On connait désormais les deux affiches des demi-finales de l’édition 2019. Alors que le champion d’Asie Al Hilal retrouvera son ancien coach devenu champion d’Amérique du Sud avec Flamengo, les Rayados iront défier Liverpool.

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Al Hilal – Espérance de Tunis, Gomis concrétise la domination d’Al Hilal

Par Farouk Abdou

S’il fallait un autre indicateur significatif de l’ascendant progressif asiatique sur l’Afrique volet football de club, les 90 minutes entre Al Hilal et l’Espérance de Tunis font office d’argument supplémentaire. Pourtant il y avait des raisons d’espérer mieux pour les Sang et Or après deux participations au Mondial des Clubs en 2011 et 2018 globalement peu probantes. Après un début de saison maîtrisé en championnat et en Ligue des Champions, le bilan était plutôt au beau fixe : recrues estivales bien intégrées, un milieu Bonsu-Benguit-Coulibaly complet sur le papier et destiné à faire passer un cap à l’EST dans ce domaine, juste une difficulté à faire le jeu contre des blocs resserrés. L’attente était conséquente pour signer une entrée en lice 2019 plus aboutie dans cette compétition de gala.

Seulement voilà, même sans Giovinco et Gomis dans le onze de départ, les bleus de Riyad présentaient une formation ambitieuse, avec une doublette Al Dawsari-Kharbin devant, le Péruvien Carillo à la création, et l’ex-niçois Carlos Eduardo, pour ne citer qu’eux. Vingt minutes ultrarapides et des actions d’un but à l’autre ont emporté les deux équipes dans une valse ébouriffante qui ne correspond pas vraiment au rythme des joutes dans lesquelles l’EST bataille au quotidien (avec quelques slows bien lents dans le lot). Quelques bonnes incursions, une faute du gardien saoudien Al-Maiouf mal exploitée par Ouattara et Badri, et soudain sans se rendre compte l’Espérance s’est réveillée écartée aux quatre coins du terrain, à contretemps dans le pressing, avec quarante mètres entre la défense et le milieu sur les sorties de balle, et les latéraux livrés à eux-mêmes sur les déferlantes adverses. Car passées ces vingt minutes, voyant des trous béants partout, Al Hilal a mis le pied sur le ballon, et sous l’impulsion des combinaisons synchronisées Carillo-Carlos Eduardo dans l’axe et les percées dans les couloirs notamment d’Al-Chahrani, va imposer des phases d’attaque incisives qui vont faire du mal à l’équipe de Chaabani coupée en deux. Trois avertissements sans frais vont être assénés, deux connexions Carillo-Carlos Eduardo ratent leur but de peu (face-à-face raté et pénalty non sifflé car hors-jeu préalable) et une frappe d’Al-Chahrani sauvée en deux temps par Ben Cherifia et l’axe central, rares satisfactions espérantistes du jour.

Le vainqueur de l’ACL avait réussi à mettre hors de position l’adversaire, on pensait qu’un changement de tactique serait opéré à la mi-temps malgré une timide réaction avant le retour aux vestiaires. Mais le banc tunisien a pêché par manque de réactivité. Le début de la seconde manche voit Al Hilal gaspiller trois nouvelles munitions. Deux sorties de balles suicidaires des défenseurs algériens Chetti et Badrane ne sont pas punies, Carlos Eduardo gaspille une nouvelle offrande de Carillo et Al-Dawsari dose mal son lob. Brièvement l’impensable traverse l’esprit des téléspectateurs car l’équipe saoudienne semble très facile parfois trop et peut s’agacer de cette domination qui se dessine mais ne se concrétise pas, et le syndrome Étoile du Sahel-Pachuca de 2007 peut survenir avec un club tunisien qui résiste et plante sa seule banderille à la fin. Le contre éclair de l’EST qui mène à un presque csc d’Al-Chahrani rend ce scénario un peu plus consistant.

Mais l’équipe de Lucescu réagit en confisquant totalement le ballon, et après cinq minutes de phases ininterrompues et 85-90% de possession avec l’adversaire dans les cordes la concrétisation arrive, par le biais du nouvel entrant, Bafétimbi Gomis. En pivot et à la limite du hors-jeu, l’ancien stéphanois et marseillais incite à grands gestes le milieu Kanno à passer par l’axe, ce dernier s’exécute et la déviation de Carillo qui a décroché dans l’axe met Gomis sur orbite. Appel en pivot, louche pour éviter le tacle de Yaakoubi et finition en force de volée du droit. Un but d’attaquant de pointe, qui donne corps à la domination d’Al Hilal. Malgré les deux cartons jaunes de Kanno en quelques minutes et des changements tardifs, l’Espérance ne reviendra pas. Élimination logique vu la supériorité adverse manifeste à certains postes, cette gestion de rythme (s’aligner sur les cavalcades des Bleus alors qu’il fallait casser la dynamique et ralentir au maximum) peu probante et un milieu de terrain qui a pris une leçon tactiquement. Bien que moyennement serein défensivement, le champion d’Asie dispose avec son armada offensive d’arguments pour contrarier Flamengo, en particulier si Carillo, sur un nuage samedi après-midi, joue la même partition.

Rayados – Al Sadd, une question d’efficacité

Par Nicolas Cougot

S’il ne faut retenir qu’un mot de ce choc opposant Al Sadd et Rayados, c’est bien l’efficacité. Qui a fait tant défaut aux Qataris quand elle fut magnifiée par les Mexicains. Si les hommes du Turco Mohammed ont allumé la première mèche, une mine signée Jesús Gallardo venue fracasser la transversale d’Al Sheeb, si Dorlan Pabón a donné le deuxième avertissement sur une frappe bien détournée par le portier des locaux de l’étape, pour le reste, la maîtrise du ballon fut en faveur des hommes de Xavi. Gabi en soutien des inspirations des offensifs Afif – Al Haydos – Nam Tae-Hee au service de Bounedjah, traditionnelle pointe du système, Al Sadd a monopolisé le ballon, souvent parfaitement combiné, allant jusqu’à pénétrer dans la surface, mais a pêché par manque de réalisme. De Bounedjah peu inspiré, à Barovero parfait sur sa ligne, rien n’y a fait. De l’autre côté, les Rayados n’ont pas eu besoin d’autant de situations pour faire trembler les filets. D’abord sur une inspiration géniale de Lionel Vangioni, une frappe surpuissante nettoyant la lucarne d’Al Sheeb, ensuite sur une offrande de Gabi dont la passe en retrait profitait à Rogelio Funes Mori qui ajustait tranquillement le portier adverse pour faire rentrer les siens aux vestiaires avec eux buts d’avance.

Efficacité toujours en deuxième période mais en sens inverse. Car au retour des vestiaires, ce sont les Rayados qui se montrent plus entreprenants, pressent plus haut et se procurent les meilleures occasions. On sent alors que le destin d’Al Sadd ne tient qu’à un fil tant les hommes du Turco sont montés d’un cran. Et pourtant. Il y a d’abord cet incroyable raté d’Afif, conclusion d’un mouvement collectif de très grande qualité des hommes de Xavi. Puis le réveil du grand 11. Bounedjah surgit et ramène les siens à un but. Dans la foulée, un contre des Rayados se termine par un ballon qui file juste au ras du poteau d’Al Sheeb. On sent alors que le match peut basculer sur un détail. Ce détail sera une récupération / perforation signée Jesús Gallardo qui offre à Carlos Rodríguez le but du 3-1. Al Sadd semble sonné, d’autant que les occasions se raréfient en faveur des locaux. Mais là encore, alors que les Rayados gâchent quelques situations, alors que l’on pense que le match est définitivement plié, une merveille signée nous offre une folle fin de match. Les deux équipes auront leur situation (deux énormes – une chacun – coup sur coup dans les arrêts de jeu), celle de revenir pour Al Sadd, celle de véritablement plier l’affaire pour Monterrey, mais plus rien ne sera marqué. Au bout du suspense au terme d’un match qui n’aura pas vu de nette domination globale en faveur de l’un ou de l’autre, ce sont bien les Rayados qui iront défier Liverpool en demi-finale.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.