Champion olympique en 1996, le Nigeria arrive à Rio avec le statut de prétendant à l’or olympique. Un rêve de médaille que la jeune sélection africaine espère accomplir pour célébrer l’une de ses légendes.

Le Nigeria est le représentant africain le plus sérieux pour cette édition 2016 du tournoi Olympique de football. La « Dream Team VI » vient en habituée des Olympiades, puisque le Nigeria en est à sa sixième participation depuis 1968 (7 sans le boycott de Montréal en 1976 pour protester contre la présence de la Nouvelle-Zélande). Ils ont obtenu un titre à Atlanta en 1996, et une médaille d’argent à Beijing en 2008 mais ne se sont pas qualifiés pour les JO de 2012.

L’équipe coachée par l’ancien attaquant Samson Siasia se présente comme un des outsiders sérieux au titre. L’ancien joueur du FC Nantes connaît bien le chemin de la finale, puisqu’il était déjà sur le banc en 2008, quand les Nigérians ont dû s’incliner face à l’Argentine de Riquelme, Messi, Agüero, Banega, Di María, etc.... Siasia s’en souvient et ne s’en cache pas, « après avoir gagné l’argent à Beijing, mon prochain objectif est d’aller à Rio pour l’Or, et je crois sérieusement qu’on a les joueurs pour y arriver ». Il n’est probablement pas le seul à le penser, car les Nigérians ont impressionné les observateurs lors d’une CAN U23 2015 qui était qualificative pour les JO, éliminant le Sénégal devant leurs supporteurs en demi-finale avant de battre l’Algérie en Finale. L’équipe pouvait compter sur une défense solide et sur l’imagination de ses attaquants.

 

 

Confiance aux jeunes

Le groupe est renforcé par 2 joueurs de plus de 23 ans : le capitaine Mikel Obi, et le gardien Daniel Akpeyi. Le milieu de Chelsea fait partie de ses joueurs qui montent toujours leurs niveaux d’un cran lorsqu’ils enfilent le maillot de leurs sélections. Le naija eagle se transforme en maître à jouer, et à chaque fois, il nous rappelle qu’il n’est pas que le milieu défensif utilisé à Chelsea. En plus d’être le dépositaire du jeu et du rythme de son équipe, John Obi Mikel sera aussi le porte-drapeau de la délégation nigériane, preuve s’il en fallait de son importance et de sa notoriété aux pays. Daniel Akpeyi est le gardien de Chippa United en Afrique du Sud. Le joueur de 30 ans était déjà dans le groupe de 2008. Il est l’un des « gars sûrs » de Sansom Siasia. Barré par Enyama chez les Super Eagles, il sera titulaire, et aura pour mission d’apporter son expérience au vestiaire pour aller le plus loin possible.

Avec ce choix de se priver d’un joueur d’expérience, le coach montre qu’il est sur de ses forces, peut-être un peu trop même, car les prétendants pour renforcer l’équipe étaient nombreux et de qualité. La moyenne d’âge de l’équipe n'est que de 20 ans, si l’on enlève les 2 « vieux ».  Mais paradoxalement, le coach peut compter sur des joueurs avec une expérience certaine. Car ils sont nombreux à être titulaires dans leurs clubs malgré leurs jeunes âges et à avoir déjà été sélectionné dans l’équipe première des Super Eagles.

Photo : Bryn Lennon/Getty Images

Une mauvaise préparation en guise d’avertissement ?

Leur préparation a été un peu laborieuse que ce soit en Corée du Sud avec un tournoi soldé sur une victoire contre le Honduras et deux défaites face au Danemark et à la Corée du Sud, où des rencontres laborieuses contre des équipes obscures du côté d’Atlanta. Un passage aux USA symbolique, comme un pèlerinage sur les lieux du dernier titre, afin de s’imprégner du doux parfum qui doit mener à la victoire. Ces derniers résultats sont quand même à prendre avec des pincettes, la faute notamment à un déficit de moyens accordés à la préparation des athlètes pour cette olympiade. Mais il ne faut pas s’attendre à une « traditionnelle » crise de primes, car pour les JO, encore plus que pour la coupe du monde, l’aventure est avant tout sportive et ne relève pas de la fédération nigériane de football. Il n’y a pas de sommes folles en jeu comme quand la FIFA organise. Une chance pour cette équipe qui sera à 110% dès le coup d’envoi du premier match.

Les forces en présence

De fait, les Nigérians sont toujours impressionnants en compétition de jeune (5 coupes du monde en U17, 7 CAN en U20), le groupe est à la portée de la Dream team VI, mais il ne laisse pas la place au moindre faux pas. La Colombie sera le plus redoutable adversaire, le Japon 4ème en 2012 est également un candidat sérieux. La première place sera importante pour éviter le Brésil en quarts. Le calendrier leur est avantageux avec une opposition contre le Japon en ouverture, et la finale du groupe contre la Colombie.

Simon Siasia avait pris l’habitude de jouer dans un système très offensif avec 4 joueurs pour balayer tous les fronts de l’attaque dans une sorte de 4-2-4. Pour ce tournoi olympique, il devrait revenir à un schéma plus traditionnel en 4-4-2 ou 3-5-2, avec un duo de pointe Ezekiel Imoh et Junior Ajayi qui devraient faire mal aux défenseurs adverses. Le premier est habitué des matchs européens avec déjà une belle carrière en Belgique notamment aux côtés de Michy Batshuayi au Standard (38 buts en 107 matchs), et le second fera partie des joueurs à suivre avec attention. Physiquement, les Nigérians seront supérieurs à leurs adversaires. Ils seront redoutables en contre-attaque par la vitesse de leurs joueurs de couloir. Meilleur buteur de la CAN U23 2015, le milieu de terrain Oghenekaro Etebo, risque de marquer les esprits par sa vitesse supersonique (Martins 2.0 pour les nostalgiques de PES 6). Okechukwu Azubique sera associé à Mikel Obi au cœur du milieu de terrain. L’élève et le maître. Cette compétition sera un passage de témoin, entre l’actuel et le futur capitaine des Super Eagles. La défense sera conduite par Saturday Erimuya. Le joueur de 18 ans a quitté son pays natal pour rejoindre la deuxième division turque en janvier dernier. Et il n’a pas perdu de temps en s’imposant d’entrer au Kayseri Erciyiesspo. Au point de ne plus sortir de l’équipe. Nul doute que ce tournoi lui permettra de se montrer aux recruteurs et de postuler à un challenge plus relevé.

Sur le banc, Umar Sadiq aura le rôle de joker pour suppléer les deux titulaires. Aperçu du côté de l’AS Roma, le jeune avant-centre devrait avoir un petit peu de temps de jeu pour faire la différence. (2 buts en 6 matchs de série A cette fin de saison). Au final, ils sont seulement 4 joueurs à encore jouer au pays. Deux d’entre eux, Mohammed Usman et Seth Muenfuh Sincere devraient jouer régulièrement au milieu de terrain. Le coach avait la volonté de s’appuyer sur tout le monde, et il a tenu parole, se privant notamment de l’attaquant de Watford Odion Ighalo, auteur de 15 buts cette saison en premier League.

Popoola le mini-moi

Saliu Popoola Sadiq sera le joueur le plus petit de la compétition. Du haut de son mètre 57, il laisse 10 centimètres à Matthieu Valbuena! Le milieu de terrain polyvalent, sous contrat avec le FC Metz, a passé les 2 dernières années en D2 belge. S’il ne devrait pas trop jouer, son profil est un atout pour le coach Siasia, car nul doute que ça taille doit être perturbante pour ses adversaires, aussi bien en attaque qu’en défense. Il pourra saisir l’opportunité des JO pour convaincre le club de Moselle de le garder en ligue 1 ! 

Avec l’ombre de Stephen Keshi sur le banc

La disparition de Stephen Keshi en avril dernier à attristé toute l’Afrique et en particulier le Nigeria. Sa disparition va provoquer un supplément d’âme incontestable au groupe. Il est un exemple et un « papa » pour de nombreux joueurs de cette équipe. Certains ont même eu la chance d’être lancés durant son mandat à la tête des Super Eagles de 2011 à 2015. Ils ne manqueront pas de vouloir lui rendre hommage lors de cette compétition.

Les grands absents : Sans les « Anglais » Ihenacho et Iwobi

Il devait être la "Star" de cette sélection. Le Citizen Kelechi Ihenacho qui commence à avoir un temps de jeu intéressant en équipe première, profitant du vide laissé par Bony et des blessures du Kun. Si Manchester City l’avait libéré, nul doute qu’il aurait été titulaire sur le front de l’attaque. Un autre jeune du championnat anglais n’a pas été laissé disponible par son club, il s’agit d'Alex Iwobi. Auteur de quelques apparitions très intéressantes avec Arsenal en fin de saison dernière, il est l'autre grand absent. Bernard Bulbwa qu’on avait pu apercevoir au Tchad en mars dernier, lors d’un match de ligue des champions avec l’Espérance de Tunis (lire Au cœur de l’Afrique - Tchad : Renaissance FC – Espérance, un monde d’écart). Celui qui avait brillé lors de la CAN U20 n’a pas été retenu par le coach malgré une bonne première saison en Tunisie (18 matchs, 2 buts, mais combien de reins cassés ?). Dommage...

 

 

Junior Ajayi Oluwafemi, le joueur à suivre

Junior Ajayi Oluwafemi devrait logiquement être le buteur attitré des Flying Eagles. Véritable renard des surfaces, il sort d’une très bonne première saison à la pointe du CS Sfax en Tunisie (10 buts). Il est le dernier gros prospect de la sélection à ne pas encore jouer sur les vieux continents. Peut-être un bon coup pour les recruteurs à la recherche d’un buteur. Il est issu du centre 36 Lions de Lagos qui place 3 joueurs dans la liste, et pas des moindres... Ezekiel Imoh, Junior Ajayi et Popoola. Félicitation à eux.

Les 18 (en gras les plus de 23 ans)

Gardiens: Daniel Akpeyi (Chippa FC, South Africa), Emmanuel Daniel (Enugu Rangers, Nigeria)

Défenseurs: Kingsley Madu (AS Trencin, Slovaquie), William Troost-Ekong (Haugesund FC, Norvège), Ndifreke Udo (Abia Warriors, Nigeria), Saturday Erimuya (Kayseri Erciyespor, Turquie), Abdullahi Shehu (CF Uniao, Portugal), Muenfuh Sincere (Rhapsody FC, Nigeria), Stanley Amuzie (Olhanense, Portugal)

Milieux: John Mikel Obi (Chelsea, Angleterre), Okechukwu Azubuike (Yeni Malatyaspor, Turquie), Usman Muhammed (CF Uniao, Portugal), Oghenekaro Etebo (CD Feirense FC, Portugal), Sodiq Saliu (Seraing FC, Belgique)

Attaquants: Aminu Umar (Osmalispor, Turquie), Imoh Ezekiel (Al Arabi, Qatar), Sadiq Umar (AS Roma, Italie), Junior Ajayi (CS Sfaxien, Tunisie)

Pierre-Marie Gosselin
Pierre-Marie Gosselin
Amoureux du football et de ses tribunes, supporter inconditionnel des Girondins de Bordeaux et de ses ultramarines, je me suis pris d’une affection toute particulière pour le football africain. Là-bas le foot a pris le nom de « sport roi », et c’est un euphémisme tant il étend son royaume au-delà des ethnies, des classes sociales, des générations et des genres.