Pour bien préparer sa première phase finale d’une Coupe du Monde, Panamá, qui y revêtira le costume du petit poucet, avait décidé de faire les choses en grand en se frottant exclusivement à des nations européennes. Les deux premiers tests ont tourné à la catastrophe industrielle.

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À l’heure d’enchaîner deux rendez-vous européens successifs, l’attente était grande pour les Canaleros qui se déplaçaient en Europe pour la deuxième fois depuis la qualification à la première phase finale d’une Coupe du Monde pour le pays, la troisième fois dans toute l’histoire du pays. C’est dire si l’évènement était important, est-ce l’une des raisons pour expliquer les deux prestations réalisée face au Danemark et à la Suisse ? La question reste ouverte mais les dégâts causés risquent d’être importants.

Sur le plan tactique, Hernán Darío Gómez avait décidé de sortir de nouveau son mur, un 5-4-1 destiné à ne laisser aucun espace aux adversaires, et ainsi surtout défendre. Adieu ainsi au 4-4-2 joueur des qualifications, Panamá est venu en Europe pour garer le bus, laissant toute volonté de s’imposer dans le jeu à ses adversaires. Est-ce un plan à long terme avant de jouer des équipes telles que la Belgique (réputée joueuse) et l’Angleterre (dont le prestige international fait toujours peur) ? Le fait est qu’en prenant cette direction, les Canaleros vont droit dans le mur. « Le système n’a pas fonctionné car nous ne sommes pas restés unis, parce que nos adversaires ont remporté tous leurs duels », a ainsi déclaré Bolillo Gómez. Certes, le fait est que si le Danemark ne s’est imposé que d’un but, la Suisse s’est régalée et a totalement roulé sur les représentants de la CONCACAF. Le fait est aussi que si on a parfois vu des bribes de construction face aux Helvètes, nous allons y revenir dans quelques lignes, statistiquement, le bilan est terrible. Trois tirs face au Danemark (un seul cadré), trois autres face à la Suisse (deux cadrés), 35% de possession dans le premier match, à peine plus dans le second : il n’y a donc pas grand-chose à retirer de ces deux matchs, certainement pas des certitudes. Mais bien au-delà du simple résultat, le contenu inquiète.

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Oublier les complexes

Un sentiment domine à l’issue de ces deux rencontres, Panamá semble vivre avec le sentiment d’avoir fait le plus dur en se qualifiant. Si Bolillo Gómez a cherché à défendre ses joueurs en conférence de presse « ce n’est pas que nous nous contentons d’une qualification au mondial, nous n’avons jamais dit cela : nous avons juste dit que nous ne devons pas perdre la joie de s’être qualifiés, nous devons chercher notre meilleure forme pour y aller et se montrer dignes », le fait est que ses joueurs ne l’ont pas démontré. Certains joueurs ne sont pas dans le rythme, à l’image de la légende devenue rockstar Román Torres, totalement dépassé face à la Suisse et vraiment pas en condition physique convenable. D’autres n’y sont pas dans l’impact, ont oublié la base. Si les duels sont perdus, il faut aussi creuser cette piste.

L’inquiétude n’est pourtant pas uniquement à porter sur les simples aspects individuels, le choix du sélectionneur de passer à une défense à cinq, déjà catastrophique en Copa América face à l’Argentine (0-5, avant le voyage en Suisse la pire défaite de l’ère Hernán Darío Gómez), est une erreur. Panamá ne s’est pas qualifié de la sorte, pire, il s’est retrouvé en danger en cherchant à défendre comme lors de la correction reçue face aux USA en fin de qualifications. Panamá a conquis les suiveurs du football nord-américain par sa capacité à jouer, à produire, à combiner. Il possède les joueurs pour et la performance d’un Bárcenas ou d’un Ricardo Ávila, remuant mais isolé, tendent à le démontrer. « Un tel résultat au Mondial serait horrible » a ajouté Gómez, le fait est que si les Canaleros poursuivent dans cette voie qui consiste à vivre englués dans leurs complexes, ils foncent tout droit vers de grandes désillusions. Car les Canaleros ne savent pas défendre, leur force n’est pas là, ne pas trop respecter l’adversaire a fait leur charme depuis plusieurs saisons, s’en détourner est une erreur, une cause des plus grandes frustrations. Pour maintenir la joie d’une qualification, Panamá va devoir retrouver sa confiance en lui, celle qui lui avait permis de bousculer le Chili futur vainqueur de la Copa América Centenario et ne pas reproduire les erreurs commises par exemple par le Honduras en 2014 qui avait trop respecté ses adversaires européens et cherché à se protéger derrière un mur qui n’avait rien de solide. À ce prix, et uniquement celui-là, il sera alors digne.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.