Il y avait eu une anecdotique liste des trente-cinq qui finalement ne laissait la place qu'aux supputations diverses et variées. De l’encre a coulé alors par souci d’économie, Jorge Sampaoli en retiré douze noms pour dévoiler la liste définitive. Une liste qui n’est pas sans surprises et interrogations.

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Cette fois c’est la bonne ! En conférence de presse ce lundi, Jorge Sampaoli a dévoilé la liste des 23 Argentins qui seront chargés, comme à chaque édition, de ramener la Coupe du Monde au pays mi-juillet. Évidemment, toute liste suppose son lot de débats, les choix d’un sélectionneur invitant à toutes les discussions. Il y a alors la conférence de presse, toujours idéale pour apporter des éclaircissements, une ligne directrice de ce que le sélectionneur a en tête, pour donner un aperçu de sa vision. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Argentine de Sampa semble toujours autant en construction, semble même vouloir ranger quelques certitudes au placard.

Quel gardien ?

Cinq matchs en 2010, sept en 2014, 94 apparitions toutes compétitions confondues. S’il y avait bien un poste que l’on imaginait mal voir remis en question ce lundi, c’était bien celui de gardien tant Sergio Romero semble être l’une des rares valeurs sûres de l’Albiceleste. Depuis ses débuts en A, Chiquito Romero a écarté toute concurrence, qu’importe qu’il fût le numéro un ou non dans son club. Titulaire lors des deux dernières Coupes du Monde, il l’était aussi lors des trois dernières Copa América, se transformant en héros de la demi-finale mondiale brésilienne face aux Pays-Bas en sortant deux tirs au but et du quart de finale de la Copa América chilienne face à la Colombie. Le calcul est donc rapide, depuis plus de huit ans, personne n’a réussi à lui prendre sa place. Son expérience est immense. Et pourtant 2018 pourrait être l’occasion de tout remettre en question. La faute à la découverte de Franco Armani par le peuple argentin. Qu’importe que l’actuel gardien de River Plate était déjà à un niveau stratosphérique lorsqu’il gardait les cages de l’Atlético Nacional, son retour au pays est venu tout ouvrir les yeux du monde du football local. Première victime certaine, Nahuel Guzmán, qui paye sans doute aussi ses sorties hasardeuses avec Tigres cette saison et ne sera pas du voyage en Russie. Deuxième victime, possible cette fois-ci, Sergio Romero lui-même. Possible car Sampa a laissé planer le doute : « Il y a différents points de comparaison pour décider du gardien. Franco n’a jamais été avec nous mais nous connaissons son niveau actuel. Concernant Sergio, nous savons très bien qu’à chaque fois qu’il joue en sélection, il apporte énormément, même s’il ne joue pas en club et nous avons confiance en lui. Quant à Willy, lors du dernier rassemblement, il nous a donné l’impression que c’est un gardien en qui nous pouvons avoir confiance. Ces différentes caractéristiques nous offrent différentes options. Mais je ne pourrais pas dire aujourd’hui qui sera dans les buts, ce serait imprudent ». Imprudent donc comme de remettre en question son gardien titulaire depuis huit ans à moins d’un mois du coup d’envoi de la compétition. Chiquito va devoir être costaud.

Quel système ?

Au cours de ses dix matchs passés à la tête de la sélection, Jorge Sampaoli a utilisé dix équipes différentes qui se sont animées autour de cinq systèmes différents : le plus fréquemment utilisé aura été le 3-4-3 (Uruguay, Venezuela, Équateur, Russie), puis le 4-2-3-1 (Pérou et lors des amicaux face à l’Espagne et l’Italie). Le fait de choisir ce dernier système lors des deux dernières sorties laissait augurer que l’Argentine allait s’animer de cette façon en Russie. Il n’en sera probablement rien. « Nous devons posséder un système de base, qui pourrait être le 2-3-3-2. Je veux une équipe qui se défend avec le ballon et attaque énormément. Nous allons nous appuyer sur la culture du jeu, que nos joueurs n’aient pas peur de jouer et se sentent en sécurité. L’objectif est d’améliorer les caractéristiques individuelles pour réaliser un grand Mondial. Si on se met à jouer, nous serons difficiles pour n’importe quel adversaire ». Un discours fédérateur, ambitieux et optimiste qui semble cependant oublier deux éléments pourtant essentiels. Le premier est que l’Albiceleste n’a utilisé ce système qu’à une seule reprise : face à Singapour en juin 2017 avec une équipe alternative. Le deuxième, plus important, est que l’Argentine n’a aucune sécurité sur laquelle s’appuyer. La campagne de qualification n’a été qu’une longue litanie. À chaque sortie l’Argentine peinait à convaincre mais le plus souvent finissait par être sauvée par un joueur hors norme, Lionel Messi. On comprend ainsi mal pourquoi Sampa voudrait désormais faire de nouveaux tests alors que la compétition finale arrive à grands pas et qu’il ne reste que deux amicaux face à des sélections relativement modestes à disputer. Bien court pour se mettre à bricoler et repartir de zéro.

Quel onze ?

Mais soit, imaginons donc un 2-3-3-2 et amusons-nous à placer des hommes à la place des chiffres. Deux défenseurs, cela suppose donc deux centraux et l’on peut imaginer que la doublette Fazio – Otamendi aura la préférence du sélectionneur. Devant eux, on imagine ainsi un rôle de sentinelle pour l’immortel Javier Mascherano, décrit par Sampa comme « un jeune dès sa descente de l’avion ». Un rôle de cinco à la sauce argentine qui lui va cependant à ravir. Un rôle qui pourrait cependant échoir à Lucas Biglia, toujours présent malgré un rendement en sélection plus que discutable et qui arrive blessé. Ce poste devrait donc se jouer entre ces deux hommes. Sur les côtés, on devrait retrouver deux latéraux positionné plus haut, pour finalement faire que le 2-3-3-2 annoncé ressemble plus à un 4-1-3-2 qu’autre chose. À gauche, Nico Tagliafico devrait tenir la corde, Gabriel Mercado semblant être son pendant à droite où les choix sont plus réduits, d’autant que l’ancien de River arrive lui aussi blessé.

Place alors à l’animation offensive et la grande question, quel rôle pour Leo Messi ? Si la Pulga a été annoncé comme attaquant, on peut cependant imaginer qu’il occupera le flanc droit, Ángel Di María prenant le couloir gauche (à moins que l’explosion de Cristian Pavón ne fasse une nouvelle victime). Reste l’homme qui sera au cœur du jeu. Si bien des suiveurs pensent naturellement à l’expérience d’Ever Banega, qui serait ainsi plus relanceur que créateur, la sélection de Maxi Meza ouvre la possibilité d’inclure un homme capable de jouer ce rôle de numéro 10, rôle qui va aussi comme un gant à Manuel Lanzini voire à Giovani Lo Celso. Cela laisserait donc deux places devant qui pourraient échoir au duo Agüero – Higuaín, plus expérimenté également et qui semble plus facilement s’associer avec Messi que Dybala dont les dernières apparitions aux côtés de l’astre argentin n’ont guère convaincu.

Mais s’il faut retenir un mot de Sampa dans cette conférence de presse, mot qui définit aussi parfaitement le dénominateur commun à bien des présents dans cette liste, c’est polyvalence. D’Ansaldi, qui « peut jouer des deux côtés », à Mercado et Rojo capables d’être dans l’axe ou sur un couloir en passant par Lo Celso ou Meza au milieu, à Acuña que Sampa semble vouloir transformer en défenseur, à Salvio capable de jouer latéral ou milieu, sans oublier les autres noms cités auparavant, nombreux sont ceux qui peuvent être déplacés aux quatre coins du terrain. La polyvalence est souvent une qualité, trop de joueurs polyvalents peut aussi être le reflet d’une grande incertitude à l’heure de faire les choix tactiques. Sampa a laissé bien des suiveurs dubitatifs au cours de ses dix premiers matchs à la tête de la sélection, les dernières sorties ont souligné l’étendue du chantier qu’il restait à mener avant la Russie. Le Casildense n’a désormais plus que deux matchs pour rassurer un peuple et des suiveurs toujours plus exigeants avec une sélection que tout amoureux du football aimerait voir enfin briller comme un soleil de mai.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.