À force de multiplier les prouesses, on ne peut plus parler de hasard pour le spécialiste du continent africain qu’est Hervé Renard. Après avoir emmené la Zambie et une Côte d’Ivoire qu’on pensait maudite sur le toit de l’Afrique, l’homme à la chemise blanche a donc ressuscité une sélection marocaine moribonde et délaissée par son public depuis de nombreuses années.

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Dans une poule de qualifications compliquée (Côte d’Ivoire, Gabon, Mali) on pensait que les deux 0-0 grattés laborieusement par le Maroc s’apparentaient à un faux départ. C’était sans compter sur la dynamique née d’une CAN 2017 plus qu’honorable, au cours de laquelle la sélection de Renard s’est montrée valeureuse, combative, et solidaire, glanant un quart de finale perdu avec les honneurs (0-1) contre l’Égypte.

C’est certainement en amont de cette CAN, pendant son déroulement et après son débriefing en janvier 2017 que la recette du coach français s’est mise en place, recette dont il a confié plusieurs ingrédients essentiels dans l’émission « L’Club » sur la chaîne marocaine Medi1TV. S’il ne fallait en retenir que deux, les voici : Premièrement, un engagement en adéquation avec la réalité des matchs en Afrique, illustré quand il déclare « Certains joueurs titulaires dans des clubs européens prestigieux ou moyennement prestigieux pensaient qu’en arrivant ils étaient sûrs d’être titulaires ou pouvaient donner 60% de leur potentiel, mais en Afrique c’était pas possible ». À l’image des longues séquences de la CAN 2012 ou on voyait Renard faire courir Mayuka jusqu’à l’épuisement, l’ancien coach de Sochaux a réinsufflé une culture de l’effort et une rage de vaincre dans un groupe qui était peut-être tombé dans une interminable et douce langueur. Deuxièmement, il a fallu faire la transition entre une CAN réussie au niveau de l’effort mais sans fulgurance technique du fait de l’absence de plusieurs manieurs de ballon (Amrabat, Ziyech, et Belhanda notamment) et la nécessité d’intégrer cette touche technique, comme il l’a expliqué dans « l’Club » : « L’état d’esprit à la CAN était remarquable, mais il manquait quelque chose techniquement. Ce petit plus technique, on peut l’apporter, mais sans état d’esprit on n’y arrivera pas. Si on est capable d’avoir les deux, on fera très mal ». La touche technique viendra avec l’obtention d’une synergie optimale pour associer dans le même onze le trio Boussoufa-Belhanda-Ziyech, dans un 4-3-3 ou Belhanda peut évoluer à différents crans dans l’axe tandis qu’Amrabat et Ziyech étirent sur les ailes.

Les fruits seront récoltés en fin d’année : Deux démonstrations à domicile (6-0 contre le Mali et 3-0 contre le Gabon) entrecoupées d’un 0-0 frustrant mais dans le bon sens du terme à Bamako, et une finale maîtrisée à la perfection à Abidjan (0-2) pour composter le ticket à destination de la Russie. Les ingrédients ont formé un plat délicieux pour les 35 millions de fans du Mountakhab, qui vont en guise de dessert goûter de nouveau au plaisir d’un Mondial après 20 ans de disette. Dans le rôle de la mise en bouche, les matchs amicaux ont permis de dessiner les contours d’une équipe joueuse et solide, avec comme petit bémol les pertes de balle dans des zones importantes (souci ciblé par Renard face à la Serbie) et l’incertitude sur le vrai niveau d’une défense face à une attaque d’un plus gros calibre que celles rencontrées en amical (Serbie, Ouzbékistan, Slovaquie, Estonie, Ukraine).

Revue d’effectif

Une parade passée inaperçue, mais qui a entériné la fermeture du coffre-fort. A la 68ème minute du match Gabon-Maroc (0-0, le 8 Octobre 2016) Munir Mohamedi repousse la tête d’Aubameyang, sauve les meubles, mais surtout lance l’incroyable série de six matchs de poules sans encaisser de but pour les Lions de l’Atlas. Munir est la serrure d’un coffre gardé par Saïss-Benatia dans l’axe, un Dirar puissant mais incertain, et Hakimi. Au milieu, le trio complémentaire El Ahmadi-Boussoufa-Belhanda constitue la rampe de lancement parfaite pour le trident Amrabat-Ziyech-Boutaïb. Les options de secours sont multiples : Mendyl ou Amrabat (possibilité de switcher Hakimi à droite si c'est Mendyl) pour suppléer Dirar, Ait Bennasser et Harit au milieu, Fajr et ses coups de pied arrêtés, le botoliste Ayoub El Kaabi (tube de l’hiver de la CHAN 2018 devenu alternative offensive dans les 23) etc... Un potentiel humain, technique et physique assez conséquent.

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Le onze probable

Munir - Hakimi, Saiss, Benatia, Dirar (ou Amrabat) - El Ahmadi, Boussoufa, Belhanda - Amrabat (ou Harit), Ziyech, Boutaib. Possibilité de jouer en 4-2-3-1 avec Belhanda un cran plus haut.

Le groupe

Gardiens de buts : Munir Mohamedi (Numancia), Yassine Bounou (Girona), Réda Tagnaouti (Ittihad de Tanger).

Défenseurs : Achraf Hakimi (Real Madrid), Nabil Dirar (Fenerbahçe), Medhi Benatia (Juventus), Romain Saïss (Wolverhampton), Manuel Da Costa (İstanbul Başakşehir), Hamza Mendyl (Lille).

Milieux : Karim El Ahmadi (Feyenoord), Mbark Boussoufa (Al-Jazira), Younes Belhanda (Galatasaray), Youssef Aït Benasser (Caen), Sofyan Amrabat (Feyenoord), Fayçal Fajr (Getafe), Amine Harit (Schalke 04), Hakim Ziyech (Ajax), Nordin Amrabat (Leganés), Mehdi Carcela (Standard).

Attaquants : Aziz Bouhaddouz (Sankt Pauli), Khalid Boutaïb (Yeni Malatyaspor), Ayoub El Kaabi (RS Berkane), Youssef En-Nesyri (Malaga).

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee