Fin 2015, l'idée d'une Coupe du monde des Légendes, organisée au Mexique en 2017, se précisait. Avec des joueurs comme Zidane ou Michael Ballack, le tournoi pouvait séduire bon nombre de nostalgiques du football. Il existe un précédent avec une compétition organisée au Brésil à partir de 1987. Son nom ? La Copa Pelé.

Alors que le Brésil se remet difficilement des échecs de la Coupe du monde 1982 puis 1986 et est nostalgique de son football, des anciennes légendes du football brésilien, comme Jairzinho, Edu ou Dario, se réunissent régulièrement à travers le Brésil pour affronter des clubs locaux. Les matchs attirent de nombreux spectateurs et sont diffusés par la chaîne de télévision TV Bandeirantes. Luciano do Valle, l'un des commentateurs les plus populaires du Brésil, œuvre pour la création d'un tournoi des légendes. « À l'époque, le football était en difficulté. L'idée était de montrer que le Brésil avait encore des joueurs de qualité, habiles techniquement. Les gens ont toujours envie de voir un bon match, les stades étaient toujours pleins. On a commencé à affronter des équipes nationales comme l'Argentine et l'Uruguay, puis on a décidé de réunir les champions du monde pour la Copa Pelé » rappelait Luciano do Valle en 2007 pour Trivela.

Une première édition couronnée de succès

Egalement connu sous le nom de Mundialito de Seniors, la Copa Pelé réunit le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay, l'Italie et l'Allemagne. Bien loin des matchs de charité ou des jubilés, la compétition, réservés aux retraités de plus de 35 ans, se déroule comme un vrai tournoi où l'objectif est de gagner. 

Le Brésil aligne ses anciens champions du monde Rivelino, Jairzinho ou encore Edu, mais aussi Djalma Días et Paulo César Carpegiani. Les autres pays se prêtent au jeu puisque l'Allemagne sélectionne Berti Vogts, Paul Breitner et Gerd Müller. L'Italie peut compter sur Dino Zoff et Gianni Rivera alors qu'Oswaldo Ardilles, champion du monde en 1978, défend les couleurs de l'Argentine. Du côté de l'Uruguay, on retrouve deux légendes, Pablo Forlán et Pedro Rocha. À l'exception de 1966, on retrouve des champions du monde de 1958 à 1982, car Pelé participe également au tournoi ! À 46 ans, Pelé semble avoir des fourmis dans les jambes puisqu'il a même songé à participer à la Coupe du monde 1986, idée refusée par Telê Santana. Le Roi Pelé dispute l'intégralité du match d'ouverture, contre l'Italie. Le Brésil s'impose 3-0 avec notamment un but de Rivelino, avant de faire match nul contre l'Uruguay et de perdre contre l'Argentine. Le tournoi est un succès, aussi bien au niveau des affluences que des audiences télévision, même lorsque le Brésil ne joue pas.

 

 Lors du dernier match, le Brésil doit s'imposer face à l'Allemagne pour se qualifier pour la finale. La sélection brésilienne, entraînée par le commentateur Luciano do Valle, domine la première mi-temps, Rivelino, 41 ans mais un pied gauche toujours aussi magique que puissant, touche deux fois la barre transversale. L'Allemagne réagit et touche deux fois les montants avant la fin de la première période. Dario remplace Jairzinho quand la pluie commence à tomber sur Santos. Il n'y a plus de visibilité sur le terrain et TV Bandeirantes perd même le signal à cause de la forte pluie. Le Vila Belmiro est inondé, le ballon ne rebondit pas, il est impossible de tenir une conduite de balle et les passes n'arrivent pas à destination. Pourtant le match continue, les Allemands peinent à dégager le ballon de leur camp alors que les Brésiliens s'adaptent, et importent des techniques du foot de plage en soulevant le ballon du sol. Rivelino pense ouvrir le score sur une frappe puissante des trente mètres mais le ballon s'écrase sur le poteau. En fin de match, l'Allemagne ouvre le score sur une contre-attaque et pense éliminer le Brésil. Des spectateurs quittent le stade quand Gil égalise. Miraculeusement, le Brésil parvient à l'emporter 2-1 grâce à Rivelino et s'offre une finale contre l'Argentine. En finale, Rivelino touche une nouvelle fois le poteau mais c'est l'Argentine qui ouvre le score, par l'intermédiaire de Felman, qui profite d'une passe en retrait mal assurée de Djalma Días. Le Brésil pousse et se heurte à un Carlos Buttice en état de grâce. L'ancien coéquipier de Rivelino au Corinthians repousse toutes les tentatives brésiliennes et l'Argentine remporte le premier Mundialito de Seniors. 

Une formule qui fonctionne

Deux ans plus tard, une nouvelle édition est organisée au Brésil. Si Pelé n'est plus là, d'autres grands joueurs participent au tournoi, comme Franz Beckenbauer, grâce au préparateur physique Júlio Mazzei, qui a également travaillé au Cosmos de New York. « Le professeur Mazzei était un ami de Beckenbauer, qui est aussi un ami de Pelé. Beckenbauer est venu avec Overath, un autre champion du monde en 1974. Il se disait que les joueurs étaient bien traités, le tournoi était organisé et ils étaient hébergés dans un hôtel cinq étoiles. Le nom Pelé donnait de la crédibilité au projet » rappelle Luciano do Valle, décédé en 2014 peu avant le début du championnat brésilien qu'il devait commenter. L'Italien Paolo Rossi, bourreau du Brésil en 1982, participe au tournoi. Le Brésil se renforce également, avec Luís Pereira, l'un des meilleurs défenseurs de la Coupe du monde 1974, Mário Sérgio, Batista, Nunes mais aussi deux des leaders de la Démocratie Corinthiane, Wladimir et Zenon. Cláudio Adão, ancien partenaire de Pelé à Santos, participe également à la compétition. Âgé de seulement 33 ans, Cláudio Adão, est encore en activité, au sein du Corinthians, avec qui il remportera le Brasileirão 1990. La compétition accueille l'équipe de Grande-Bretagne et regroupe ainsi la totalité des pays vainqueurs de la Coupe du monde. Le Brésil domine facilement la Grande-Bretagne et l'Argentine sur le score de 3-0 et bat l'Allemagne 2-0. Seule l'Italie résiste au Brésil sur le score de 1-1. Lors du dernier match, entre le Brésil et l'Uruguay, les deux équipes sont déjà assurées de participer à la finale, et le Brésil s'impose 2-0 grâce à un doublé de Cláudio Adão. Trois jours plus tard, les deux équipes se retrouvent au stade du Canindé, à São Paulo. Cláudio Adão brille une nouvelle fois avec un triplé, Rivelino ajoute un but en fin de match et le Brésil remporte la deuxième édition de la Copa Pelé, sur le score de 4-2. Cláudio Adão, qui a marqué 7 des 15 buts du Brésil, est élu meilleur joueur du tournoi.

La chaîne TV Bandeirantes décide d'organiser au Brésil un nouveau tournoi, dès l'année suivante. Le nom de « Mundialito de Seniores » est remplacé par « Copa Masters », l'ancien nom « donnait une impression de vieillesse » selon Luciano do Valle, et la Copa Pelé est remplacé par la Copa Zico. Un mois après avoir disputé son dernier match avec Flamengo, Zico participe en effet au tournoi avec le Brésil, renforcé également par les venues de trois joueurs ayant participé à la Coupe du monde 1982 et encore en activité : Paulo Isidoro, Serginho Chulapa et Éder, alors que Rivelino et Cláudio Adão sont toujours de la partie. L'équipe s'entraîne régulièrement et est bien supérieure aux autres équipes alignées pour cette Copa Zico. Au premier tour, seule l'Argentine résiste au Brésil avec un résultat nul et vierge. En finale, face aux Pays-Bas, Zico ouvre le score dès la 2e minute et mène le Brésil vers une victoire facile, sur le score de 5-0. Zico fait honneur au nom de la compétition en terminant meilleur buteur et meilleur joueur.

Nouveaux pays et baisse d'intérêt

Un an plus tard, la compétition est de retour et retrouve son nom original, la Copa Pelé. Pour la première fois, la compétition est organisée hors du Brésil, aux États-Unis, qui accueillera la Coupe du monde trois ans plus tard, en 1994. Tous les matchs se déroulent au Joe Robbie Stadium de Miami, et pour la première fois, l'Angleterre participe au tournoi. Les six équipes participantes sont aussi les six équipes à avoir remporté la Coupe du monde : le Brésil, l'Italie et l'Allemagne dans le groupe A, et l'Argentine, l'Uruguay et l'Angleterre dans le groupe B. Une nouvelle fois, on ressent l'influence de Pelé pour les joueurs participant au tournoi : Mario Kempes, Bobby Moore, Karl-Heinz Rummenigge, Paul Breitner, Paolo Rossi ou encore Claudio Gentile. Le Brésil n'est pas en reste avec Luís Pereira, Wladimir, Zenon, Roberto Dinamite, César, Edu et Serginho. Pour sa part, Paulo Isidoro déclare forfait en raison de la guerre du Golfe alors que Zico fait le voyage blessé.

La compétition est un échec au niveau des affluences. Malgré un certain niveau de jeu, les Américains ne s'intéressent pas au tournoi et les stades sont vides. 5 620 spectateurs assistent à la demi-finale entre le Brésil contre l'Uruguay, remportée 4-0 par le Brésil et ils sont seulement 13 544 pour la grande finale entre le Brésil et l'Argentine. Une nouvelle fois, Zico, toujours diminué, commence sur le banc. Déjà buteur en sortie de banc contre l'Italie lors du dernier match de poule puis l'Uruguay en demi-finale, Zico entre en jeu dès la 13e minute suite à la blessure de Mário Sérgio. Il voit l'Argentine ouvrir le score avec un superbe coup franc de Enzo Bulleri avant l'égalisation d'Edu sur une frappe en dehors de la surface. À la 87e minute, Zico marque le but de la victoire d'un coup de pied acrobatique et permet au Brésil de remporter son troisième titre consécutif. Comme l'année précédente, Zico termine meilleur buteur et meilleur joueur du tournoi.

Ce tournoi aux États-Unis est aussi le dernier sponsorisé par la TV Bandeirantes. En juillet 1993, huit équipes se retrouvent en Autriche et en Italie pour la « World Cup of Masters ». Une nouvelle fois, l'intérêt de la presse et des fans est faible et le Brésil refuse même de disputer le match pour la troisième place contre l'Allemagne, avançant un retard dans le paiement des primes. Deux ans plus tard, la dernière édition de la Copa Pelé a lieu en Autriche. Dans un anonymat quasi complet, la compétition est réduite à une compétition sans enjeu de vétérans, malgré de nouvelles équipes comme la France et le Portugal, et une finale rêvée entre le Brésil et l'Argentine, remportée par le Brésil de Paulo Isidoro aux tirs au but. La compétition est loin des premières éditions avec les plus grands noms du football, comme Pelé, Rivelino et Zico, et cesse finalement d'exister. 

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.