Après une campagne de qualification devenu quasi-parfaite suite à l’arrivée de Tite, le Brésil se présente en Russie avec l’étiquette de grand favori non seulement côté sud-américain mais aussi à l’échelle mondiale.

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Tite, l’homme de la situation

Quatre ans après l’humiliation reçue à domicile lors de la demi-finale de la Coupe du monde, la Seleção a bien changé et elle le doit en grande partie à son entraîneur Tite. Plébiscité par la presse et les supporters pour reprendre la sélection en 2014, Tite avait finalement vu Dunga lui passer devant. Un échec complet, avec un jeu qui ne répond pas aux attentes, tout comme les résultats avec une élimination en quart de finale de la Copa América 2015 contre le Paraguay, puis une élimination dès le premier tour un an plus tard lors de la Copa América Centenario aux États-Unis. Les résultats en éliminatoires de la Coupe du Monde étaient également décevants, avec une sixième place qui menaçait le Brésil de rater la première Coupe du Monde de son histoire. C’en était trop pour la CBF, qui a donc remplacé Dunga par Tite.

Ancien milieu de terrain avant de prendre sa retraite à 28 ans à cause d’une blessure au genou, Tite a remporté son premier titre en tant qu’entraîneur avec le petit club de Caxias, sa ville de naissance. Tite a remporté en 2000 le seul championnat gaúcho de l’histoire du club, avant de conserver le titre l’année suivante, avec cette fois le géant Grêmio. Tite a également marqué l’histoire du rival, l’Internacional, remportant la Copa Sudamericana 2008, mais c’est au Corinthians que Tite a véritablement laissé son empreinte avec trois passages. Un premier entre 2004 et 2005 à l’ère MSI-Tevez où il part au clash avec Kia Joorabchian, puis entre 2010 et 2013 où il remporte le Brasileirão 2011 et surtout la Copa Libertadores et le Mondial des clubs en 2012. Après une année à étudier le jeu, notamment le Real Madrid d’Ancelotti, Tite fait un retour triomphant au Timão, dominant complètement le Brasileirão 2015.

Le réveil du monstre

En septembre 2016, lorsque Tite débarque à Granja Comary, le Brésil a déjà joué six rencontres de qualifications sous la houlette de Dunga et sa coupe en brosse, soit un tiers du chemin vers la Russie : Après une défaite inaugurale face au Chili (2-0), alors tout frais champion continental, le capitaine de la campagne de 1994 s’en tire avec deux petites victoires (Venezuela 3-1 et Pérou 3-0), mais surtout trois pénibles nuls (Argentine 1-1, Uruguay 2-2 et Paraguay 2-2) qui annoncent le désastre à venir de la Copa Centenario étatsunienne, où le Brésil sera éliminé dès la phase de groupe. Un échec tonitruant qui sonne le glas du second mandat de Dunga à la tête de la sélection brésilienne. Dès son premier match avec la Seleção, remporté 3-0 en Équateur, Tite a mis en place un 4-1-4-1 aux allures de 4-3-3 avec les mêmes joueurs qui seront au Mondial, puisque des onze joueurs alignés le 1er septembre 2016, seuls trois ne seront pas titulaires en Russie : Marquinhos, Dani Alves et Renato Augusto. Tite a débuté par neuf victoires avant de perdre 1-0 contre l’Argentine lors d’un match amical en Australie avec une équipe largement modifiée. Le Brésil a su trouver son équilibre, avec un milieu solide permettant aux individualités de s’exprimer offensivement. Un temps moqué, le Brésil est redevenu une puissance du football mondial et avance en favori pour cette Coupe du Monde. Le bilan de Tite est exceptionnel : 17 victoires, 3 matchs nuls et une seule défaite pour 47 buts marqués et seulement 5 encaissés ! Ce Brésil est costaud, et il le doit en grande partie à Tite, qui est parvenu à installer un climat serein pour réussir la mission Hexa.

Revue d’effectif

Gardiens : Alisson confirmé en numéro 1

Historiquement, le poste de gardien de but n’est pas le point fort du Brésil, mais la Seleção se rendra en Russie avec deux très bons gardiens, quasiment du même âge : Alisson (25 ans) et Ederson (24 ans). Alisson, qui a la confiance de Tite depuis le début, sera bien titulaire après sa très bonne saison à l’AS Roma. Très bon dans le jeu au pied et sur sa ligne, Alisson, dont le dernier but encaissé avec le Brésil remonte à novembre 2017 et un match amical contre le Japon, est un atout sûr pour la Seleção. Ederson, le portier de Manchester City, sera donc remplaçant et ne devrait pas avoir l’occasion d’augmenter son nombre de sélections : une seule aujourd’hui, contre le Chili en 2017. En troisième gardien, Tite a fait appel à un gardien qu’il connaît bien : Cássio, 31 ans et gardien du Corinthians depuis 2011. Rarement convoqué (seulement trois fois avant la Coupe du Monde), Cássio va vivre son premier tournoi international avec le Brésil.

Défense : Une défense légèrement remaniée

Il y a six mois, il aurait été difficile de prédire la défense du Brésil pour cette Coupe du Monde. Tite a dû faire avec le forfait de Dani Alves et a décidé d’accorder sa confiance à Danilo, l’arrière-droit de Manchester City. Celui qui avait dû déclarer forfait pour la Copa América 2015, également finaliste des Jeux Olympiques 2012, sera titulaire et n’a pas vraiment rassuré lors des deux matchs de préparation. Problème, son remplaçant Fagner, lui aussi du Corinthians, offre encore moins de garanties. Côté gauche, Marcelo est une évidence pour tous et arrive en Russie au terme d’une nouvelle saison exceptionnelle avec le Real Madrid. Son apport offensif et son entente avec Neymar seront des points forts pour la Seleção. Derrière, Filipe Luís a décroché son billet d’avion en Russie au détriment d’Alex Sandro.

L’autre changement se situe dans la charnière centrale avec la présence de Thiago Silva qui a gagné sa place en 2018. Capitaine très critiqué lors de la Coupe du Monde 2014, Thiago Silva a connu une traversée du désert sous le maillot jaune, avant de revenir discrètement pour finalement être préféré à son coéquipier du Paris SG, Marquinhos. À ses côtés, Miranda est toujours aussi solide et sera même le capitaine pour mener cette Seleção vers un sixième titre mondial. Sur le banc, Marquinhos sera accompagné du vainqueur de la Copa Libertadores 2017 avec Grêmio, Pedro Geromel.

Milieu : Densité et équilibre

Le Brésil joue dans un 4-3-3, permettant de mettre toute la densité nécessaire au milieu de terrain. En sentinelle, Casemiro tentera de perpétuer la légende des Zito, Toninho Cerezo ou encore Dunga. Pas le plus élégant balle au pied, Casemiro apporte un équilibre à l’équipe entière, pouvant rattraper les erreurs de ses coéquipiers. À ses côtés, Paulinho ne correspond pas non plus vraiment à l’idée du joga bonito, mais il est également important pour gagner la bataille du milieu, en plus de très bien connaître Tite, pour qui il a joué au Corinthians de 2010 à 2013. Autre avantage de taille, Paulinho sait se montrer buteur, en témoignent ses six buts lors des éliminatoires de la Coupe du Monde ou ses huit buts en Liga cette saison avec le Barça. Enfin, le dernier poste n’est pas tout à fait défini avec deux candidats : Fernandinho pour un profil légèrement plus défensif ou Philippe Coutinho, pas toujours à l’aise dans ce rôle de relayeur, mais dont l’entente avec Neymar peut être dévastatrice pour les adversaires du Brésil. Sur le banc, Taison peut faire jouer sa polyvalence alors que son ancien coéquipier du Shakthar, Fred, devrait avoir un temps de jeu limité, tout comme Renato Augusto qui a perdu la confiance de Tite.

Attaque : Un potentiel exceptionnel

Si la formation de Tite est parfaitement équilibrée, c’est bien l’attaque qui apparaît la plus redoutable avec sa star Neymar. Auteur de quatre buts lors de la Coupe du Monde 2014, Neymar est à 26 ans, le joueur le plus expérimenté du groupe avec déjà 85 sélections ! Neymar a également profité des deux matchs de préparation pour égaler la légende Romário et ses 55 buts sous le maillot jaune. Devant lui, il ne reste plus que deux noms : Ronaldo (62 buts) et Pelé (77 buts). On imagine mal Neymar, qui a pu se reposer quatre mois lors de la deuxième partie de saison, passer à côté de sa Coupe du Monde, d’autant plus qu’il a montré lors de la préparation qu’il était bien en jambes. Sur le côté droit, Willian est un titulaire indiscutable, mélangeant puissance, vitesse et technique. Sur les 47 matchs disputés par le Brésil depuis la Coupe du monde 2014, Willian n’en a manqué que deux : l’un lors d’un match amical contre la Colombie en hommage aux victimes du vol de la Chape où seuls les joueurs jouant au Brésil étaient convoqués, l’autre lors du match amical de 2017 contre l’Argentine, seule défaite de Tite à la tête du Brésil ! Willian fait preuve de régularité depuis quatre ans, passant très rarement à côté de son match lorsqu’il est aligné.

En pointe, Gabriel Jesus sera titulaire et devrait faire parler son sens du but. Dans un style différent des légendaires avant-centres brésiliens comme Ronaldo et Romário, Gabriel Jesus peut marquer à tout moment, surtout lorsque le match semble fermé. Gabriel Jesus a connu sa première sélection pour la première de Tite et il affiche depuis des statistiques de 10 buts pour 17 sélections. Le grand attaquant qui faisait tant défaut à la Seleção en 2014 est enfin présent, et ils sont même deux, puisque Roberto Firmino a une belle carte à jouer en tant que joker de luxe. Auteur d’une formidable saison avec Liverpool, Firmino peut également jouer en étant décalé sur le côté droit et sera un atout de plus pour Tite. Enfin, Douglas Costa ne manque pas de talent, mais avec la concurrence sur les côtés, il devrait avoir assez peu d’occasions de fouler le pré en Russie, ce qui permet de se rendre compte du formidable potentiel offensif de la Seleção pour parvenir à décrocher la sixième étoile.

È só Futebol

Au Brésil, les très bons résultats de l’ère Tite ont fait oublier le drame du Mineiraço de juillet 2014. Ou presque, car la vérité est extra-sportive. Au coup de sifflet final de la demi-finale contre l’Allemagne, et à fortiori du match pour la troisième place contre les Pays-Bas, les Brésiliens se disaient alors que personne ne parviendrait à autant salir l’honneur de la nation auriverde. C’était sans compter sur la classe dirigeante du pays qui, petit à petit, mois après mois, allait se retrouver, pour sa quasi-intégralité, mêlée à une affaire de corruption monstrueusement tentaculaire : l’édifiante Operação Lava-Jato. Le scandale n’épargne personne, politiciens, hommes d’affaires, banquiers, journalistes, les brésiliens sont victimes d’un immense jeu de dupe, dont le but est le détournement de somme astronomique d’argent public. S’en suit la destitution, qu’une bonne moitié du pays voit comme un coup d’Etat, de la Présidente en place et fraîchement élue, Dilma Roussef, la mise en place d’une sévère politique d’austérité et une terrifiante poussée de l’extrême droite du sordide Jair Bolsonaro, qui rappelle les sombres heures de la dictature.

Vous le comprendrez donc, au moment de débuter le Mondial Russe, le peuple brésilien, qui sort également d’une toute fraîche grève des camionneurs qui a ébranlé le pays entier, a du mal à avoir la tête au football. Un enthousiasme maussade qui, on vous l’accorde, s’embrasera probablement, et on l’espère, dès le premier match. Reste que la Seleção, grâce à ses bons résultats et un comportement irréprochable, jouit d’une saine popularité. Hormis quelques chipotages de journalistes qui cherchent la petite bête çà et là, Tite et ses homme bénéficient d’une confiance entière, qui devraient leur apporter cette sérénité qui leur a tant fait défaut il y a quatre ans. 

Mission anti-dépression

L’ambition ? Du Brésil ? Vraiment ? C’est une question sérieuse ? O Hexa, le sixième sacre, bien évidemment. Le titre mondial est/sera toujours l’objectif ultime des Auriverdes, mais cette année, il le sera peut-être plus par possibilité que par obligation. Une différence de poids. Aussi, comme vous l’avez lu ci-dessus, le contexte national est particulier, et la Seleção sera chargée d’une mission spéciale pour cette Coupe du Monde : Redonner le sourire à un pays qui en a bien besoin car, en octobre prochain, les Brésiliens se rendront aux urnes pour des élections présidentielles de tous les dangers, dont la campagne s’annonce à couteau tiré et extrêmement clivante. Qui sait, une sixième étoile pourrait bien être l’élan patriotique qui parviendrait à vaincre le nationalisme ? Ou pas. Les conséquences pourraient quoi qu’il en soit être bien plus que sportives.

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Le onze probable

Alisson – Danilo, Thiago Silva, Miranda (C), Marcelo – Casemiro, Paulinho, Coutinho (Fernandinho) – Willian, Neymar, Gabriel Jesus

Le groupe

Gardiens : Alisson (AS Roma), Ederson (Manchester City), Cássio (Corinthians)

Défenseurs : Danilo (Manchester City), Fagner (Corinthians), Thiago Silva (Paris SG), Miranda (Atletico Madrid), Marquinhos (Paris SG), Pedro Geromel (Grêmio), Marcelo (Real Madrid), Filipe Luís (Atletico Madrid)

Milieux : Casemiro (Real Madrid), Paulinho (FC Barcelone), Fernandinho (Manchester City), Philippe Coutinho (FC Barcelone), Fred (Manchester City), Renato Augusto (Beijing Guoan), Taison (Chakthar Donetsk)

Attaquants : Neymar (Paris SG), Willian (Chelsea), Gabriel Jesus (Manchester City), Roberto Firmino (Liverpool), Douglas Costa (Juventus)

 

Par Simon Balacheff et Marcelin Chamoin

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.