Trente-six ans d'attente, de frustration, d'espoirs perdus vont enfin prendre fin. Pour son retour en phase finale d'une Coupe du Monde, le Pérou a tout du poil à gratter. Car s'il se rappelle d'où il vient, il sait surtout où il va.

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El Camino Inca

Si l’on compare à notre histoire du football français, Gareca a commencé son histoire avec le Pérou comme étant en quelque sorte le Kostadinov des Péruviens. Mais à l’inverse du Bulgare, l’Argentin a payé sa dette envers le peuple péruvien. Pour cela le chemin a été long et sinueux.

Nous sommes le 30 juin 1985, le Pérou et l’Argentine s’affrontent dans le cadre des éliminatoires pour la Coupe du Monde 1986. La Blanquirroja, dirigée par Roberto Chale, menait de deux buts à un au Monumental de Buenos Aires et était à dix minutes d’être qualifiée pour son troisième mondial consécutif (après 1978 et 1982). L’Albiceleste de Diego Maradona était quant à elle au bord du gouffre, elle avait déjà perdu contre le Pérou à Lima sur un but de l’attaquant Juan Carlos Oblitas, et se trouvait en position délicate avant d’aborder ce match décisif. Malgré l’ouverture du score de Pedro Pasculli, le Pérou fit parler la poudre par deux fois avec des buts de Jose Velasquez et Geronimo Barbadillo grâce à une prestation XXL de César Cueto. C’est alors que Daniel Pasarella réceptionna un ballon à droite dans la surface et tira vers les buts, le ballon passa au travers du gardien péruvien et s’écrasa contre le poteau. Le défenseur Javier Chirino se disposait alors à dégager la balle lorsqu’il se fit bousculer par Pasculli, Ricardo Gareca se trouvait alors démarqué et poussa le ballon dans les cages vides. La faute ne fut pas sifflée par l’arbitre brésilien Romualdo Arppi Filho et l’Argentine revenait à égalité sur ce score de deux buts partout, suffisant aux coéquipiers de Maradona pour disputer le mondial mexicain. Nous connaissons tous parfaitement la suite de l’Histoire, l’Argentine allaient remporter sa deuxième Coupe du Monde contre l’Allemagne. Mais connaissez-vous la petite histoire, la version des perdants et oubliés ?

Un héros oublié

Le Tigre venait de donner son dernier coup de griffe à un Pérou éliminé qui devra attendre 32 ans pour disputer une Coupe du Monde. Malheureusement pour l’Argentin, et malgré son but sauveur, le sélectionneur Carlos Bilardo décida de ne pas l’inclure dans sa liste pour disputer la Coupe du Monde 1986. Il était au même moment avec son club América de Cali à l’annonce de la liste, il s’enferma plusieurs heures dans sa chambre pour pleurer. C’était le jour le plus triste de sa vie selon ses dires. Après plusieurs années et avec du recul, Gareca a compris la décision du sélectionneur de l’époque comme un choix purement technique et n’en gardera aucune rancœur. Il termina sa carrière de joueur après une ultime saison à Independiente en 1994 et commença sa carrière d’entraineur l’année suivante en 1995 avec le club San Martín de Tucumán. C’est en 2007 qu’il réapparut au Pérou, pour entrainer le club le plus populaire, l’Universitario de Deportes. Il termina deuxième du Clausura la même année. Il remportera le tournoi de l’Apertura en 2008 et termina troisième du classement cumulé du Descentralizado. En 2009, il mettra fin à son contrat avec la U d’un commun accord avec les dirigeant afin d’entrainer le club de son cœur, le Velez Sarsfield avec qui il décroche trois titres de champion. En 2014 il signe chez l’ogre brésilien, le Palmeiras qui venait de remonter parmi l’élite. Il est accueilli comme l’homme qui allait remettre le club sur le chemin de la gloire. Son expérience tourne vite au vinaigre, le club se retrouve reléguable et il est alors remercié en août 2014.

Après la campagne catastrophique des éliminatoires pour le mondial 2014, personne ne voulait alors reprendre les rênes de la sélection péruvienne que venait de quitter Sergio Markarian. Après les refus de Luis Felipe Scolari et Marcelo Bielsa entre autres, le directeur de la fédération, Juan Carlos Oblitas apparut avec le nom de Ricardo Gareca. Ces deux hommes, qui étaient alors rivaux cette soirée de juin 1985 à Buenos Aires, allaient écrire l’histoire du football péruvien mais cette fois ci dans le même camp. La tâche s’annonce délicate et l’Argentin se trouve au pied d’une montagne. Mais au Pérou les montagnes font partie intégrante du paysage, la Cordillère des Andes en est le plus beau symbole. Avant d’atteindre le sommet il faut reprendre les bases, recommencer à zéro. Derniers des éliminatoires 2010 et huitième des éliminatoires 2014, la sélection ne pouvait difficilement partir de plus bas.

Quand le Tigre montre les griffes

Ricardo Gareca est un architecte, il aime construire son équipe avec des éléments qu’il place en confiance. Il est persuadé qu’il existe une synergie entre une sélection et son championnat. Son principe de construction d’une sélection est de s’appuyer sur son championnat local pour en transformer sa matière première, le talent de la jeunesse. C’est par ce principe qu’il convoque les jeunes promesses d’Universitario, Edison Flores et Raúl Ruidíaz. C’est d’ailleurs avec ces deux joueurs que commence l’aventure dans la qualification au mondial 2018. Le 24 mars 2016, le Pérou accueille le Venezuela dans ce match qui sera un tournant pour la Blanquirroja. La campagne éliminatoire avait mal débuté avec une petite victoire pour trois défaites et la venue du Venezuela, considéré comme l’adversaire le plus abordable, devait être synonyme de victoire facile. Une fois de plus, la sélection n’y arrive pas et se surprendre par la Vinotinto qui mène deux à zéro. Paolo Guerrero, en leader qui n’abandonne jamais relance les siens grâce à un but à la soixantième. Gareca décide au même moment d’opérer à un double changement. El profe remplace les expérimentés Pizarro et Farfán par les jeunes locaux Flores et Ruidíaz. Comme un symbole, Raúl Ruidíaz inscrit le but de l’égalisation à la 93ème sur une passe décisive d’Edison Flores. Ces deux-là ne quitteront jamais plus la sélection, leurs entrées ont été décisives et ont conforté le sélectionneur dans ses choix et ses principes. Du onze qui débuta contre le Venezuela ce soir-là, un peu moins de la moitié sont encore aujourd’hui en sélection. Des joueurs comme Carlos Zambrano, indéboulonnable en défense, ou surtout Juan Vargas ne porteront plus le maillot du Pérou. Se séparer d’El Loco Vargas, formé à la U et idole de la Fiorentina, un des joueurs péruviens les plus reconnu en Europe, était un symbole fort et une décision difficile que prit Gareca. Un autre joueur, star du Pérou et de toute une génération allait vite lui emboiter le pas.

Le bombardier s’écrase

Voyageons maintenant en terres uruguayennes, à Montevideo pour la 6ème journée des éliminatoires qui se jouait quelques jours après la déception vénézuélienne. Une autre figure du football péruvien de ces dix dernières années allait connaître sa dernière opportunité de mener la sélection. Ricardo Gareca devait composer avec plusieurs blessés et des joueurs en méforme physique mais aussi psychologique. On annonça alors l’enfer au Centenario de Montevideo pour la Blanquirroja. Les joueurs de Gareca s’en sortent finalement en conservant un match nul à la mi-temps. Au retour des vestiaires et après quelques minutes de jeu, Claudio Pizarro demande son remplacement après avoir senti une gêne musculaire. Le capitaine et leader sort donc et quatre minutes après, Edinson Cavani ouvre le score pour l’Uruguay. C’est alors que Paolo Guerrero se tourna vers le banc avec un regard noir et en désignant Claudio Pizarro comme responsable d’avoir abandonné ses troupes. L’image fait le tour de la presse péruvienne et el Bombardero ne portera plus jamais les couleurs de son pays. Après cette double-date éliminatoire de mars 2016, le Pérou se réveille loin, très loin de la Russie. La presse et l’opinion publique grondent et pourtant Ricardo Gareca reste calme, car pendant cette tempête, le technicien argentin s’est finalement conforté dans ses choix et dissipé ses derniers doutes. Il a maintenant en tête les joueurs sur lesquels il peut s’appuyer pour construire un collectif. Les joueurs voulant faire partis de la sélection doivent se sentir compromis et en pleine forme physique et mentale. Voici le message que Gareca veut faire passer.

La touche péruvienne

Avec ce groupe, il trouve enfin une identité de jeu au Pérou en remettant à la mode le fameux « toque peruano » avec une équipe qui cherche la possession en se projetant rapidement vers l’avant en une ou deux touches de balle. En donnant les clés de son équipe à Paolo Guerrero, Gareca s’est assuré que ses idées allaitent être transmises sur le terrain. Avec Claudio Pizarro, Paolo était alors exilé sur un côté ou repositionné en deuxième attaquant. La sortie du Bombardero a donc libéré el Depredador retrouvant sa position de neuf et qui s’est transformé en buteur né ainsi qu’en leader d’homme assoiffé de victoire. Quand il est lancé dans la surface adverse rien ne l’arête. Pas même la défense argentine ce 6 octobre 2016 pour la 9ème journée qui se jouait à Lima. Mené 1-0, le Pérou n’abdique pas et Paolo lancé par Trauco il contrôle de la poitrine, résiste à la charge de Funes Mori et place le ballon au fond des filets. Guerrero a cette capacité à protéger son ballon et résister aux tacles dans la surface adverse. Il a cette hargne du buteur à aller jusqu’au bout. L’Argentine passe tout de même devant avec un deuxième but signé Higuain à une quinzaine de minute de la fin. Mais le Pérou revient à la charge avec son capitaine en tête et cherche à tout prix l’égalisation. C’est un match qui se joue au mental, par deux fois le Pérou se retrouve mené mais par deux fois le Pérou va revenir. La lumière viendra encore de Paolo Guerrero qui s’infiltre dans la surface mais il est cette fois accroché par Mascherano. L’arbitre siffle le penalty qui sera transformé par Cueva, le tireur désigné. Fin de l’histoire, deux buts partout. Ce match aura démontré la force mentale de l’équipe dans un scénario où le Pérou avait l’habitude de perdre en laissant tombé. Ce soir il s’est toujours relevé.

Lors de la douzième journée, le Brésil se présente à l’Estadio Nacional de Lima avec sa pléiade de cracks : Coutinho, Jesus, Dani Alves et surtout la superstar Neymar Jr. Malgré une première période appliquée où Andre Carillo touche le poteau, la Blanquirroja ne peut rien contre ce Brésil beaucoup trop fort et qui finira premier de la zone Amérique du Sud avec dix points d’avance sur son premier poursuivant, l’Uruguay. Le score ne reflètera pas forcement le contenu du match où l’on a vu une Blanquirroja toujours plus proche d’ouvrir le score ou d’égaliser mais les brésilien ont été plus réaliste. Ce sera la dernière défaite du Pérou de ces qualifications. Série qui se poursuivra même en 2017 où le Pérou sera invaincu de l’année. Contre le Venezuela au stade Maturin de Caracas, la défaite sonne à la porte du Pérou après deux buts de la Vinotinto, personne ne vient ouvrir à la porte, on ne laisse pas entrer la défaite et on lui claque deux buts pour égaliser et repartir avec un point du Venezuela. Une fois de plus le Pérou se fait peur mais revient dans le match grâce une nouvelle fois au mental.

Le Pérou-Uruguay du 28 mars 2017 avait comme un air de match coupe-gorge. On se souvient du Pérou-Uruguay de 2013 laissant la Blanquirroja sur le carreau après la défaite et un Paolo Guerrero en sang après avoir reçu un coup de Walter Gargano. Ce remake 2017 n’en fut pas un. Match parfaitement maitrisé des Incas contre les Charrúas que ce soit en défense ou en attaque. En défense, c’est le jeune Miguel Araujo qui est aligné aux cotés de l’expérimenté Alberto Rodriguez. Avant le match, le staff péruvien, qui avait analysé les attaquants uruguayens, explique au jeune Miguel qu’il sautait plus haut que Suarez et Cavani et qu’il était plus rapide. Le défenseur péruvien réalise alors un match plein en gagnant plusieurs duels face à un des meilleurs duos d’attaquant du monde. En attaque, c’est le numéro neuf et capitaine qui une fois de plus lancera son équipe sur le chemin de la victoire. Sur une longue passe de Yoshi Yotún, Paolo fait parler toute sa puissance et prend de vitesse Diego Godin qui finira par terre puis place un tir à droite du gardien qui finira au fond. Paolo n’a pas oublié cette soirée de 2013 et tient enfin sa revanche, on sent toute sa rage accumulée depuis quatre ans dans ce but. La suite du match ira dans un sens unique, le Pérou joue enfin son football comme un grand contre un grand. Des séquences folles de passes courtes entre plusieurs joueurs allant de tirs cadrés jusqu’à l’inévitable but d’Edison Flores. Le Pérou bat l’Uruguay et se relance plus que jamais dans la course à la qualification au mondial 2018. Une nouvelle idole du Pérou est née, Edison Flores, el Oreja (pour ses oreilles décollées), fera sauter de joie des millions de Péruviens lors des prochains matchs.

Gloire dans les hauteurs

Né le 14 mai 1994 à Lima, Edison Flores a grandi dans le quartier populaire de Comas où il commence le football à l’école de Hector Chumpitaz (ancien gloire et capitaine du Pérou dans les années 70 et 80). C’est le fils de ce dernier qui l’emmènera alors au centre de formation d’Universitario. Il débutera en équipe première aux côtés d’un certain Andy Polo en 2011 à l’âge de 17 ans. La même année, il sera champion de la Libertadores des U20 avec son club. L’année suivante il signe en Espagne à Villarreal où il jouera une quarantaine de match avec la réserve. En 2014 il retourne dans son club et commence à former un trio d’attaquant redoutable aux côtés de Raúl Ruidíaz et Andy Polo. En 2016 et 2017 il deviendra une pièce maitresse dans le puzzle Gareca. C’est avant tout une personne humble, loin des clichés des footballeurs. Pas de coupe de cheveux excentrique, aucun tatouage, une gueule d’ange et un sourire d’adolescent innocent. C’est pourtant bien ce chibolo (gamin) qui terrorisera les défenses boliviennes puis équatoriennes lors de la double date des qualifications début septembre 2017. Contre la Bolivie c’est lui qui débloque le match d’une lourde frappe des vingt mètres avant que Cueva fasse le break et scelle cette victoire. Il récidivera quelques jours plus tard en Équateur dans un match à couper le souffle. Les deux pays voisins s’affrontent à quelques journées de la fin de ces qualifications en étant tous les deux en position de se qualifier. Dans le stade Atahualpa de Quito, à plus de 2800 mètre d’altitude, l’air est irrespirable, la pression est au summum. C’est un match très fermé, des occasions de part et d’autre mais le cuir reste capricieux et le score restera vierge à la pause. Le capitaine Guerrero n’y arrive pas et on remarque la frustration sur son visage. La lumière viendra une nouvelle fois de ce jeune virevoltant Flores qui, ne trouvant pas de solution, frappe des vingt mètres et surprend toute la défense ainsi que le gardien qui ira chercher la balle au fond de ses filets. Andre Carillo rejoindra Flores dans sa célébration, son numéro 18 associé au 20 de Flores formeront le nombre 2018. L’image fera le tour du pays et deviendra un symbole d’espoir pour le Pérou. Paolo Hurtado aggravera le score quelques minutes plus tard mais la réduction du score sur un penalty à dix minutes de la fin viendra relancer le match et donner des sueurs froides aux péruviens. Il n’en sera rien, le Pérou sortira vainqueur et gagnera pour la première fois de son histoire sur les terres équatoriennes. Buteur en trois matchs consécutifs, Edison Flores est élevé au rang de héros national et artisan de cette qualification. Dans les rues, ce n’est plus uniquement le maillot floqué du numéro neuf que l’on retrouve mais aussi ce numéro vingt que les gens s’arrachent.

La Bombonera et le spectre de 1969

Un mois après ces triomphes cruciaux, le Pérou se déplace chez une Albiceleste au bord du gouffre qui commence à voir la Russie sérieusement s’éloigner. En Argentine on se souvient d’une telle situation où le Pérou était allé chercher le nul à la Bombonera en laissant la sélection hors du mondial 1970. Alors, les Argentins mettent toutes les chances de leurs côtés et décident de délocaliser le match à la Bombonera, dans l’antre de Boca Juniors, pour compter sur une hinchada des plus hostiles. Ricardo Gareca pouvait lui compter sur le support de son club de toujours, le Velez Sarfield qui lui prêta ses installations pour les entrainements de la Blanquirroja avant le match contre l’Argentine. Ce match n’ira finalement que dans un sens, les Argentins emmenés par Lionel Messi iront à l’assaut des cages péruviennes durant 90 minutes. Manque de chance, le gardien péruvien, Pedro Gallese sortira le match de sa vie, écœurant les attaquants et gardera sa cage inviolée. Le Pérou a passé le test de la Bombonera, cette équipe est prête à affronter n’importe quel adversaire sur n’importe quel terrain et devient un sérieux candidat pour la qualification au mondial russe. Une fois de plus, Ricardo Gareca a su mettre en place un système pour contrer l’armada albiceleste. Aussi, il fait taire ses derniers détracteurs qui imaginaient el Tigre aider sa patrie en difficulté en faisant un non-match. Bien au contraire, le technicien à tout fait pour gagner ce match et ramener des points dans cette bataille. En rentrant à Lima avec un point durement acquis, il est rentré définitivement dans le cœur des Péruviens.

La toco, la toco, la toco !

La dernière journée des qualifications sud-américaines concernait encore six équipes sur les dix de cette zone. Le Pérou recevait la Colombie qui venait de perdre contre le Paraguay et nécessitait encore un point pour se qualifier alors que la Blanquirroja devait l’emporter si elle voulait être maîtresse de son destin. Le stade Nacional de Lima était plein à craquer d’hinchas voluant retrouver leur sélection à une Coupe du Monde. La première mi-temps est insoutenable tant les Colombiens affichent une maitrise impeccable dans le jeu avec des attaquants remuants comme Falcao et Zapata accompagné par l’excellent James Rodriguez. C’est ce dernier qui jettera un coup de froid à l’Estadio Nacional en ouvrant le score après la pause. Pourtant, dans les tribunes on ne s’avoue pas vaincu et on fête même les buts brésiliens contre le Chili synonymes d’espoirs. À quinze minutes de la fin, le destin de tout un peuple se trouve dans les pieds de Paolo Guerrero, le capitaine de la sélection. Qui d’autre aurait eu assez de cran pour frapper ce coup franc indirect de cette façon ? Quel joueur aurait tenté ce coup de poker ? Et pourtant, quand Paolo se saisit du ballon, il ne doute pas une seconde, et prend le pari fou de tirer directement vers le but et voit sa frappe déviée par Ospina dans les filets. On se souviendra la voix particulière à la télévision de Daniel Peredo, commentateur hurlant « la toco, la toco, la toco ! » (il l’a touché !). Le but accordé. Les dernières minutes du match verront les deux équipes virtuellement qualifiées faisant tourner le ballon. On parlera plus tard du pacte de non-agression entre les deux équipes pour se qualifier ensemble. Le Pérou terminera donc ces qualifications à la cinquième place synonyme de barrage pour le mondial. Le peuple y croit et se voit déjà en Russie. Gareca aussi commence à se dire qu’il a peut-être gagné ce pari. Il reste une dernière marche à gravir pour atteindre le sommet de cette montagne mais surtout des océans à traverser car la prochaine destination se trouve en Nouvelle-Zélande.

Le tour du monde en 180 minutes

Avant de caresser pour de bon ce doux rêve mondialiste, Ricardo Gareca et son staff ont dû préparer un voyage aller et retour Lima-Wellington en l’espace de cinq jours pour disputer les deux matchs les plus décisifs de ces trois dernières décades. Pour cela, il a fallu préparer un plan de voyage rigoureux pour chaque international. Toute la stratégie Gareca se trouve dans la préparation du voyage pour que ses hommes se trouvent dans les meilleures conditions possibles. Les joueurs ont donc été rapatriés depuis l’Amérique du Sud mais aussi l’Europe avec un plan de repos, d’alimentation et d’entrainement avant le vol, pendant les escales et à l’arrivée à Auckland puis dans la capitale néo-zélandaise Wellington. Il fallait un dernier rebondissement pour compliquer cette qualification. À 48h de ce voyage, la FIFA suspend provisoirement trente jours le capitaine Paolo Guerrero pour un possible dopage suite au match en Argentine. Il faudra donc composer sans le meilleur joueur et buteur historique de la sélection. Ce premier match aller de barrage en Nouvelle-Zélande est très fermé, le Pérou domine outrageusement mais trop d’imprécisions empêche l’ouverture du score. Les Péruviens repartiront bredouille d’Océanie, tout se jouera à domicile, dans la bouillante Lima. Tous les Péruviens se souviennent où ils étaient cette soirée du 15 novembre 2017. Tous, se souviennent parfaitement de ce débordement de Christian Cueva sur la gauche avant de servir Jefferson Farfán. La Foquita avait failli passer à côté de son rêve lorsqu’il évoluait à Dubai dans le championnat émirati. Gareca était parti à sa rencontre lui expliquant que s’il voulait revenir en sélection, il devait rejoindre la compétition et pas seulement la vie de luxe. Début 2017, Farfán rejoint le Lokomotiv Moscou, en devient la figure principale et le meilleur buteur. Il retrouve sa place dans le onze titulaire et surtout il va prendre les commandes de l’attaque en l’absence de son ami Paolo Guerrero. Jefferson à les mêmes caractéristiques que Paolo, pur produit du centre de formation de l’Alianza Lima, il est dans le style et la ligné des joueurs afro-péruviens comme Pedro Pablo Leon, Guillermo La Rosa et Waldir Saenz. Il a ce style particulier d’attaquant fort qui impose son physique dans la surface pour conserver le cuire jusqu’à le mettre au fond. Ce soir du 15 novembre 2017, quand il réceptionne ce centre de Cueva, Farfán arrive dans la surface au bon endroit au bon moment avec l’instinct de buteur, il a déjà pris l’information, il sait où se trouve les défenseurs, le gardien et les cages, il arme sa frappe et fusille le gardien qui ne peut rien faire. Gol peruano. Le but libère tout un pays et sera synonyme de qualification définitive à la Coupe du Monde 2018. Il dédiera ce but à Guerrero en brandissant le maillot floqué du neuf de son compère. Il lui avait promis de l’emmener au mondial. Sept mois plus tard, les deux amis se retrouve à Moscou avec leur sélection pour enfin disputer ce mondial. La conclusion d’un long chemin bâti avec rigueur par Gareca.

Revue d'effectif

Pendant tout ce procédé de qualification, Ricardo Gareca a su créer un groupe, un collectif prêt à se battre pour leur pays, prêt à se battre l’un pour l’autre. Là est la force de ce Pérou : ce ne sont pas 23 individualités mais un seul groupe qui se connaît maintenant depuis bientôt deux ans. Un groupe qui a souffert ensemble et qui vaincra ensemble. Au poste de gardien, Pedro Gallese, le héros de la Bombonera. En défense, le duo Ramos-Rodriguez qui ont écœuré bien d’attaquant et apporté une assurance défensive (un seul but en quatre matchs en 2018). Les latéraux ultra offensifs Trauco et Advincula savent apporter le nombre en phase offensive avec le premier distribuant des offrandes et le second étant rapide comme l’éclair pour retourner défendre. Au milieu, la paire Tapia-Yotún est devenue indispensable car c’est finalement la plaque tournante de cette Blanquirroja à la récupération et à la distribution, tous les ballons passent par eux. Pour le secteur offensif, Gareca a retrouvé son attaquant et capitaine Paolo Guerrero qui apporte tout son charisme, sa hargne et bien sur ses buts. Derrière lui, quatre joueurs se bousculent pour trois places, Edison Flores normalement à gauche, Farfán ou Cueva en meneur et Carillo à droite. Dur de se passer de l’un de ces quatre tant leurs profils sont différents et se complètent. La dernière tendance serait de mettre Farfán en dix, Cueva sur la droite et donc Carillo sur le banc. Dans tous les cas, cela offre beaucoup d’option dans l’animation offensive sans oublier l’excellent Raúl Ruidíaz ou encore Andy Polo et Paolo Hurtado qui seront des jokers de luxe.

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Le onze probable

Gallese – Trauco, Ramos, Rodriguez, Advincula – Tapia, Yotún – Flores, Farfán, Cueva – Guerrero

Le groupe

Gardiens : Pedro Gallese (Veracruz, MX), Carlos Cáceda (Deportivo Municipal, PER), Jose Carvallo (UTC, PER)

Defenseurs : Alberto Rodríguez (Junior, COL), Christian Ramos (Veracruz, MX), Anderson Santamaria (Puebla, MX), Miguel Araujo (Alianza Lima, PER), Luis Advincula (Tigres, MX), Miguel Trauco (Flamengo, BRA), Aldo Corzo (Universitario, PER), Nilson Loyola (Melgar, PER), Lui Abram (Velez, ARG)

Milieux : Renato Tapia (Feyenoord, NL), Yoshimar Yotún (Orlando), Pedro Aquino (León, MX), Wilder Cartagena (Veracruz, MX), Christian Cueva (Sao Paulo, BRA), Edison Flores (Alborg, DAN), Paolo Hurtado (Vitoria, POR), Andy Polo (Portland, USA)

Attaquants : Jefferson Farfán (Lokomotiv Moscou, RUS), Raúl Ruidíaz (Morelia, MX), Andre Carillo (Watford, ANG), Paolo Guerrero (Flamengo, BRA)

Romain Lambert
Romain Lambert
Parisien expatrié sur les terres Inca, père d’une petite franco-péruvienne, je me passionne pour le football de Lima à Arequipa en passant par Cusco. Ma plus forte expérience footballistique a été de vivre le retour de la Blanquirroja à une coupe du monde après 36 ans d’absence.