Pour la première fois de l’histoire, la Coupe du Monde se pose au Moyen-Orient. Sur des terres fertiles où le football a pu se développer, ils seront trois membres de la zone à tenter de briller sous le soleil qatari. Tour d’horizon.

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Qatar, le moment est venu

Dix ans de polémiques et de mystères vont enfin arriver à leur terme alors que le Qatar ouvrira le bal de « son » Mondial face à l’Équateur. Jamais qualifié pour la Coupe du Monde, le petit émirat du Golfe a enfin l’occasion de démontrer la qualité de sa formation. Depuis une vingtaine d’années, le Qatar ratisse à tout va pour se faire une place dans le gratin mondial. Conscient de l’impact du soft power, le Qatar investit massivement dans son académie sportive, l’Aspire Academy, ouverte en 2004 et qui promeut une éducation et une amélioration notable des athlètes qataris. La section foot est mise en avant, se basant sur les préceptes du foot espagnol. Elle nomme ainsi Félix Sánchez. Arrivé au pays en 2006, il est en charge de former les étoiles de demain et dirige l’ensemble des sélections des U19 aux U23 entre 2013 et 2017. Dans ses rangs, plusieurs joueurs appelés à former la sélection qui disputera sa première phase finale de Coupe du Monde, objectif numéro 1 du pays depuis qu’il en a acquis l’organisation. Parmi eux, Akram Afif, le premier qatari à jouer en Liga espagnole, le défenseur Abdulkarim Hassan, élu joueur de l’année en Asie en 2018 ou encore le diamant Almoez Ali, meilleur joueur et meilleur buteur de la Coupe d’Asie 2019, meilleur buteur de la Gold Cup 2021 et qui tourne en moyenne à un but tous les deux matchs en sélection. C’est donc au sein de l’Aspire Academy que Félix Sánchez a construit cette sélection, inculquant ses idées développées lorsqu’il s’occupait des jeunes du Barça à La Masia. Et le Qatar a avancé. En 2014, à la tête des u19, il décroche le premier titre en Coupe d’Asie de la catégorie, les Maroons comptant notamment le duo Afif – Almoez en attaque. Cinq ans plus tard, le même duo emmène les siens au titre en Coupe d’Asie, conduit la sélection en Copa América (avec notamment un nul face au Paraguay) et qui continue d’apprendre depuis avec une demi-finale de Gold Cup en 2021, afin de se confronter à l’Amérique du Nord, a démontré qu’il était au niveau dans sa confédération tout en se mesurant aux meilleures sélections du monde arabe lors de la Coupe Arabe 2021 qu’il a organisée, et a continué à se frotter au gotha européen en participant aux éliminatoires de la zone.

Mais la vérité de 2019 et 2021 n’est pas celle de 2022, et les matchs disputés contre les équipes européennes ont souligné l’écart de niveau existant. Même les équipes asiatiques commencent à trouver la faille (Irak, Arabie saoudite…), surtout lorsqu’elles élèvent le défi physique. Dans cet ordre d’idée, le Qatar risque d’imploser face à ses adversaires : l’Équateur et le Sénégal qui misent sur la vitesse et la puissance physique dans les duels, et les Pays-Bas qui risquent de passer en mode rouleau compresseur face aux Annabis. L’équipe sélectionnée est sensiblement la même que celle qui s’est emparé de l’or asiatique il y a trois ans et qui s’articule autour de plusieurs hommes forts, avec au moins douze joueurs à plus de cinquante sélections ! Le capitaine Al-Haydos, la pépite Afif Akram et le sniper Almoez Ali sont de la partie mais ça risque de ne pas être suffisant pour sortir d’un groupe costaud à souhait. Felix Sanchez Blas et son style de jeu inspiré du Barça et qui lui a valu les louanges de la planète foot en 2019, a eu la chance d’avoir pu bosser dans le calme et la continuité avec un groupe de joueurs qui se connaissent sur le bout des doigts. Sera-ce suffisant pour battre Van Gaal ?

arabiesaouditePhoto : AFP via Getty Images

Arabie saoudite, l’espoir

Depuis la prise en main de Hervé Renard, l’Arabie saoudite est devenue une équipe redoutable et a pu s’acheter une continuité qui lui faisait défaut depuis plusieurs années. Se basant historiquement sur une ossature 100% locale, l’Arabie saoudite ne déroge pas à la tradition et disposera de tous ses hommes forts en provenance du championnat domestique. Parole à l’expérience puisque quinze joueurs ont vingt-huit ans ou plus (dont neuf trentenaires). Une qualification rondement menée malgré la présence de l’Australie et du Japon dans son groupe et l’Arabie saodite retrouve le Mondial pour la sixième fois de son histoire. Si le tirage parait relevé, seule l’Argentine fait véritablement office d’épouvantail. Le Mexique de Martino est morbide et la Pologne est la championne du sabordage. Les Faucons du Désert vont-ils refaire le coup que Saeed Al-Owairan en 94 ? Au pays, on y croit. D’une part car le Français a déjà convaincu, lui qui a décroché la CAN avec la Zambie et la Côte d’Ivoire et a emmené un séduisant Maroc en Coupe du Monde 2018. D’autre part car cette sélection ne manque pas de talents : Salem Al-Dawsari s’est déjà fait un nom sur le continent, élu meilleur joueur de l’AFC Champions League en 2021, compétition qu’il a remporté à deux reprises avec le géant Al-Hilal ; Salman Al-Faraj, le capitaine buteur lors de la victoire face à l’Égypte en 2018 reste le chef d’orchestre qui a tout gagné avec Al-Hilal ; Yasser Al-Shahrani, autre pilier du géant saoudien et meneur de la défense. Attention enfin à la machine à buts Saleh al-Shehri, qui marque un but tous les deux matchs en sélection, a déjà connu une courte expérience européenne. Collectivement, l’Arabie saoudite d’Hervé Renard est parfaitement organisée et offre un bloc difficile à mettre en défaut. Les Faucons ont terminé deuxième meilleure défense de leur groupe du tour final asiatique, remportant leur groupe devant le Japon, et n’ont encaissé que trois buts lors de leurs huit derniers matchs, ne s’inclinant qu’à une reprise, face à la Croatie lors du dernier match de préparation (0-1). Reste à savoir si cette solidité suffira à créer la surprise dans un groupe très (trop ?) relevé.

 iranPhoto : JUNG YEON-JE/AFP via Getty Images

Iran, le retour du messie

La Team Melli est de retour, elle qui sous les auspices de Carlos Queiroz était devenue une équipe redoutable, tenant en respect le Portugal et ne s’inclinant que par la plus petite des marges face à l’Espagne. Cette année, il y a la place pour enfin passer au second tour dans un groupe à leur portée. Le Pays de Galles manque d’idées dans son jeu, l’Angleterre favorite mais qui patauge dans la semoule et les USA sans véritable tactique avec un Berhalter perdu. Surtout, l’Iran a l’avantage psychologique suite à ce match historique en 98 durant lequel les Iraniens ont vaincu leur adversaire américain dans un duel aux lourds accents politiques. L’Iran connait sa partition, une défense de fer, une intensité physique plutôt limite et une science de la contre-attaque et des coups de pied arrêtés assumée. Fidèle à ses lieutenants, Queiroz a reconduit plus ou moins les mêmes soldats qu’en 2018. Si ce n’est Ebraimi, blessé de dernière minute, les Ezatolahi, Hajsafi, Rezaeian, Beiravand, Hosseini ou Pouraliganji seront de la partie. Surtout, il pourra compter sur une attaque en feu, en particulier Azmoun et Taremi, duo létal et prolifique. Finalement, le plus grand adversaire de l’Iran… reste l’Iran. Habituée à saborder l’équipe, la fédération n’est jamais avare de surprises négatives. Surtout, la situation tendue au pays suite à la mort de Mahsa Amini et la mobilisation politique des footballeurs aux sujets des manifestations pourraient avoir des conséquences délétères sur la sélection. Reste à savoir si le retour de Queiroz, qui avait fait de la Team Melli la meilleure de la confédération au classement FIFA en s’appuyant sur un équilibre parfait entre défense sans faille, maturité collectif et efficacité offensive. Une recette qu’il faudra retrouver après une campagne de qualification plutôt terne même si menée sans grand danger face à un cruel manque de concurrence dans son groupe. Les premiers amicaux sous la direction de Queiroz sont encourageants (victoires face à l’Uruguay et au Nicaragua, match nul face au Sénégal). Si le groupe parvient à surpasser, voire se servir de ce contexte pour avancer, alors l’Iran pourra nourrir quelques ambitions.

 

Photo une : SUSA / Icon Sport

Boris Ghanem
Boris Ghanem
Chroniques d'un ballon rond au Moyen-Orient, de Beyrouth à Baghdad, de Manama à Sanaa, football sous 40 degrés à l'ombre d'un palmier.