant le retour de la légende Paolo Guerrero.

Romain Lambert
Romain Lambert
Parisien expatrié sur les terres Inca, père d’une petite franco-péruvienne, je me passionne pour le football de Lima à Arequipa en passant par Cusco. Ma plus forte expérience footballistique a été de vivre le retour de la Blanquirroja à une coupe du monde après 36 ans d’absence.