Bien avant la finale de la Copa Libertadores 2021, Flamengo et Palmeiras s’affrontent en 1999 en finale d’une coupe continentale, la Copa Mercosul.
La rivalité entre Flamengo et Palmeiras commence en 1979, en quarts de finale du Brasileirão. Flamengo est la nouvelle sensation du football brésilien au milieu des années soicante-dix et lance de nombreux jeunes de son centre de formation, notamment Júnior, Adílio et Zico. L’équipe peine cependant à remporter des titres, jusqu’au championnat carioca 1978, qui doit lancer Flamengo vers le succès international, le président Márcio Braga affirmant que Flamengo sera champion du monde. Le club rubro-negro n’a pourtant pas encore participé à la Copa Libertadores et compte le faire le plus rapidement possible, en atteignant la finale du championnat brésilien. Après un premier tour maîtrisé, Flamengo dispute la deuxième phase dans un groupe de quatre équipes, où seul le premier se qualifie pour les demi-finales. São Bento et Comercial sont facilement écartés, le ticket se jouera face à Palmeiras. Finaliste du Brasileirão 1978, le Verdão doit faire face à de nombreux départs et reforme une équipe dirigée par un certain Telê Santana. « Il n’y avait que des jeunes dans notre équipe, Telê avait tout rénové. La presse de Rio et São Paulo affirmait qu’on allait trembler au Maracanã, qu’on allait s’écrouler devant les mecs » rappelle le milieu de Palmeiras, Jorginho Putinatti pour ESPN.
À vingt-neuf ans, Beto Fuscão est le seul titulaire de Palmeiras à avoir plus de vingt-cinq ans. Les joueurs du Verdão doivent faire avec la pression du Maracanã, occupé par 112 047 spectateurs. Jorge Mendonça, la star et le maître à jouer de Palmeiras, ouvre le score et fait taire le Maracanã, qui rugit bientôt lors de l’égalisation de Zico sur un penalty qu’il avait lui-même provoqué. Tout le monde au stade s’attend à voir Flamengo dérouler, mais c’est finalement Palmeiras qui fait le show. Carlos Alberto Seixas, Pedrinho puis Zé Mário en fin de match font trembler les filets de Cantarelli, Palmeiras s’offre une victoire 4-1 et humilie Flamengo, qui voit ses projets de titre mondial retardés d’un an. Même si le parcours du Verdão s’arrête dès le tour suivant, face au futur vainqueur l’Internacional, ce match fait partie des plus grands de l’histoire du club. Flamengo prend une éclatante revanche dès l’année suivante, avec une victoire 6-2 au Maracanã, quelques semaines avant de remporter le Brasileirão.
Un autre Flamengo – Palmeiras, toujours au Maracanã dans le Brasileirão, est marqué par la jeunesse et le talent d’un homme : Sávio. En 1994, Sávio a vingt ans et réalise un match d’exception face au Palmeiras de Vanderlei Luxemburgo, champion du Brésil en titre et qui compte dans son effectif des joueurs comme Roberto Carlos, César Sampaio, Zinho ou encore Rivaldo et Edmundo. Sávio réalise de nombreux dribbles, ouvre le score d’une frappe en lucarne, provoque un penalty avec une nouvelle percée dans la défense palestrina. Celui qui est à l’époque surnommé Diabo Loiro (il deviendra ensuite Anjo Loiro après les plaintes de la grand-mère de son épouse, fervente catholique) transforme lui-même le penalty, Flamengo s’offre une victoire de prestige face à Palmeiras, qui conserve cependant son trophée en fin d’année.
Une nouvelle compétition
En 1998, la CONMEBOL créé une seconde compétition continentale après la Copa Libertadores, qui offre à l’époque seulement deux places par pays. Les critères pour accéder à la Copa Mercosul ne sont d’ailleurs pas sportifs, la compétition regroupe des clubs des pays membres du marché commun du Sud, ainsi que des clubs chiliens. Treize clubs argentins et brésiliens sont invités, ainsi que les sept clubs les plus prestigieux du Chili, du Paraguay et de l’Uruguay. Au Brésil, les clubs choisis sont les cinq qui regroupent le plus grand nombre de supporters : Flamengo, Vasco, Corinthians, Palmeiras et São Paulo, bientôt rejoints par Cruzeiro et Grêmio. La première édition est un succès, Palmeiras remporte le titre après trois matchs en finale disputés face à Cruzeiro.
Un an plus tard, les vingt mêmes clubs participent, poussés par les importants droits TV, gérés par la sulfureuse société Traffic. Les deux finalistes de l’édition précédente, Cruzeiro et Palmeiras, se retrouvent dans le groupe A, composé également de deux clubs argentins, River Plate et Racing. Un mois après sa victoire en Copa Libertadores, Palmeiras débute la Copa Mercosul par un 3-3 au Monumental face à River Plate. Palmeiras, emmené notamment par Zinho, Alex et Paulo Nunes, écrase ensuite le Racing sur le score de 7-0 et se qualifie pour les quarts en deuxième position, derrière l’intouchable Cruzeiro, qui bat notamment Palmeiras 3-0 lors de la dernière journée. De son côté, Flamengo est dans le groupe E, avec deux clubs chiliens, la U de Chile et Colo-Colo, ainsi que les Paraguayens d’Olimpia. Deux victoires pour commencer, deux défaites ensuite puis un match nul, Flamengo est quasiment éliminé. Olimpia bat Colo-Colo et offre une dernière chance à Flamengo, qui écrase Universidad de Chile 7-0, résultat nécessaire pour faire partie des meilleurs deuxièmes, avec une légère meilleure différence de buts que le Corinthians et Boca Juniors. Lors de ce match, Romário, la grande star de l’équipe, inscrit un quadruplé et atteint les deux cents buts en carrière avec Flamengo.
En quarts de finale, pour une nouvelle revanche de l’édition précédente, Palmeiras se paie Cruzeiro avec une victoire 7-3 et des doublés de Paulo Nunes, Evair et Euller, ainsi qu’un but d’Alex. La défaite 2-0 au retour est sans conséquence, Palmeiras se qualifie pour les demi-finales et est rejoint par Flamengo, qui élimine Independiente avec une victoire 4-0 au Maracanã après un match nul 1-1 en Argentine à neuf contre onze, s’offrant ainsi une revanche sur la finale de la Supercopa Libertadores 1995. Palmeiras continue son parcours et inverse la tendance après la défaite 1-0 face à San Lorenzo en demi-finale aller. Au Parque Antárctica, comme souvent avec le Palmeiras de Felipão, les défenseurs marquent, d’abord un but de la tête sur corner de Júnior Baiano, puis un doublé de Francisco Arce, sur coup franc puis sur penalty. Palmeiras se qualifie pour une deuxième finale continentale au cours de l’année 1999.
De son côté, Flamengo, entraîné par la légende Carlinhos, vit des moments difficiles. Souvent décevant dans le Brasileirão au cours de l’ère Romário, Flamengo peut encore espérer se qualifier pour les quarts de finale du championnat national en cas de victoire sur le terrain de Juventude. Romário ouvre le score, mais le Juventude, pourtant déjà relégué, revient au score et s’impose finalement 3-1. Flamengo est éliminé du Brasileirão et reste dans le Rio Grande do Sul, le prochain match ayant lieu sur le terrain de l’Internacional. Romário quitte l’hôtel pour faire la fête avec ses coéquipiers Leandro Machado, Fábio Baiano et de nombreuses femmes, le président du club Edmundo dos Santos Silva licencie immédiatement l’idole des supporters. Sans Romário, Flamengo est éliminé dès le premier tour d’un tournoi organisé par la CBF offrant une place à la Libertadores 2000, et se retrouve sous pression pour la demi-finale de la Copa Mercosul, face à Peñarol. Flamengo fait la différence à l’aller et se qualifie pour la finale malgré une défaite au retour, match marqué par une impressionnante bagarre générale, où les joueurs de Flamengo sont forcés de se réfugier aux vestiaires.
Retrouvailles
Pour sa deuxième édition, la Copa Mercosul vit à nouveau une finale 100 % brésilienne. Ce sera également le cas en 2000 avec Vasco – Palmeiras, seule la finale de 2001, entre San Lorenzo et Flamengo, propose une affiche sans deux clubs brésiliens. Flamengo et Palmeiras, récemment défait en Coupe Intercontinentale contre Manchester, se retrouvent quelques mois après la confrontation en Coupe du Brésil, elle-même une revanche de l’édition de 1997. En demi-finale, emmené alors par Sávio et Romário, Flamengo avait battu Palmeiras aussi bien à l’aller qu’au retour, avant de tomber en finale contre Grêmio. Deux ans plus tard, Flamengo s’impose à l’aller au Maracanã, avec à nouveau un but de Romário alors que Paulo Nunes offre un soupçon d’espoir à Palmeiras en réduisant l’écart à 2-1 en fin de match. Au retour, pour le quarante-et-unième match de Palmeiras dans la saison (au mois de mai!), Alex chauffe le Parque Antárctica dans les premières secondes avec un coup du sombrero puis une frappe dans les gants de Clemer. Rodrigo Mendes refroidit tout le stade en ouvrant le score dès la première minute de jeu, puis le match s’enflamme à nouveau à l’heure de jeu. En l’espace de cinq minutes, Oséas égalise pour le Porco, Romário sort sur blessure, Rodrigo Mendes par un golaço sur coup franc pour le Mengão, Júnior remet Palmeiras à égalité d’une frappe lointaine. Palmeiras pousse mais doit encore marquer deux fois pour se qualifier. Euller, entré en jeu en seconde période, marque un but en opportuniste sur corner à la 86e minute et répète l’exploit une minute plus tard. Palmeiras s’impose 4-2 et réalise l’une des plus grandes viradas de l’histoire de la Coupe du Brésil.
C’est donc avec un goût de revanche que Flamengo accueille Palmeiras au Maracanã en finale aller de la Copa Mercosul. Chaque équipe a déjà remporté un titre au cours de l’année 1999, avec le championnat carioca pour Flamengo, face au grand rival Vasco. Palmeiras perd en finale du championnat paulista, également face à l’arquirival Corinthians, mais remporte le titre le plus important de son histoire, la Copa Libertadores. Le 16 décembre, seulement 13 414 spectateurs se déplacent au Maracanã pour la finale entre Flamengo et Palmeiras, les supporters de Flamengo étant furieux après la direction en raison du départ de Romário, sentiment exacerbé par la signature de Romário pour le rival Vasco. Flamengo ouvre le score dès le début du match, grâce à son jeune défenseur central, Juan, mais Palmeiras égalise juste avant la pause, également un but d’un défenseur central, Júnior Baiano. À l’image du match de Coupe du Brésil, la rencontre s’enflamme en milieu de seconde période, avec quatre buts en l’espace de six minutes. Clemer rate une nouvelle sortie et le Colombien Faustino Asprilla marque pour le Verdão. Entré en jeu à la mi-temps, Caio égalise pour Flamengo, Faustino Apsrilla sert idéalement Paulo Nunes pour permettre à Palmeiras de reprendre l’avantage, avant une nouvelle égalisation de Flamengo, à nouveau grâce au joker Caio. En fin de match, sur un centre millimétré de Athirson, Reinaldo marque le but du 4-3 et offre la victoire à Flamengo.
Le 20 décembre 1999, le Parque Antárctica affiche complet et croit plus que jamais à une nouvelle virada, encore plus après l’ouverture du score de Arce, sur penalty. Caio, cette fois titulaire, égalise pour Flamengo, mais Carlinhos brille à nouveau au coaching, en faisant entrer en jeu Rodrigo Mendes, qui permet à Flamengo de prendre l’avantage à la suite d’un magnifique mouvement conclu par une frappe en lucarne. Une nouvelle fois, le match s’enflamme, Arce égalise deux minutes plus tard sur coup franc, puis Paulo Nunes, oublié au second poteau, marque quelques instants plus tard le but du 3-2 pour Palmeiras, résultat qui force un match décisif. À la 83e minute, Lê, également entré en jeu, trouve Reinaldo, qui lui remet du talon dans la course. Le joueur de vingt ans se présente face à Marcos, ouvre le pied, envoie le ballon au fond des filets. Flamengo conserve le 3-3 et remporte la Copa Mercosul avec une équipe généreuse et combative face à l’adversité, à l’image de son entraîneur Carlinhos, qui écrit une nouvelle page dans son histoire d’amour avec le club rubro-negro.
Rivalité au sommet
La Copa Mercosul 1999 est le dernier titre international de Flamengo jusqu’à la Copa Libertadores 2019. Entre-temps, Flamengo retrouve Palmeiras pour un match décisif, dans le Brasileirão 2009. Flamengo s’impose au Parque Antárctica face au leader Palmeiras, Dejan Petković marquant les deux buts du match, et permet au club carioca de revenir dans la course au titre, finalement remporté après un ultime match face à Grêmio. La rivalité entre Flamengo et Palmeiras s’est renforcée lors de la deuxième partie des années 2010, les deux équipes jouant systématiquement le haut du tableau dans le Brasileirão. En 2018, Palmeiras obtient le match nul au Maracanã et conserve son avance au classement, remportant le Brasileirão quelques semaines plus tard, où les joueurs de Palmeiras font le geste du « cheirinho » devant une boutique de Flamengo afin de chambrer le club. En 2021, après un match très tendu, Flamengo remporte la Supercoupe du Brésil aux tirs au but face à Palmeiras, après avoir pourtant été mené 3-1 au cours de la séance. Ce samedi, plus de vingt ans après la Copa Mercosul, plus de quarante ans après le 4-1 du Maracanã, les deux clubs vont écrire un nouveau chapitre de cette rivalité interestadual.