Trop souvent résumée à Tim Cahill ou Mile Jedinak, l’équipe nationale australienne a beaucoup plus de chose à dire et à démontrer. Cantonnés au « kick’n’rush », les Socceroos avaient pourtant construit leurs dernières années sur un football ultra-offensif avec Ange Postecoglou. L’ancien sélectionneur a laissé une nation qualifiée pour la Coupe du Monde 2018 à Bert van Marwijk, finaliste avec les Pays-Bas en 2010. Le technicien hollandais, dans un style complètement différent, va essayer de tout faire pour sortir les Socceroos de cette phase de groupe. Présentation.

banlomag

L’Ange des Socceroos

Ange Postecoglou est arrivé à la tête des ‘Roos à la suite du limogeage d’Holger Osieck après que l’Australie essuyait une double défaite 6-0 contre le Brésil et la France. Venant du Brisbane Roar, avec qui il avait révolutionné le championnat, Ange Postecoglou a peu à peu redressé une nation en perdition. Si la Coupe du Monde 2014 n’a pas laissé la moindre chance aux Australiens, la Coupe d’Asie leur a offert meilleur destin avec une victoire finale, une première dans leur histoire. S’ensuivirent des séries de matchs sans défaite malgré quelques ratés, comme face à la Jordanie en qualification pour cette Coupe du Monde ou battus 2 à 0 en Jordanie, les Socceroos s’étaient fait pardonner en corrigeant 5 à 0 cette même nation au retour. Cette campagne a cependant montré que la roue avait tourné. Ange Postecoglou a perdu la main au fil des rencontres, les mauvais matchs se sont succédé, l’avant dernier tour qualificatif virant au calvaire quand les Australiens restaient bloqués dans un système qui ne sembler plus leur convenir, ne fonctionnait plus. Le jeu n’y était plus le même malgré l’envie de toujours aller de l’avant de Postecoglou. Contre la Thaïlande, les Australiens se sont fait piéger de nombreuses fois avec des remontés rapides des joueurs bleus et rouges avant que les Socceroos ne soient sauvés de la déroute par Mathew Leckie. Ambitieuse dans le jeu, l’Australie accusait des problèmes dans son repli défensif et le passage à la défense à trois, prometteur pendant la Coupe des Confédérations, et utilisé jusqu’à la fin du mandat de Postecoglou, n’eut pas les résultats espérés. Les joueurs devaient jouer à des postes différents et avec des consignes éloignées de leur système de jeu en club à l’image d’un Joshua Risdon, devenu ailier et peinant à se replier ou d’un Matthew Leckie enfermé sur son côté droit, trop haut pour lui. Et sur le plan des résultats, quatre matchs nuls de rang (Arabie Saoudite, Japon, Thaïlande, Irak) ont fait mal, les Socceroos ont dû passer par deux barrages pour arriver en Russie. Des barrages longs et éprouvants, une courte victoire face à la Syrie, un retour pénible mais remporté face au Honduras. La mission accomplie, Ange Postecoglou a alors choisi de s’en aller. La fédération devait trouver un successeur, un pompier pour prendre en main la sélection nationale qui, dans moins d’un an, devait représenter le pays à la Coupe du Monde. Un comité de conseil a vu le jour sans qu’on sache ce qu’il faisait réellement puis, en février, après avoir vu passer une longue liste de noms (de Bielsa à Mancini), la FFA annonçait Bert van Marwijk comme nouveau sélectionneur pour le temps de la Coupe du Monde. La fédération a ainsi choisi un entraîneur expérimenté, tant dans la confédération AFC (il venait de qualifier l’Arabie Saoudite à la Coupe du Monde russe) qu’en compétition internationale (voir le parcours de ses Pays-Bas de 2010) et connaissant déjà un peu l’équipe nationale australienne. Mais en choisissant van Marwijk, la fédération tirait un trait sur quatre années de travail, de jeu et d’identité nouvelle. Place à la défense, la contre-attaque et à laisser la possession à l’adversaire.

« Soccerwhos ? »

Si la Une du Daily Telegraph Sport était une réponse à Antoine Griezmann, qui n'avait pu donner le moindre nom parmi le groupe de ses adversaires, elle symbolise aussi une nation qui aborde la campagne de Russie sans savoir qui est vraiment son adversaire. Cahill et Jedinak relégués au second plan, l’Australie ne peut plus être résumée à ses deux emblèmes médiatiques. Place désormais à Tom Rogić, Trent Sainsbury, Mathew Leckie et Mathew Ryan sans oublier Aaron Mooy et Andrew Nabbout. Avant de songer à quelle équipe choisir, Bert van Marwijk devait de juger et connaître ses troupes. Pour cela, il s’est envolé avec la sélection nationale en Norvège et s’est fait bousculé 4-1 par une équipe rapide et surtout mettant en avant les lacunes défensives des ‘Roos qui se sont ensuite ressaisis contre la Colombie, sans pour autant briller. Alors Bert van Marwijk a ensuite tout révolutionné et mis tout le monde au travail. Un travail tellement intense que Mark Milligan disait que « ces trois dernières semaines étaient de la torture » mais qu’ils « en avaient besoin ». Au final, Bert van Marwijk a livré une liste des 23 cohérentes même si le choix Tim Cahill a fait débat tant la légende n’a pas joué cette saison. Pour le reste, van Marwijk a appelé Daniel Arzani et Andrew Nabbout. Les Socceroos se sont installés à Antalya pour préparer le Mondial, Bert van Marwijk a donné deux mots d’ordres avec son compère Mark van Bommel : des passes, des passes et du cardio. Une recette miracle accompagné d’un tournant tactique.

Virage à 180°

Place au 4-2-3-1. van Marwijk est un passionné de Diego Simeone, il veut voir ainsi son Australie aligner un bloc défensif impénétrable. Opérant déjà ce système avec l’Arabie Saoudite, l’Australie se ferme maintenant à deux lignes, laisse la possession à l’adversaire. Une révolution après quatre années où la possession était une obsession. Les ‘Roos s’acharnent désormais à réduire au maximum les espaces mais si le bloc collectif semble fonctionner, il est encore plombé par des hauts et bas individuels à l’image de Joshua Risdon qui a souffert en amical contre Roland Sallai, de Mark Milligan parfois trop juste ou du manque de communication comme celui entre Trent Sainsbury et Brad Jones sur le but encaissé face à la Hongrie. Aziz Behich fait quant à lui image de l’homme fort de ce secteur défensif. Dans le cas extrême, Mathew Ryan a encore répondu présent sur sa ligne face à Szalai en face-à-face. Le portier de Brighton Hove & Albion répète en sélection toutes les bonnes prestations qu’il a faites en club. L’autre souci du système est le choix des hommes placés dans l’axe devant la défense. Lorsqu’alignés Aaron Mooy et Massimo Luongo, le duo plus créatif que physique, tend à lâcher du lest dans le marquage et met l’équilibre en danger. Ce danger a ainsi ramené la question de la titularisation de Mile Jedinak dans le onze de départ face à l’équipe de France. Si Luongo reste l’homme numéro un, Jedinak a parfaitement répondu aux attentes lors de son entrée en deuxième période en Hongrie.

Point de vue offensif, l’Australie joue également différemment et repose sur un homme-clé : Aaron Mooy dont la vision est essentielle pour aller chercher Robbie Kruse ou Mathew Leckie sur les côtés ou l’électron libre Tom Rogić dans l’axe. L’idée générale est de cultiver l’efficacité. Ce système condamne Andrew Nabbout à errer seul en pointe et ainsi à ne pas avoir beaucoup de ballon, lui offrant un rôle ingrat qui consiste le plus souvent à courir après ce ballon auprès de la défense adverse lorsque la possession change de couleur. Ce modèle a parfaitement fonctionné face à la République Tchèque, surtout une fois que les ‘Roos ont pris les devants, il a vacillé face à la Hongrie. Lorsque Kruse et Leckie sont bloqués, l’animation offensive ne fonctionne plus, Mooy et Luongo montent, cherchent Rogić et déséquilibrent tout le bloc défensif. Face à la Hongrie, Irvine et Arzani ont apporté énormément à l’équipe lors de leur entrée en jeu. Bert van Marwijk ne semble pas prêt à lancer ces deux joueurs dès les premières minutes du match contre la France. Au contraire. Daniel Arzani a pourtant été performant dès son entrée en jeu. Un ballon touché, un tir, un but puis une passe quasi-décisive pour Irvine sur le but du 2-1.

L’Australie n’est évidemment pas favorite dans la course à la qualification où ses concurrents montrent bien plus de certitudes et de qualités. L’expérience du coach hollandais est cruciale dans les trois matchs à venir de ce Mondial, les mots d’ordres « unité » et « concentration » seront les premières tâches à respecter pour les Socceroos. À défaut de croire à une prouesse égale à 2006, l’Australie doit porter un message positif de son football. Il en va de son image internationale et sa crédibilité nationale où son championnat souffre d’un manque d’intérêt de plus en plus grand. Ensuite viendra l’heure de reconstruire.

calendrieraustralie

Le onze probable

Ryan – Risdon, Milligan, Sainsbury, Behich – Mooy, Luongo, Rogić – Kruse, Leckie, Nabbout

Le groupe

Gardiens : Mathew Ryan (Brighton & Hove Albion FC), Brad Jones (Feyenoord Rotterdam), Danny Vukovic (KRC Genk).

Défenseurs : Trent Sainsbury (Grasshopper Club Zurich), Matthew Jurman (Suwon Samsung Bluewings), Milos Degenek (Yokohama F. Marinos), Joshua Risdon (WS Wanderers), Aziz Behich (Bursaspor), James Meredith (Millwall FC).

Millieux : Mile Jedinak (Aston Villa FC), Aaron Mooy (Huddersfield Town FC), Tom Rogić (Celtic FC), Massimo Luongo (Queens Park Rangers FC), Jackson Irvine (Hull City AFC), Dimitri Petratos (Newcastle Jets FC), Mark Milligan (Al Ahli SC).

Attaquants : Tim Cahill (sans club), Tomi Jurić (FC Luzern), Mathew Leckie (Hertha Berlin SC), Daniel Arzani (Melbourne City FC), Andrew Nabbout (Urawa Red Diamonds), Robbie Kruse (VfL Bochum), Jamie Maclaren (SV Darmstadt 98).

Antoine Blanchet-Quérin
Antoine Blanchet-Quérin
Spécialiste du football australien, néozélandais et océanien pour Lucarne Opposée.