Que ce soit lors des qualifications ou au cours de la phase de préparation au Mondial, voire même dans leur style actuel (enthousiasme contrarié par le manque de vécu international) et la globalité de leur fonctionnement, les Aigles de Carthage ont montré une propension à se nourrir de paradoxes.

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Avant le tournant d’Avril 2017, quand la FTF a estimé que le projet Kasperczak (qui coachait déjà la Tunisie au Mondial 98) était voué à l’échec, la Tunisie avait déjà affiché de multiples visages : Séduisante mais sans réalisme contre le Sénégal puis réaliste contre l’Algérie, virevoltante contre le Zimbabwe puis en panne sèche contre le Burkina Faso. Incompréhensible et paradoxale Tunisie, qui parvient toujours à tirer son épingle du jeu quand on ne s’y attend pas et déçoit quand les attentes deviennent trop grandes. C’est certainement pour mettre fin aux paradoxes et avoir quelques certitudes que la sélection a été confiée, juste avant les matchs de qualification décisifs, à Nabil Maaloul. Le vainqueur de la Ligue des Champions Africaine 2011 avec l’Espérance était certes le capitaine du navire lors du naufrage de la Tunisie face au Cap-Vert à Radès en 2013, mais il semblait plus à même de tirer le maximum d’un groupe essentiellement constitué de joueurs locaux et dont les leaders techniques brillent sous d’autres cieux (Msakni, Khazri et Sliti).

Les conditions dans lesquelles la Tunisie a arraché son billet n’ont pas mis fin aux paradoxes. Que ce soit à Kinshasa (2-2) ou à Conakry (1-4) les éclairs de génie ont succédé à des moments d’errance inquiétants. Paradoxe persistant sur les derniers matchs amicaux, où l’enthousiasme d’un jeu plaisant est assombri par les doutes sur une assise défensive qui va devoir résister aux innombrables vagues belges et anglaises. Cette même défense qui a vacillé quand le Portugal a accéléré, et cédé face à l’Espagne suite à un périlleux passage à 5 derrière occasionnant un retard dans l’adaptation et une erreur de Yassine Meriah.

Paradoxe encore quand le gardien N°1 (Mathlouthi) est maintenu dans la phase la plus critique d’une carrière proche de sa fin, avant de voir débarquer dans la dernière ligne droite un jeune suppléant (Moez Hassen) qui finalement ne se contentera peut-être pas de juste préparer l’avenir. Paradoxe toujours, cette union sacrée derrière le porte-étendard qu’est la sélection et une qualification louée comme un succès majeur alors même que le football tunisien traverse une période très compliquée, entre la violence (sur les terrains et dans les tribunes) qui mine le championnat tunisien et des clubs dont les gestions à court terme ont mené logiquement à un recul d’un cran dans la hiérarchie africaine.

Le football tunisien est un assemblage de paradoxes dont la stabilité est impossible à modéliser. Mais avec un duo Khazri-Sliti déterminé à prendre le relais du leadership offensif à la place de Msakni, l’intégration de Skhiri qui semble réussie au milieu, ces deux latéraux-ailiers (Nagguez et Maaloul) qui donnent des ailes aux couloirs, cet assemblage de paradoxes est capable de tout. Du meilleur, comme du pire. La différence devrait se jouer dans la capacité à garder un haut niveau de concentration et de justesse sur 90 minutes.

Revue d’effectif

En mars, le sélectionneur semblait avoir établi une hiérarchie impossible à bouger pour les gardiens : le cadre historique Mathlouthi en 1, le nouveau venu Moez Hassen en 2, un duel Ben Cherifia-Ben Mustapha pour la 3 (duel remporté par Ben Mustapha). Depuis, Hassen a joué les deux premiers matchs de préparation et semble tout près d’inverser la tendance face à un Mathlouthi de nouveau aligné contre l’Espagne.

À priori, la tentation de la défense à cinq est révolue (d’autant plus vu la fin de match face à l’Espagne) le quatuor suivant tient la corde pour débuter le 18 juin : Maaloul et Nagguez sur les côtés (avec le dijonnais Haddedi et le Bronn en alternatives), Yassine Meriah-Syam Ben Youssef dans l’axe. C’est la paire la plus complémentaire, mais gare aux prises de risques inconsidérées notamment pour le premier nommé…

Le milieu à trois pourra comporter deux variantes : soit un double déblayage Ben Amor-Skhiri pour laisser à Sassi la place pour étaler sa technique soyeuse (qu’on aimerait voir plus constante dans sa précision) en tête de triangle ; soit on inverse le triangle et le milieu de l’Espérance Chaalali prend la place de Ben Amor pour évoluer un cran plus haut. Cette place, le joueur de l’OM Seifeddine Khaoui y prétend également, mais un rendement inconstant sur les matchs de préparation fait qu’il sera plutôt le douzième ou treizième homme.

Les forfaits de Msakni et Khenissi constituent une perte de deux munitions importantes, qui ont conforté l’option de Khazri en faux numéro 9. S’il est à 100% pour commencer d’entrée contre l’Angleterre, il sera associé à un Sliti qui a pris du galon et Anice Badri, impressionnant depuis douze mois. Après de longs efforts pour réintégrer le groupe, Saber Khalifa part pour être la solution de remplacement qui sera sollicitée en premier. Mais le virevoltant milieu offensif de l’OGC Nice Srarfi et le puissant mais brouillon Fakhreddine Ben Youssef (requinqué depuis son départ en Arabie Saoudite) auront peut-être aussi des minutes à se mettre sous la dent.

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Le onze probable

Hassen (ou Mathlouthi)-Nagguez, Meriah, Ben Youssef, Maaloul-Skhiri, Ben Amor(ou Chaalali), Sassi-Badri, Sliti, Khazri

Le groupe

Gardiens : Aymen Mathlouthi (Al-Baten, ARS), Farouk Ben Mustapha (Al-Shabab, ARS), Mouez Hassen (Châteauroux, FRA).

Défenseurs : Hamdi Nagguez (Zamalek, EGY), Dylan Bronn (La Gantoise, BEL), Rami Bedoui (ESS), Yohan Benalouane (Leicester, ANG), Syam Ben Youssef (Kasimpasa, TUR), Yassine Meriah (CS Sfaxien), Oussama Haddadi (Dijon, FRA), Ali Maaloul (Ah Ahly, EGY).

Milieux : Mohamed Amine Ben Amor (Al-Ahli SC, ARS), Saîf-Eddine Khaoui (Troyes, FRA), Ahmed Khalil (Club Africain), Elyes Skhiri (Montpellier, FRA), Ghaylene Chaâlali (ES Tunis), Fakhreddine Ben Youssef (Al Ittifak, ARS).

Attaquants : Anice Badri (ES Tunis), Bassem Srarfi (Nice, FRA), Ahmed Akaichi (Al Ittihad, ARS), Wahbi Khazri (Rennes, FRA), Naïm Sliti (Dijon, FRA), Saber Khalifa (Club Africain).

Farouk Abdou
Farouk Abdou
Actuellement à E-management, passé par Echosciences Grenoble, Le Dauphiné Libéré, Sport Translations et Tunisie foot, Africain volant pour Lucarne Opposee