César Luis Menotti nous a quitté ce dimanche à l’âge de quatre-vingt-cinq ans. En sa mémoire, Lucarne Opposée republie aujourd'hui la traduction d'un entretien fleuve qu'il avait accordé à El Gráfico il y a dix ans. L'occasion de replonger dans le football romantique d'une légende.

Quand tombe votre anniversaire ? Le 22 octobre ou le 5 novembre ?

Je suis né le 22 octobre mais il parait que quand je suis né, mon père a dit « Que se passe-t-il avec cet enfant ? Avant de le sortir, retenez-le un petit peu ! » [rires]. Ce qu’il s’est passé, c’est qu’à deux jours de mon arrivée au monde, mon père était à Tucumán pour le travail et quand il est revenu, le jour pour m’enregistrer était passé, on n’a alors pas eu d’autre choix que de faire comme si j’étais né ce jour. Bien qu'il soit indiqué partout que je suis né le 5 novembre, j'ai toujours fêté mon anniversaire le 22 octobre. Quoi qu'il en soit, si on m’appelle le 5, j’en suis reconnaissant.

Un surnom d’enfance ?

Cito. Je crois pour Cesarcito, je ne sais pas. Quand j'étais enfant, mon père me disait que le nom venait d'un joueur de football qu'il admirait, Zito « La Bordadora ». Quand j'entends Cito dans la rue, je suis sûr que c'est quelqu'un de mon quartier, même pas de Rosario. Après cela, je suis devenu El Flaco pour tout le monde, sauf pour les miens. Pour eux, je serai toujours Cito.

Vous retournez à Fisherton (NDLR : quartier de Rosario) de temps à autre ?

J'avais l'habitude d’y retourner souvent jusqu'à il y a quelques années, mais plus maintenant, cela me rend très triste. J'ai cessé de le faire lorsque mon meilleur ami, Chacho Rena, est mort. Ils étaient deux frères, Agustín et Chacho. Agustín était un délégué de La Fraternidad, un militant du parti communiste, et je me suis réfugié chez eux à la mort de mon père. J'étais très jeune, j'avais seize ans, et ils m’ont protégé comme personne.

Protégé de quoi ?

J’allais aux cours du soir, à l’Industrial n°4, et quand mon père est mort en septembre 1955, j’ai arrêté d’y aller. Ils m’ont obligé à continuer de suivre des cours. J’étais dans une mauvaise passe. C’était à un âge où tout est confus. J’ai commencé à trainer avec des grands, à porter des costumes, à me peigner comme Gardel pour qu’ils me laissent entrer dans certains endroits. Deux choses m’ont sauvé à ce moment : la maison des Rena et l’amour de la boxe. Mettre les gants m’a permis d’entendre des commentaires du genre « c’est un crack mais la boisson l’a perdu ». Et j’ai commencé à me dire « putain, si je veux viser haut dans la vie, il faut que je fasse attention ».

En quoi l’absence d’une figure paternelle vous a manquée quand vous étiez jeune ?

En tout, je suis resté seul, je suis fils unique. Antonio, mon père, était un grand sportif, il avait boxé avec les grands champions de Rosario, jouait au foot, dansait comme un dieu, un grand homme. Il est mort à cinquante-et-un ans d’un cancer. Il fumait trop, c’était dramatique. Je me souviens d’un midi, ma mère préparait le repas et nous discutions. Je lui avais dit « Papa, tu as meilleure mine ». Il s’est mis à pleurer. Mon père pleurait ! C’était fou ! « Ce docteur croit que je suis idiot. Pendant quatre ans, il m’a dit de ne pas fumer et voilà que maintenant il me dit “si vous voulez fumer, allez-y”. S’il me dit ça, c’est parce que je vais mourir ». Voilà ce que le vieux m’a dit ! Terribe. J’avais 16 ans mais je savais bien ce qu’était le cancer. 

Votre père était militant ?

Mon père était péroniste. Ma maison a été visée par des balles à deux reprises. On avait une grande maison que mon grand-père avait construite sur le Boulevard Argentino y Donado. À l’étage, il y avait deux chambres. Quand mon père partait travailler, je dormais avec ma mère. Un soir, le vieux est rentré, il a allumé la lumière et des coups de feu ont commencé à retentir. À partir de ce moment-là, on a pris comme habitude que dès qu’on allumait la lumière, on se jetait au sol. Je pensais que c’était une blague, mais cela s’est reproduit. Il s’agissait de querelles internes au sein des péronistes.

Qu’est Unión Americana ?

Mon club de quartier, où je jouais au basket et où, d'après tout le monde, j'étais meilleur que pour le football. C’était un club social et sportif, j’y ai appris à jouer aux boules, au billard, aux cartes, à tout. J’y ai vécu des choses magnifiques là. On avait mis en place une grande couverture de 20 mètres pour y projeter des films. J’y a vu un film d’Hugo del Carril sur la vie Betinotti [NDLR : guitariste et poète argentin] et j’en suis sorti en pleurant, un grand film. Mais j’ai aussi eu quelques soucis. Un jour, je me suis énervé parce qu’ils nous ont viré du terrain pour organiser des bals, le club était devenu commercial. À l’aube, j’y suis allé avec Chacho et j’ai ramassé un morceau de charbon avec lequel j’ai écrit “Voleurs” sur l’entrée. La police est venue me chercher. “Pourquoi moi ?” ai-je dit au policier. “Parce que tu es le seul qui pouvait écrire aussi haut et c’est la même écriture que celle que sur ta candidature”. Ils m’ont mis 30 jours. Dans mon groupe, on était une bande très à gauche [rires]. Un autre jour, nous sommes allés sur le terrain de pétanque avec une pelle et on l’a rempli d’eau. On était quatre ou cinq à faire les choses ensemble quand ce qu’il se passait ne nous paraissait pas normal.

Ça a été dur de choisir entre foot et basket ?

Non. Central et Newell’s sont venus me chercher mais mon père les a rabroués. Il disait que le foot, c’était pour jouer avec les amis. Il était très strict sur les études. Il vérifiait tout. Un jour, en première année, j’ai eu 4 en religion. « Il faut être sacrément stupide pour avoir un 4 en religion », m’a-t-il alors dit [rires].

Vous avez travaillé dans quoi quand vous étiez jeune ?

J’ai vacciné des porcs contre la brucellose. Ça payait bien jusqu’au jour où je suis rentré à la maison avec du sang sur la chemise. Ma mère a failli me tuer. J’ai porté des sacs sur les passerelles du périphérique entrant à Rosario. Mais ce qui m’a le plus apporté, ce qui était le plus dur, c’était le foot. Je jouais en Liga Carcarañense, je gagnais de l’argent. Quand mon père est mort, la situation économique à la maison s’est compliquée. Mon père mettait l’argent sous les draps et ma mère le prenait et quand il n’y en n’avait plus elle disait « Nito, on n’a plus d’argent » et mon père en ramenait d’autre.

À partir de quand on vous a payé pour jouer ?

Ecoutez. Mon ami Chacho Rena, qui travaillait aux chemins de fer touchait huit cents pesos par mois. Moi, quand je jouais dans les ligues, je gagnais mille pesos. Je jouais uniquement les dimanches et je touchais deux cent-cinquante par match. J’ai appris énormément de choses là-bas. C’est pour cela que je dis que le football est vraiment un élément culturel. J’ai joué avec des grands hommes. J’ai joué avec el Gringo Inveninato. Il courrait comme un fou, dribblait, marquait des buts, faisait tout.

Qui a fait de vous un supporter de Central ?

Mes parents. Entre la famille de ma mère et celle de mon père, on était quatre supporters de Central alors que tous les autres étaient de Newell’s. Les dimanches soir, quand on mangeait tous ensemble, c’était un énorme bazar. J’étais un fervent supporter. Je ne pleurais pas mais si Central perdait ça me touchait beaucoup. Mes parents m’ont amené au stade et m’ont placé au bord du terrain pour suivre mon idole Alejandro Tato Mur. Ils m’ont même permis le voir de plus prêt à la mi-temps. En grandissant, j’ai commencé à aller en popular avec mes amis. 

J’étais convaincu que je pourrais vivre du football

Vous l’avez rencontré ?

Oui, plusieurs fois, par chance. Un jour il m’est arrivé une chose amusante. J’entraînais Barcelone et une personne du club me dit : « On a eu une fois un argentin qui était meilleur que Puskas, un virtuose impressionnant, mais il n’est resté que deux mois et est parti. Je suis sûr que vous ne le connaissez pas parce qu’il n’était pas célèbre ». Je lui dis alors que je connaissais quasiment tous les joueurs qui étaient allé en Europe par mes relations avec Boyé, Pedernera et Sivori. Il a insisté sur le fait que je ne pouvais pas le connaître. Quand il m’a dit que c’était Alejandro Mur, je ne pus le croire. Un jour, j’ai parlé avec Tato et lui ai dit : « Vous êtes un brigand ! Vous avez joué à Barcelone et ne me l’aviez pas dit ! ». Le souci c’est que Barcelone n’avait pas l’argent pour l’acheter aux Colombiens. Il a joué quelques amicaux et est parti.

Vous avez fait plusieurs essais dans différents clubs avant Central non ?

J’ai fait un essai à Vélez et ça s’est bien passé. Perucca, le coach, voulait que je reste mais ça ne s’est pas fait. J’ai aussi fait un essai à Huracán, j’ai fait un putain de match, je me souviens que dans la douche, Coco Rossi m’a attrapé et m’a dit : « Petit, ne reste pas là, il n’y a pas d’argent ». Mais quel choix avais-je ? Comment allais-je pouvoir gagner l’argent qui se gagnait dans ces championnats ? Je devais subvenir aux besoins de ma mère, de la maison.

Comment êtes-vous arrivés à Central ?

C’était un matin, j’étais couché dans un spa après avoir été danser et j’ai rencontré un instituteur : « Comment vas-tu César ? Quand vas-tu venir à Central ? ». Je lui ai expliqué que je ne pouvais pas, qu’en ligue je gagnais de l’argent et que Central devrait me payer pour que je joue avec lui. « Aujourd’hui, l’école du club joue à Totoras, tu ne veux pas venir ? », me dit-il. Je ne voulais pas mais mes amis m’ont forcé. J’étais mort, je n’avais pas dormi. Et nous y sommes allés. Ils m’ont fait jouer avec l’école de Central, j’ai mis les deux buts et on a gagné. Ils m’ont appelé pour m’annoncer que le mercredi je jouais avec la réserve contre la Primera. J’ai mis deux buts, avec un putain de but, je ne l’oublierai jamais : un dégagement, j’ai fait semblant de prendre la balle, l’ai laissée passer et armé une volée… Ça a fait parler. « Central a mis à l’essai un Cordobés nommé Fernández », a même écrit un journal.

Un Cordobés nommé Fernández ?

Oui, oui ! Ils te cachaient car à l’époque, Central et Newell’s se volaient les joueurs qui ne signaient pas. Et je ne pouvais pas signer parce que je devais faire vivre ma maman. Pour te donner une idée : après la mort de mon père, nous avons dû louer notre maison deux ans et je suis allé vivre dans le grenier de quelques parents. Quelques jours sont passés et le président de Central, le vieux Flynn m’a appelé « Vous voulez jouer à Central ou non ? ». Je lui ai répondu : « Bien sûr que j’aimerais jouer dans le club dont je suis hincha depuis tout petit ! ». Je lui ai alors donné les noms de tous les attaquants dont me parlait mon père, Cagnotti, Gómez, Guzmán, Potro et García… Le vieux Flynn est devenu fou ! « Mais donc vous voulez jouer ! ». « Evidemment, mais je dois faire vivre ma mère et je gagne deux mille pesos par mois dans les ligues », profitant de l’occasion pour augmenter mes revenus. Alors il m’a dit : « Je vais te donner quarante mille pesos pour ton transfert et deux mille cinq-cent par mois ! ». Merde ! Je ne savais même pas ce qu’était un transfert. Mon dieu ! Je suis rentré à la maison, ma mère s’est mise à pleurer. « C’est Rosario Central » m’a-t-elle dit comme si elle venait d’atterrir sur la lune.  

J’ai vu des gens à genou devant le bus, en larmes. Un truc de fou. Unique.

Votre mère était si fanatique de Central ?

Oui clairement, elle et mon père, fanatiques tous les deux, ils m’emmenaient au stade. Et j’étais aussi un fou de foot. Je pourrais te donner des noms d’attaquants rosarinos, même de Newell’s que les Leprosos ne connaissent même pas. Je vivais et pensais foot tous les jours, je regardais les matchs, un malade. Dans le garage de la maison, je lançais une balle de tennis contre le mur et l'arrêtais avec la poitrine, comme ça tout le temps.

Je ne vous imagine pas comme un obsessionnel

Non, non, j'étais perfectionniste. Tout me restait en tête : les louanges et aussi les critiques. Une fois, contre Argentinos, Gitano Juárez m'a fait une passe, je la lui ai rendue comme pour lui dire « Regarde ce que je t'ai donné ». Il n’est pas allé la chercher. « On ne laisse jamais un ami seul », m’a-t-il crié. Je me suis dit : « Qu'est-ce qu'il voulait dire, putain ? Qui est-ce ? Homero Manzi, me suis-je dit » [rires]. Puis je lui ai demandé : « Rien, boludo, si tu me donnes le ballon, pourquoi tu ne sollicites pas le une-deux ? », m'a dit le Gitano, c'est génial !

Quel souvenir gardez-vous de votre première avec la Primera de Central ?

J’ai dû jouer six ou sept matches avec la réserve, puis j'ai rejoint l'équipe première. J'ai eu beaucoup de chance... la chance d'avoir des gars comme Gitano à mes côtés. Il était avec moi depuis dix ans, nous aimions les mêmes choses et nous sommes devenus de bons amis. Il s'occupait de moi comme si j'étais son jeune frère. L'entraîneur qui m'a fait débuter était Luppi, le père de l'acteur. Nous sommes allés nous entraîner dans un hôtel de San Nicolás. Je jouais au billard, le vieux Flynn est arrivé et m'a demandé qui allait jouer. Flynn était un président historique, je dirais comme... comme Perón. Là, Luppi me dit : « Prends le ballon et montre au président ce que tu faisais tout à l'heure ». Quelle honte ! Alors j'ai commencé à faire ce truc stupide avec le ballon, je l'ai posé par terre, tac, tac, je l'ai soulevé, j'ai joué avec et je l'ai posé sur la table. En réalité, n'importe lequel de mes coéquipiers aurait fait ça, mais j'aimais bien m'amuser avec le ballon. Le lendemain, j'ai fait mes débuts en équipe première contre Boca, nous avons gagné 3-1. Nous avons joué avec le maillot d'Independiente, parce que Luppi avait dit que son fils était le fils de Boca et comme nous devions utiliser un maillot alternatif, nous avons porté le maillot rouge et nous avons gagné. Luppi était fou de moi, quand nous venions à Buenos Aires, il me faisait rester après les matchs et m'emmenait aux bains turcs de l'Avenida de Mayo pour des massages.

Vous avez toujours su que vous seriez footballeur ?

J’étais convaincu que je pourrais vivre du football. Et je l’ai toujours dit à ma mère. Je ne savais pas si se serait en pro ou dans les ligues. Plus que de me divertir, le foot m’a tout appris. Je suis un fou parce que j’ai toujours vu des choses en les footballeurs que même eux ne voyaient pas. J’ai toujours aimé jouer. Et bien jouer. J’ai arrêté de jouer au poker par exemple parce qu’un jour avec mon beau-père, je me suis rendu compte que je ne savais pas jouer. J’aime bien jouer, c’est sûr que j’aime gagner mais j’aime surtout bien jouer.

Comme footballeur, vous étiez un peu fainéant ?

J'étais très capricieux, et quand les choses allaient mal, je m'énervais. Je m'énervais quand les choses allaient mal et qu'ils commençaient à envoyer de longs ballons. C'est à ce moment-là que je m'arrêtais. Une fois [il rit], alors que nous jouions avec Boca contre Banfield, nous étions réduits à dix et Rattín vient me voir et me dit : « Flaco, descends et aide-moi, cours ! » Et je lui ai répondu : « Si la seule chose qui manque est que je doive descendre et courir, cours toi-même ».

Pour ceux qui ne vous ont jamais vu jouer, vous étiez quel genre de joueur ?

Je ne sais pas… [pensif]… Si je devais me comparer, mais c’est très vaniteux, je dirais comme Riquelme, un joueur avec une bonne frappe de loin, avec beaucoup de passes et de buts, habile, faisant des petits ponts, frappait fort.

N’auriez-vous pas pu finalement être plus que ce que vous avez été ?

Il est probable que j’aurais pu être meilleur mais j’étais capricieux et aussi en tant que joueur, j’essaie d’élever le débat. Jeune, je disais « Pourquoi les entraîneurs viennent à Rosario ? Ils viennent pour apprendre non ? Pourquoi ne nous enseignent-ils rien ? ». J’ai toujours essayé de créer une relation particulière avec les entraîneurs. Je suis allé en sélection, Mon Dieu ! Les choses que je disais aux entraîneurs. C’était une honte : à chaque fois que j’étais appelé en sélection, on avait un sélectionneur différent. J’ai vécu la pire période du football argentin, celle quand la mode était aux équipes qui luttaient, un football de merde, c’était un exploit de surmonter cela.

Votre première fois à Buenos Aires ?

Entre quinze et dix-sept ans nous sommes venus avec des amis depuis Rosario. On partait à 18 heures par le train, à 10 heures on était à Retiro, dans le métro pour le Luna Park, voir les combats des boxeurs rosarinos. Ensuite, Calle Corrientes, on allait écouter les orchestres et à 8 heures du matin, sans avoir dormi, parce que nous n’avions pas d’argent pour nous payer un hôtel, on rentrait à Rosario.

Quel orchestre était votre favori ?

Je les ai tous écoutés, mais Osvaldo [Pugliese] était le plus grand. Et j'étais ami avec Gordo Troilo. Aujourd'hui, j'écoute son orchestre et regarde [il retrousse ses manches, montrant la chair de poule]. La même chose m'arrive quand j'écoute la Negra [Sosa] ou quelques vieux bluesmen anglais. J'ai eu beaucoup d'amitiés dans la musique. Je conserve un CD enregistré le jour de mon anniversaire, en 1983, alors que j'étais responsable de Barcelone, avec Serrat chantant des tangos et des milongas. Guillermo Blanco, un de mes amis journalistes, était là : il a posé le magnétophone sur la table et Serrat l'a enlevé. Mais je l'ai immédiatement ramassé, remis sur la table... et il ne m'a rien dit [rires]. J'ai rencontré Serrat avant qu'il ne me rencontre, lorsque je jouais au Brésil. Il a participé à un concours au Maracanazinho, une Brésilienne a gagné et la deuxième place est revenue à ce petit Espagnol qui a chanté « Penélope », tout seul avec sa guitare.

Quand avez-vous commencé à fumer ?

Quand mon père est mort, pour faire l’homme. Je fumais quand on sortait, loin des regards de ma mère et aussi des entraîneurs. Mais je fumais peu, une après manger et à partir du jeudi, je ne fumais pas. Je fumais un peu plus le dimanche. Quand on gagnait parce qu’on avait gagné, quand on perdait parce qu’on avait perdu [rires], soit pour célébrer, soit pour vaincre mes angoisses. Mais je ne fumais pas beaucoup.

Et quand avez-vous commencé à beaucoup fumer ?

En sélection. Deux à trois paquets par jour, une horreur. J’étais dans un état très particulier. Plusieurs fois j’ai vu les photos et je n’ai pu y croire. À Huracán, j’étais comme un enfant, je jouais avec eux à l’entraînement. Après, en sélection, les années m’ont rattrapé. J’ai énormément apprécié Huracán, je rentrais chez moi, me sentait tranquille et dormais deux heures, je vivais dans le calme et ensuite j’allais manger à Hamburgo. Tous mes amis me berçaient d’éloges, c’était une grande époque.

La sélection a eu un coût mais avec une énorme récompense…

Oui, oui [pensif et pas vraiment convaincu], je ne regrette rien…

Vous ne fumez plus maintenant ?

De temps en temps j'allume une cigarette et je n'avale pas la fumée... mais j'ai vaincu, ce n'est plus ma compagne de solitude. Je n'ai pas eu besoin de la remplacer par quoi que ce soit, j'ai arrêté facilement, j'ai été aidé par un petit message de Nano Serrat, qui avait appris mon hospitalisation : « Je suis content que tu ailles bien, mais pourquoi ne pas commencer à faire des choses importantes et arrêter de faire des conneries avec des cigarettes ? ». Je me suis dit qu'il avait raison.

Cette hospitalisation en 2011 vous a-t-elle fait très peur ?

Non, non, c'était amplifié. On m'a enlevé une petite masse dans le poumon et deux jours plus tard, j'étais chez moi. Le médecin m'a dit : « C'est un hématome, ça va aller, mais vous devriez arrêter de fumer ». J'ai essayé et je n'ai eu aucun problème. Le fait qu'il n'y ait plus de fumeurs dans les bars et les restaurants m'a aidé. Si je dois me lever et sortir pour fumer, noooooon, j'arrête. Si tout le monde fumait dans les restaurants, je ne sais pas si j'aurais arrêté.

Comment êtes-vous devenus l’adjoint d’el Gitano Juárez?

C’est une erreur. J’avais un ami architecte, Valenti, qui avait gagné les élections à Newell’s et est venu me voir pour me demander d’être l’entraîneur. A cette époque, j’avais une agence à Rosario et dans laquelle tous les joueurs de Central et de Newell’s venaient prendre leur café. Je les connaissais tous. Je ne voulais pas être l’entraîneur mais Valenti insista : « Mais pourquoi donc ne veux-tu pas m’aider à construire une équipe ? ». Ça m’a plu « Et quoi est l’entraîneur ? » El Gitan. Il avait dirigé Platense et avait accepté de l’être. « Mais tu es conscient que les gens de Newell’s vont nous tuer ? » lui demandais-je. « De la merde qu’ils vont vous tuer. On va construire une putain d’équipe » m’a-t-il répondu. El Gitano était un optimiste. Et nous avons bâti une équipe de fou : Mono Obberti et Chazarreta de Huracán, Marito Zanabria de Unión, Ramón Cabrero. C’était la base de l’équipe qui deux ans plus tard sera championne.

C'est une erreur. Voici ce qui s'est passé : j'avais un ami architecte, Valenti, qui avait gagné les élections à Newell's et qui est venu me voir pour me proposer d'être l'entraîneur. À l'époque, j'avais une concession automobile à Rosario où les joueurs de Central et de Newell's avaient l'habitude d'aller prendre un café. Je les connaissais tous. Je ne voulais pas être l'entraîneur, mais Valenti a insisté. « Pourquoi ne m'aiderais-tu pas à constituer l'équipe ? ». J’ai aimé l’idée. « Et qui est l'entraîneur ? », m'a-t-il demandé. Je n'ai pas hésité : « El Gitano ». Il était responsable de Platense et il a tout de suite accepté. « Mais regarde, ils vont nous tuer à Newell's », lui ai-je dit. « Ils vont nous tuer putain, nous allons monter une putain d'équipe géniale », m'a-t-il répondu. J'ai amené Mono Obberti et Chazarreta d’Huracán, Marito Zanabria d'Unión, Ramón Cabrero, c'était la base de l'équipe qui, quelques années plus tard, allait remporter le championnat...

Vous ne vous êtes pas senti comme un traitre par rapport à Central ?

Vous savez quoi ? Je suis profondément rosarino. Pour moi Rosario est une ville différente, c’est comme un quartier géant de Buenos Aires, comme un quartier géant du nord de l’Argentine. Si on joue un Central – Newell’s, je suis de Central, mais si on joue un Newell’s – Boca, je m’en remets à ma moitié rosarina [rires]. Mis à part cela, à l’époque, j’étais fâché contre Central et el Gitano devait travailler.

Le clásico rosarino est le plus chaud du monde ?

Sans aucun doute. Quand j’étais entraîneur de Central, nous sommes allés sur le terrain de Newell’s, cela faisait genre vingt-trois ans que Central n’y avait pas gagné. Quand nous sommes sortis, j’ai vu des gens à genou devant le bus, en larmes. Un truc de fou. Unique.

Photo : RENE JEAN/AFP via Getty Images

On vous a toujours vu très calme sur le banc. Jamais ressenti quelconque nervosité ?

Anxieux oui, mais j'ai beaucoup de convictions et ce sentiment ne me sort pas du contexte. D'ailleurs, mon respect pour le football est trop grand pour montrer de la tristesse face au résultat ou une joie agressive envers les autres. J'ai beaucoup de respect pour ce métier, je suis de la race des footballeurs, je n'aime pas qu'on me crie des buts à la figure. En tant que joueur, j'ai tiré un penalty contre Vélez, Flaco Domínguez [Rogelio] était dans les buts, je l'ai marqué, j'ai fait un poing comme ça [geste du poing fermé] et cinq joueurs de Vélez sont venus me voir : « Pibe, tu es un idiot, tu as marqué un but sur penalty, qu'est-ce qui ne va pas chez toi ? » Cela m'a marqué. Je ne peux pas célébrer un but au visage d'un collègue qui perd 3-0. Un jour, nous avons joué Huracán – Central en Libertadores, nous avons marqué quatre buts, j'étais l'entraîneur d'Huracán et j'ai quitté le terrain à cinq minutes de la fin. J’a gagné avec Independiente 1-0 à la Bombonera contre le Boca de Bilardo et je n'ai pas célébré le but.

Un but que vous avez célébré, c’est celui de Ramón Díaz en finale du Juvenil 79. Pourquoi ?

Parce que c’était un putain de but et parce qu’avec ces deux-là, avec Ramón et Diego, on a beaucoup travaillé depuis l’enfance. Je leur ai dit qu’ils étaient Pelé et Coutinho. Ramón était 10 et je l’ai mis en 9 pour qu’il puisse jouer avec Diego. Cette équipe était spéciale. Simón et Rossi étaient deux grands défenseurs centraux : ils jouaient en dehors des six mètres.

De quelle équipe vos petits-fils sont-ils hinchas ?

César Mario, mon fils ainé est d’Huracán; Alejandro, le plus jeune, de River. Les deux de vrais fanatiques. Mes deux petits-fils sont de River même si le plus petit, qui a douze ans, je suis en train d’essayer de le convaincre pour qu’il soit de Central. Mais les enfants aiment gagner, quand ils viennent ils me demandent : « Quand est-ce que Central va être champion ? ».

Il valait mieux se battre de l'intérieur que de l'extérieur

Pourquoi avoir rejoint le Parti Communiste ?

J’étais péroniste, comme mon père. Quand a débuté la Revolución Libertadora, sur les murs du quartier, je peignais P et V, Perón Vuelve. Je militais dans le quartier mais el Chacho Rena m’a attrapé et m’a dit : « Regarde où est allé Perón, au Panamá avec un dictateur, après, au Paraguay avec Stroessner, un autre dictateur, et en Espagne, avec Franco, ça ne te parle pas ? ». Je ne pouvais continuer à soutenir Perón. Plus tard, el Chacho m’a dit : « Écoute, c’est comme si tu te battais avec moi et que tu finissais par aller vivre chez Bilardo » [rires]. Il me la faisait tout le temps ce fils de pute, il m’a baisé comme ça. Et comme je n’avais plus d’argument pour soutenir le péronisme, je suis allé chez les communistes.

Et ça ne vous a pas posé des problèmes quand vous étiez à la tête de la sélection ?

Si, plusieurs. À Mar del Plata, une fois, ils m’ont demandé de choisir une musique, j’ai dit n’importe laquelle de la Negra Sosa. « C’est interdit » m’a-t-on répondu. « Je ne le savais pas » ai-je dit. Et quelques jours plus tard, un officier militaire m'a convoqué pour me donner des explications. Sur son bureau, il y avait une liste noire et j'y ai vu mon nom et, au-dessus, celui d'Ana María Picchio. Une autre fois, j'ai cru qu'ils allaient me tuer. J'étais à José C. Paz, je devais me rendre à l'AFA pour voir le Dr Oliva, notre chauffeur n'était pas là, alors j'ai pris la voiture et je suis venu. Il y avait un embouteillage et comme la voiture avait une sirène, parce qu'elle appartenait à la police, je l'ai mise en marche pour passer plus vite. Quelques mètres plus loin, une voiture de police m'a dépassé, ils m'ont tiré par les cheveux, m'ont jeté à terre et ont pointé un ithaca sur moi [un fusil]. Ils m'ont reconnu quelques minutes plus tard. « César, ne dis rien à personne, les garçons sont un peu nerveux », m'a dit le chef. « Non, les gars sont des fils de pute, parce que s'ils me traitent comme ça, parce que je suis l'entraîneur de l'équipe nationale, ils tueront n'importe qui d'autre ».

Vous avez pensé à renoncer à la sélection après le coup d’État militaire ?

Plusieurs fois. La première fois, dès que le coup d'État a eu lieu, Niembro et Bracutto, qui m'avaient nommés, sont partis. J'ai alors pensé que je ne pourrais plus rien faire de ce que je voulais faire. Quand je suis allé présenter ma démission, Cantilo m'a dit : « Écoute, César, la seule chose sérieuse qu'il y a dans l'AFA, c'est ce dossier que tu as préparé, attends, donnons-lui un peu de temps ». C'était un lundi, on s'est revu le jeudi et on a continué. Cantilo n’était pas un homme qui viendrait intervenir, il avait été élu à l'unanimité, avec une seule abstention du président de Ferro, ce qui signifie que les militaires n'étaient pas à l'intérieur de l'AFA. Mais Cantilo venait de l'Opus Dei et je me suis dit : « Mon Dieu ! ». Trois jours plus tard, Cantilo m'a serré la main et m'a dit : « Je vous donne ma parole d'honneur que ce dossier sera respecté de la première à la dernière page ». Et il a tenu parole.

Vous saviez ce qu’il se passait dans le pays ?

Bien sûr, je militais au Parti Communiste. On avait des réunions avec des gens importants, que je ne nommerai pas, et je faisais part de mes doutes. Ils me disaient qu’il valait mieux se battre de l’intérieur que de l’extérieur. Je connaissais plusieurs dirigeants péronistes qui avaient été torturés, qui avaient été emprisonnés, je savais pour l’utilisation de l’électricité, je ne pouvais pas faire le con, ce que je ne pouvais pas imaginer c’était qu’ils prenaient des gens et les jetaient des avions, les 30 000 disparus…Aujourd’hui, vous savez qui est venu chanter devant la sélection une semaine avant le Mundial ? Personne n’en parle. El Flaco Spinetta, Anacrusa avec Castiñeira de Dios, Susana Rinaldi et Binelli, premier accordéoniste de Pugliese. Après, beaucoup de conneries ont été dites… Amener Spinetta au lieu de concentration de la sélection était quasiment une provocation. Susana Rinaldi était une voix politique, Pugliese... il y avait des groupes musicaux contestataires et là, assis au premier rang, Cantilo. J’allais à des endroits où il n’y avait personne pour écouter Armando Tejada Gómez, Chabuca Grande, Cuarteto Zupay. On parlait de la persécution qui s’abattait sur le pays par la culture. Aucun de ceux qui, plus tard, avec la démocratie, sont apparus comme des révolutionnaires, n'y est allé.

Après le Mundial, vous auriez pu aussi partir ?

Mon contrat se terminait à la fin de l'année 78. Barcelone était venu me chercher, j'avais déjà signé un contrat pour partir en 1979. C'est à ce moment-là que j'ai fait la promotion de Maradona pour qu'ils l'achètent, mais Grondona est venu à Mar del Plata en janvier 1979 pour me convaincre. Il m'a dit qu'il ne pouvait pas être président de l'AFA si je n'étais pas son entraîneur. « Toi et moi, nous allons changer l'histoire du football argentin », m'a-t-il dit. Nous nous sommes entendus sur les chiffres et je suis resté quatre ans de plus.

Vous avez déjà pleuré pour le football ?

Je ne me souviens pas avoir pleuré, mais je me souviens d’avoir ressenti de la tristesse, de matchs de grande angoisse, comme celui contre l'Italie en Coupe du Monde 82, ou la défaite contre l'Italie en 78.

Mais cette défaite vous envoie à Rosario et l’Argentine était déjà qualifiée…

Mais quand l'équipe nationale perd, je n'aime pas ça du tout. Même pas la fois où il y avait 80 000 personnes sur le terrain, ou quand Bilardo était à la tête de l'équipe, je n'aime pas ça, mec ! Je suis de cette race, une race de footballeur.

Pourquoi vous êtes-vous disputé avec Fillol avant la Coupe du Monde 78 ?

Je ne me suis jamais brouillé avec Fillol. Il y avait deux tournées, je lui ai dit qu'il allait en faire une et Gatti l'autre, mais El Pato voulait jouer les deux. Je lui ai dit que c'était moi qui décidais. Il ne l'a pas accepté et je lui ai dit de partir. Lors de la Coupe du Monde, il était le quatrième gardien, derrière Gatti, La Volpe et Baley, et je lui ai expliqué que si aucun d'entre eux ne se blessait, je ne l'appellerais pas. Gatti s'est blessé et il est entré en jeu. El Pato était un putain de professionnel, un soldat : comment il s'entraînait, comment il vivait le football ! Il prenait un but à l’entraînement et il passait le reste de la journée à tirer la tronche.

Vous avez douté avant d’écarter Maradona du Mundial 78 ?

J’ai beaucoup douté et j’ai beaucoup souffert. Non seulement pour Diego mais aussi pour Bravo et Bottaniz. Le cas de Diego était douloureux, mais il était encore jeune et avait le temps pour aller encore de l’avant. Pour Bravo et Bottaniz, je savais que c’était leur dernière chance. À ce moment, j’hésitais entre Maradona et Alonso, j’ai choisi Alonso.

Alonso a l'habitude de dire que Lacoste l'a fait entrer [NDRL : Carlos Alberto Lacoste, en charge à l’époque de l’organisation de la Coupe du Monde, c’est lui qui nomme Julio Grondona à la tête de l’AFA en 1979).

Alonso, les seules choses qu'il dit à propos de l'équipe nationale, ce sont des conneries. Il dit tout cela parce qu'il n'a joué, c'est tout. Comme si Lacoste allait m’imposer un joueur ! Je ne comprends pas ce que dit Alonso.

Voyant ce qu’est devenu Maradona, vous ne regrettez pas ?

Je n'en sais rien. Je peux vous dire que je ne l'ai pas regretté parce que nous avons été champions. Si nous avions été éliminés au premier tour, Diego m'aurait remercié pour le reste de sa vie [rires]. Cela aurait pu être une erreur, oui, mais à ce moment-là, j'ai fait ce que je pensais devoir faire. Plus pour m'occuper de lui qu'autre chose, j'étais amoureux de Diego !

Mais alors pourquoi l’écarter ?

Parce que j’avais peur [il hausse la voix]. Il était si jeune, si petit, je devais choisir de grands hommes.

Diego vous l’a reproché ?

Ah oui. Diego ne te pardonne pas. Il ne te pardonne pas non plus de le sortir pendant un match. Une fois, je l’ai sorti contre Panamá je crois, parce que les autres mettaient des coups. Il ne m’a pas parlé pendant quinze jours. De même quand je l’ai sorti lors d’un Barcelone – Manchester, il était en colère. Il ne m'a rien dit, mais ça se voyait.

Quel match du Mundial vous a rendu le plus nerveux ?

Contre la Hongrie, lors du match d'ouverture. Nous avons été menés après seulement cinq minutes. C'est très, très difficile d'être une équipe qui joue à domicile : à part l'Allemagne en 74, l'Italie a été éliminée en 90, l'Espagne a été éliminée en 82, le Brésil a été éliminé aussi cette année. C'est la merde, surtout dans un pays où il y a tant de footballeurs... le silence est une chose énorme, il vous tourmente, oh mon Dieu !

Vous vous êtes fâchés après le 0-0 contre le Brésil ?

Oui, j’étais en colère contre les joueurs parce qu’on est entré dans leur jeu. Le Brésil de Coutinho était une équipe de combattants, ce n’était pas le Brésil classique et j’avais demandé aux joueurs de ne pas entrer dans leur jeu. Ce fut une bataille. C’était tellement chaud qu’el Sapo (Roberto Saporiti, un de ses collaborateurs) m’a dit : « Flaco ! Pourquoi ne vas-tu pas à la maison de tes parents pour te calmer un peu ? Ne reste pas avec nous parce que tu vas te disputer avec les joueurs. » Il avait raison, je suis allé chez Chacho Rena jusqu’au lendemain midi. J’ai bu du mate, j’ai écouté les conseils : « De cette manière, tu ne pourras rien réparer. Parle avec les joueurs, fais en sorte de tout recommencer de nouveau. »

Oui, j'étais très en colère contre les joueurs, parce que nous sommes entrés dans leur jeu. Cette équipe du Brésil avec Coutinho était une équipe de combattants, elle mettait des coups, ce n'était pas le Brésil classique et j'avais bien dit aux joueurs pendant la semaine de ne pas entrer dans leur jeu. C'était une bataille. J'étais tellement énervé que Sapo [Roberto Saporiti, l'un de ses assistants] est venu me voir et m'a dit : « Flaco, pourquoi ne vas-tu pas chez tes parents pour te calmer un peu ? Ne reste pas au camp parce que tu vas te disputer avec les joueurs ». Il avait raison. Je suis allé chez Chacho Rena et je suis resté jusqu'au lendemain midi. Nous avons bu du maté, écouté les oiseaux et il m'a donné un conseil : « Comme ça, avec cette contrariété, tu ne vas rien arranger, va parler aux joueurs et fais comme si tu recommençais tout de nouveau ». C'est ce que j'ai fait.

Aller à Rosario pour le second tour était un clin d’œil du destin : votre ville, celle qui aimait Kempes…

Mario a retrouvé le peuple de Central : il n'avait pas marqué de buts jusque-là et c'est là qu'il a explosé. La ville était dans le stade, c'était bien pour nous, c'est vrai, mais j'étais encore très triste de la défaite contre l'Italie.

Qu'avez-vous ressenti lorsque vous avez vu Dick Nanninga entrer en jeu en finale ?

J'ai vraiment énervé envers Sapo [rires]. Il avait suivi les entraînements des Pays-Bas et je lui ai demandé ce qu'il pensait de Nanninga, un grand gaillard. Il m'a répondu qu'il n'avait pas joué. Je lui ai redemandé : « Bien sûr, il est blessé, il ne peut même pas marcher ». C'est tout. J'avais Killer, qui était l'un des grands et qui pouvait le marquer, mais j'ai écouté Sapo et je ne l'ai pas mis sur le banc. Puis Nanninga est entré en jeu et a égalisé, je voulais tuer Sapo.

Quel fut le premier sentiment une fois la finale terminée ?

Je voulais rentrer chez moi. Je voulais absolument rentrer chez moi. J'étais détruit. Et il y a eu une phrase merveilleuse d'Olguín. Nous étions tous assis dans le vestiaire, beaucoup d'entre nous avec du sang, des chemises déchirées, parce que cette finale avait été une énorme bataille, et dans ce vestiaire, sans cris ni applaudissements, Olguín s'est levé et a demandé : « Et maintenant, César ? ». Cette phrase de Mario est restée gravée dans ma mémoire.

Qu'avez-vous fait ?

Avec l'équipe d'encadrement, nous sommes allés tenir une promesse : faire le tour de l'Obélisque. Nous sommes montés dans une camionnette, il y avait encore peu de monde à l'Obélisque, j'ai enfilé une combinaison couvrant un peu mon visage, la police nous a ouvert la voie, nous avons fait le tour, nous sommes rentrés et c'est tout. J’en ai mesuré la dimension que le lendemain. Je me souviens que j'étais allé acheter des disques dans un magasin de l'Avenida Santa Fe et que tout à coup, il y avait 5 000 personnes qui voulaient entrer. Et à une époque où on ne pouvait pas avoir plus de deux gars dans la rue, hein !

Pourquoi pensez-vous que Kempes est plus célèbre en Europe qu'ici ?

C'est parce qu'ici il y avait une infamie de la presse [Il s’énerve brusquement]. Ici il y a un secteur de la presse qui aura toujours des chaussures neuves, parce que, comme dit le tango, « ils marchent toujours à genoux » et donc ils n'usent pas leurs chaussures. Ce sont eux qui sont chargés de vous sucer les couilles [Il commence à souffler de la fumée par le nez et la bouche, sans même fumer une cigarette], comme certains journalistes très importants qui m'ont sucé les couilles de manière honteuse lorsque j'étais vainqueur de la Coupe du Monde, et ce sont les mêmes qui, après 82, se sont rangés du côté du pouvoir en place. Ils se sont associés au message de la démocratie alors qu'ils étaient, en pleine dictature, plus médisants que quiconque, parlant de Menotti comme s'il s'agissait d'un poème...

Et Kempes s'est laissé prendre à cette volte-face...

Bien sûr, Kempes et toute l'équipe nationale. Je me fous de toute cette vanité... Je sais que c'est pour cela que j'ai été formé toute ma vie. Débattre. Sur le terrain et en dehors. Main dans la main avec n'importe quel entraîneur, avec n'importe quel footballeur. Je suis prêt pour un débat sérieux, mais maintenant, suis-je prêt à prononcer les choses stupides qu'ils disent à la télévision ? Ce genre de journalisme m'agace beaucoup. Et Kempes et ses coéquipiers tombent dans le piège. Les joueurs de cette équipe nationale n'ont pas eu la reconnaissance qu'ils méritaient à cause de cette bande de proxénètes. Cela me met en colère. Je n'en ai vraiment rien à foutre, je suis un vieil homme maintenant, mais je suis sûr que je suis au courant. Parce que je suis un vrai professionnel, et parce qu'il est clair pour moi que le seul temps qui vous accompagne jusqu'à la mort est le temps de l'apprentissage. Et je continue à apprendre, je regarde les matchs et je me dis : si j'avais desserré mon pied, ça serait allé tout seul, ou telle ou telle chose, je suis toujours comme si j'avais vingt ans.

De quels journalistes parlez-vous ?

Ils sont bien connus, je ne vais pas les citer à nouveau.

Avez-vous été déçu par Passarella lorsqu'il a pris la tête de l'équipe nationale et qu'il a essayé de prendre ses distances avec vous ?

Je n'ai jamais été ami avec Passarella, nous n'avons pas le même âge. Je l'ai aimé en tant que footballeur, puis ce qu'il a fait en tant qu'entraîneur, il a dû faire de bonnes choses et de moins bonnes... En tout cas, je lui ai toujours dit, ainsi qu'à tous les autres : « Ne me nommez pas ». L'autre jour, Diego Cocca a parlé de moi et je lui ai dit la même chose, parce qu'alors les journalistes qui ne m'aiment pas commencent à l'emmerder. De toute façon, Cocca s'en fichait.

L'équipe de 82 était-elle meilleure que celle de 78 ?

[Réflexion] Je ne pense pas. Il me semble que l'équipe de 1978 a plus lutté pour se consolider, l'équipe de 1982 a plus voyagé comme champion du monde, je ne sais pas... À part ça, nous n'avons rien fait : lors du match d'ouverture contre la Belgique, Valdano a manqué deux buts incroyables et contre l'Italie, c'était une course-poursuite. Le plus beau dans cette équipe, c'est qu'elle n'a jamais renoncé à jouer.

Avez-vous commis des erreurs ?

Ecoutez, les joueurs que j'ai emmenés avec moi me semblaient être les meilleurs, j'ai toujours choisi sur la base de ce raisonnement. Je ne l'ai pas fait par sympathie, ni par amitié, ni pour rendre hommage aux champions du monde, parce que j'ai laissé Luque de côté, par exemple. Ce n'était pas juste et j'ai fait jouer Maradona en 9, parce que j'ai toujours aimé Maradona en 9. En fait, à Barcelone, je l'ai fait jouer en 9, comme Messi aujourd'hui, à la différence que Maradona occupait une plus grande partie du terrain.

Vous est-il venu à l'esprit de ne pas présenter l'équipe à cause de la guerre [NDLR : des Malouines] ?

Non, mais l'atmosphère était très difficile, car les joueurs parlaient à leurs familles et, depuis l'Argentine, ils disaient que nous étions en train de gagner la guerre 4-0 alors qu’en Espagne nous entendions que c’était un massacre. Nous avons regardé les films qui partaient en Angleterre et ils montraient tout, mamita querida ! Il y avait beaucoup de colère, mais nous n'avons jamais pensé à ne pas nous présenter [à la Coupe du Monde].

Étiez-vous armé à l'époque de la dictature ?

[Réfléchit, évalue la question] Je suis un amoureux des armes : j'aime chasser, j'ai un fusil et un pistolet, mais je ne sortais pas armé dans la rue. Après tout, si les militaires m’attrapaient, j'aurais pris cher. D’un autre côté, ils ne seraient pas venus me chercher, sûr que non, si j'avais eu la Piba de Monteneros chez moi, j’aurais pu la garder trente jours [NDLR La Piba est le « nom de guerre » de Carolina Serrano, militante de l’organisation politico-militaire péroniste qui pratiquait la lutte armée dans les années 1970, faux nom utilisé alors par Patricia Bullrich, ancienne ministre du Travail sous Fernando de la Rúa, ministre de la sécurité sous Mauricio Macri, candidate à la présidence en 2023 sous les couleur du parti de droite Proposition républicaine, elle est de nouveau ministre de la Sécurité du gouvernement de Javier Milei].

Je vous posais la question parce qu'il y a une photo dans El Gráfico, où l'on voit un revolver sur votre table de nuit dans le camp de la sélection.

Ah, oui, oui, c'était celui du jardinier, puis la nuit [il ferme les yeux, se souvient et rit]. Nous sommes arrivés au camp d'entraînement et quand j'ai vu qu'il y avait des soldats, j'ai demandé à Cantilo : « Je ne veux pas de soldats ou de policiers ici, je ne peux pas entraîner les joueurs avec des gars qui sont à côté de nous avec un fusil à la main ». Cantilo les a tous mis dehors et ils sont allés sur un terrain vague à proximité. Le matin, deux gamins passaient pour contrôler. Je vivais dans le grenier et une nuit, pour déconner, j'ai pris le révolver, je l'ai enveloppé dans une serviette et j'ai tiré. Le lendemain, j'ai dit à ces types que j'avais entendu un coup de feu. Ils m'ont répondu : « Oui, nous aussi, mais nous avons pris toutes les précautions nécessaires ». Deux nuits plus tard, j'ai recommencé. « Soyez tranquilles, tout est sous contrôle », m’ont-ils dit. Ils ne savaient rien du tout !

On vous a aussi vu avec un revolver lors d'un Estudiantes – Boca à La Plata…

C'était un jouet. Ils m'avaient dit qu'ils allaient me faire une vacherie et c'est ce qu'ils ont fait : quand nous sommes passés devant les tribunes, le grillage devant la barra d'Estudiantes était cassé. J'ai été sauvé par Insúa, qui m'a mis dans leur vestiaire, même si j'ai montré le pistolet au milieu, mais c'était un jouet.

Quel effet cela fait-il de retrouver les jeunes de l'équipe de 79 à chaque anniversaire du titre ?

C'est une grande joie, ce sont toujours mes garçons. Je n'ai jamais eu autant de plaisir avec une équipe, en plus ils se souviennent de tout. J'aimerais que toute l'équipe vienne à ces réunions, quelqu'un comme Calderón vit en Europe et ne peut pas, mais je ne comprends pas Ramón Díaz. Cela ne me dérange pas, j'ai de la peine pour eux. Parce qu'il y avait des gars qui étaient meilleurs que d'autres durant cette Coupe du Monde, comme Maradona, Barbas, Simón, Calderón, et d'autres qui avaient à peine joué, comme Ramón. Je me souviens même qu'il était sur le point d'obtenir un transfert à River, de sorte que l'équipe nationale lui a donné beaucoup, mais maintenant Ramón a une autre vie. Cela me dérange parce que Meza est venu de Tucumán, et Meza n'est pas un millionnaire, ou Rossi est venu de je ne sais où à Santa Fe, ce sont des enfants merveilleux, l'un meilleur que l'autre.

Si on vous avait demandé, après le départ de Sabella, quel nom auriez-vous donné à l'entraîneur de l'équipe nationale ?

Guardiola. Et il aurait mis derrière lui trois jeunes entraîneurs d'ici, pensant à l'avenir, apprenant, et entre-temps ils auraient voyagé pour voir les entraînements de l'équipe nationale allemande, des États-Unis, et de beaucoup d'autres.

Quels sont les jeunes entraîneurs que vous appréciez ?

Il y en a beaucoup qui travaillent bien ici et qui ont l'envie : Gallardo, Pellegrino, Vasquito Arruabarrena, Cocca, le gamin de Newell's [NDLR : Alfredo Berti].

Avec la comparaison entre Agüero et Romario, tu as mis le doigt dans l'engrenage...

Chaque fois, j'ai de plus en plus raison à propos d'Agüero : pour moi, c'est un putain de footballeur. Dans la surface de réparation, il n'a rien à envier aux meilleurs du monde. Le jour où il m'a salué [il rit, se souvient et rit tout seul]... Ecoutez, quand je prends la direction d’une équipe, je les mets tous en ligne et je me présente et ils se présentent. Je leur dis « César Luis Menotti », je leur serre la main et j'écoute leur nom. J'ai procédé un par un et je suis arrivé à Agüero, le dernier. Je lui dis : « César Luis Menotti » et... serrez-moi la main, serrez-moi la main [il me parle], je suis Agüero et vous êtes Menotti [je fais le geste de lui serrer la main et il anticipe et me serre les poings] ha, ha, ha, ha, « El Kun Agüero », m'a-t-il dit, et il m'a serré les poings. Oh mon Dieu, « et celui-là ? », me suis-je dit. Comme je l'aimais ! Je l'aime tellement : quel enfant simple et divin. « Ce que ce gosse va devenir », me suis-je dit en le voyant faire deux ou trois choses.

Le ballon ne se porte pas, il se donne

Le Barcelone de Guardiola était-il la meilleure équipe de l'histoire ?

Je ne sais pas si c'était la meilleure équipe de l'histoire, il faut la comparer à l'Ajax dans les années 1970, mais c'était la meilleure des trente dernières années. Et Guardiola est le meilleur entraîneur de ces trente dernières années.

Guardiola a déclaré qu'avant de commencer à entraîner, il était venu en Argentine pour vous parler, à vous et à Bielsa.

Nous avons dîné au Piegari de 21 heures à 3 heures du matin. Je le connaissais déjà, mais après avoir écouté ses préoccupations, j'ai compris qu'il s'agissait d'un personnage très spécial. En partant, je lui ai dit : « Je pense que le football t'a beaucoup apporté et c'est pourquoi tu as une certaine obligation envers le football. Tu es très bien préparé pour devenir l'un des meilleurs entraîneurs du monde ».

L'avez-vous vu à Buenos Aires lorsqu'il est venu donner ses conférences ?

Oui, bien sûr, les deux fois, nous avons dîné ensemble. La dernière fois, après une saison au Bayern, je lui ai dit : « Sais-tu que tu es l'un des rares entraîneurs au monde, je ne sais pas s'il y en a assez sur les doigts d'une main, qui ouvre la porte du vestiaire, dit bonjour et tout le monde sait comment jouer ? Te rends-tu compte de cela ? Te rends-tu compte que Robben joue pour toi ? Regarde comment Robben ce que fait à tout le monde ! Maintenant, il va à droite, feinte et fait des passes en retrait, avant, il avait l'habitude de tout frapper directement au but, il joue pour vous ». Pep a ri.

Dans « Herr Pep », le dernier livre sur Guardiola, il souligne que la seule chose qu'il ne négocie pas, c'est de ne pas courir. C'est là qu'il s'éloigne de vous....

Stop, stop. Courir beaucoup ne veut pas dire lutter, s'écraser, donner des coups de pied. Tout le monde parle de courir quand l'adversaire a le ballon, mais quand on a le ballon il y en a deux ou trois qui courent et les autres regardent. C'est impardonnable. On ne peut pas avoir une équipe d'idiots qui courent pour mettre des coups et prendre le ballon et quand on a le ballon il y en a seulement trois qui courent et tout le reste qui regarde. C'est comme quand ils donnent le ballon à Riquelme et que tout le monde attend de voir s'il marque un but ou s'il fait une passe à quelqu'un d'autre. Non, mec, bouge-toi le cul, cours, montre-toi !

Avez-vous discuté avec Bielsa ?

Oui, il y a longtemps, quand il est venu du Mexique. Il m'a appelé pour discuter et m'a offert les œuvres complètes de Roberto Arlt. J'ai toujours eu beaucoup de respect pour Bielsa en tant que personne, au-delà de toutes les différences, c'est un type qui donne de la dignité au travail, un type sérieux, qui parle du vrai football et qui ne dit pas de bêtises.

Mais vous ne vous sentez pas identifié à son style de jeu, n'est-ce pas ?

Je pense qu'il a changé, il s'est de plus en plus éloigné de Griffa et s'est rapproché de nous, de Cappa, de Valdano (rires)... c'est une blague.

Avez-vous déjà parlé à Messi en tête-à-tête ?

Non, ce n'est jamais arrivé.

Placez-vous Messi à la table des plus grands joueurs de l'histoire ?

Oui, je ne lui donne pas encore la couronne de Di Stefano, Cruyff, Pelé et Maradona, parce qu'ils se sont maintenus pendant très longtemps. Messi est proche maintenant et peu importe s'il gagne une Coupe du Monde ou non, car Cruyff et Di Stéfano ne l'ont pas gagnée.

Qui est le meilleur à cette table ?

Pelé, sans aucun doute. Quand on parle de football, je ne parle pas de Pelé, parce que c'est un extraterrestre, il vient d'une autre planète. J'étais son coéquipier à Santos, j'ai joué contre lui plusieurs fois et c'était fou. Il sautait de la tête et Rattín, qui est très grand, n’arrivait qu’à la hauteur de ses couilles. C'était impossible.

Il y a quelques mois, Cappa déclarait que Messi avait perdu sa passion, pensez-vous qu'il sature ?

Et... il y a une fatigue. L'avenir nous dira si elle est temporaire ou si elle s'installe. C'est arrivé à tout le monde. Il y a beaucoup de matchs, des exigences permanentes : il faut gagner ici, gagner là, toujours en finale, pendant les vacances on va jouer des matches amicaux dans le monde entier, il faut représenter beaucoup de passions folles et il y a une presse très tendue dans le monde entier. Il y a peut-être une certaine fatigue, mais je n'oserais pas le dire.

Photo :  RONALDO SCHEMIDT/AFP via Getty Images

Avez-vous aimé l'équipe nationale lors de la dernière Coupe du Monde ?

Non. Elle s'est un peu améliorée avec les Pays-Bas et a plutôt bien joué en finale.

Pourquoi pensez-vous que Messi n'a pas pu être aussi influent ?

Je ne sais pas si c'est le cas, parce que si Messi n'était pas là, nous n'aurions pas passé le premier tour, et les quelques mouvements offensifs sont passés par lui. Les quelques actions offensives sont passées par lui. Il n'a pas eu beaucoup de partenaires offensifs. Et il ne peut pas tout faire non plus, c'est une Coupe du Monde, ce n'est pas si facile.

Quand vous regardez les matches de l'Argentine en Coupe du Monde, est-ce que vous les vivez comme un supporter, est-ce que vous êtes nerveux, est-ce que vous vous agitez, ou est-ce que vous les regardez calmement ?

Je les regarde en tant que supporter. Je suis nerveux, surtout quand ils jouent mal, quand ils ne font pas trois passes d'affilée. Je ne râle pas, mais ça m'énerve, parce qu'après je me retrouve avec mes amis et, comme je l'ai dit, je suis un footballeur. Ce qui me met en colère, c'est que nous perdons notre génétique, comme les chiens de chasse, vous voyez ? Vous prenez un chien de chasse et vous le gardez dans votre appartement pendant quatre ans. Quand vous le sortez pour chasser, il se fait crever. C'est la même chose, je ne veux pas que nous perdions la génétique du footballeur argentin !

Qu'entendez-vous par amis ?

Les gens que je fréquente. Héctor Chavero, qui est le petit-neveu d'Atahualpa et qui a travaillé avec Rinus Michels, Guillermo Blanco, le vieux Bonadeo, et des entraîneurs comme Cocca et d'autres que je ne citerai pas pour ne pas leur nuire...

Ça y est, César, il y a prescription...

Noooooon, ne le croyez pas, il y a un pouvoir caché où ils font les cons parce que, bien sûr, ils ont été tués par Guardiola. Heureux assassinés, il les a décapités, il leur a coupé la tête, les jambes, c'est fini, on ne peut plus parler, parce que maintenant Guardiola va en Allemagne et marque sept buts, ou comme l'autre jour, son équipe a fait trente-cinq passes avant le but. C'est terminé. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas gagner d'une autre manière, mais ce qu'ils ont dit, c'est qu'on ne peut pas gagner en jouant du beau football, qu'il faut gagner et c'est tout. C'est fini. Voilà Guardiola : il joue bien, il a gagné seize titres, il a mis des coups de pied au cul de tout le monde, il a inventé beaucoup de joueurs. Il a fait venir Piqué pour deux dollars de Saragosse, on disait que Puyol était un âne qui ne savait pas jouer et il a fait du bon boulot, Iniesta était remplaçant. C'était fini. Il les a décapités.

Guardiola, lui, est un obsessionnel : il s'enferme dans sa cave, regarde des milliers de vidéos, à cet égard je ne le vois pas comme vous...

Mais sur le plan conceptuel, il a une idée claire. Il est comme l'entraîneur du Rayo Vallecano, qui disait aimer le désordre. Non, c'est l'inverse ! Le médecin m'a dit, quand je lui ai dit que je ne pouvais plus fumer ni boire : « Non, non, arrêtez un peu, il faut vivre une vie rangée pour être désordonné de temps en temps ». Guardiola est un peu malade du travail, mais il sait d’où il vient. C'est la même chose pour les musiciens. Tout le monde pense que c’est inné. Savez-vous comment était Pugliese ? Huit heures de répétition par jour. Chacun a sa propre méthodologie, mais celle de Guardiola est conceptuellement sacrée.

Guardiola n'est pas un « va et joue » ?

Non, pas du tout, je ne suis pas non plus un « va et joue ». À l'entraînement, je suis à côté du joueur et je le corrige.

Et l'Atlético de Madrid de Simeone ?

C'est difficile. J'apprécie beaucoup Simeone, même si je ne partage rien avec lui. Simeone a un style très différent du mien, mais c'est un travailleur qui respecte son métier. Ensuite, il dit des choses qui ne me semblent pas prudentes, comme « l'effort n'est pas négociable ». Quel est l'effort de Romário : aller chercher le ballon chez les défenseurs centraux ? Mais j'apprécie sa conviction, son équipe joue avec une idée claire. Maintenant, si vous me demandez, je veux avoir le ballon. Quand je jouais, s'il se passait un quart d'heure sans que je touche le ballon, je courais le demander au gardien, parce que j'avais l'impression que tout le monde se moquait de moi.

Quelle est l'importance de l'entraîneur ?

Il est la clé de l'amélioration et de la correction des joueurs ; ensuite, tous les entraîneurs travaillent plus ou moins de la même manière. C'est comme un commando : si vous ne leur apprenez pas à tirer au pistolet et au fusil, la stratégie ne sert à rien. Si vous avez un soldat qui tire des deux mains, qui sait se servir d'un fusil, qui peut manipuler des avions et des chars, c'est ça, vous avez Messi, alors vous pouvez commencer à parler de stratégie. En football, il y a des vérités absolues et des mensonges évidents, comme le disait Vazquez Montalbán. Par exemple : en football, le ballon ne se porte pas, il se passe. C'est un point de départ. Un type qui porte le ballon sur vingt mètres et le donne à un autre type à côté de lui, ça sert à quoi ? C'est là que naît la qualité de l'entraîneur, dans l'amélioration des individualités à partir de sa conviction et de sa connaissance. Ce n'est qu'après cela qu'il peut travailler sur les idées qu'il a pour le jeu.

La possession n’est pas une stratégie de jeu, c’est une nécessité

La possession du ballon est-elle essentielle pour vous ?

La possession du ballon ne doit pas être considérée comme une stratégie. On ne peut pas dire cela de manière aussi grossière ! La possession du ballon n'est pas une stratégie, c'est une nécessité, parce que le ballon est celui qui ne vous laisse pas perdre, celui qui vous fait gagner. Avant de le perdre, faisons sept touches, ou dix, ou vingt. Maintenant, si après avoir fait cinquante touches, nous le donnons au gardien pour qu'il lance un ballon au milieu, alors les cinquante touches ont été une perte de temps.

Parlez-moi d'un autre de vos postulats footballistiques.

Pour moi, le football se résume en quatre actions : la défense, la récupération, la construction et la finition. Quatre actions. Deux de ces actions sont très dépendantes des individualités. Ce sont : les attaquants et les défenseurs dans la surface de réparation, qui sont très peu nombreux. Ensuite, quand on joue, on se développe, on joue pour ça, pas pour lancer un ballon, ni pour jouer pour jouer...

Si on vous donne tout un menu à choisir, qui s’installe à votre table footballistique

Sans compter mes amis ? Eh bien, j'appellerai le Flaco Cruyff, Rinus Michels, Romário, Cappa, et Adolfo Pedernera en tête de table, je n'en doute pas. Adolfo était celui qui en savait le plus sur tout.

Pensez-vous que Tevez puisse coexister avec Higuain, Agüero et Messi ?

Je connais Tevez et c'est un beau garçon, un garçon qui vient d'un quartier avec une rue, mais une vraie rue. Les autres sont aussi des gens bien, donc en tant que personnes, ils peuvent sans doute s'entendre dans un groupe. Après, sur le terrain, il faut les voir en action ensemble, c'est une question d'essai.

Le menottisme existe-t-il ?

Non, c'est un non-sens. Il y a le marxisme, le capitalisme, le péronisme, le menottisme me semble être un non-sens comme métaphore footballistique, une connerie.

Le kirchnérisme est-il de gauche ?

Non. Le kirchnerisme est basé sur le capitalisme. Et le mot progressisme me fait mal aux couilles : je ne sais pas ce qu'est ce putain de progressisme, je ne vois rien de progressiste.

Vous n'avez jamais eu envie de vous couper les cheveux ?

Je ne suis jamais allé chez le coiffeur, je me coupe les cheveux moi-même : je prends les ciseaux, je coupe les pointes. J'ai commencé à les faire pousser longs à Huracán. Un jour, j'ai dit : « Je ne me couperai pas les cheveux tant que nous n'aurons pas perdu », et nous sommes restés invaincus pendant dix matchs.

Avez-vous déjà jeté le ballon hors du terrain ?

Non. S'il y a une chose que je n'ai jamais faite dans ma vie, c'est de m'impliquer dans les pouvoirs économiques. Je n'ai jamais rien fait qui ne soit pas lié au métier d'entraîneur, je ne sais pas faire autre chose.

Pourquoi n’êtes-vous jamais revenu à Huracán, alors que ce fut la cas à Boca et Independiente ?

Ce n'est pas arrivé. J'ai eu des réunions, une fois je me suis réuni avec Babington pour aider quelque part, mais nous n'avons pas trouvé d’accord.

Ne regrettez-vous pas d'avoir quitté Independiente en 1997 alors que vous étiez si près de devenir champion ?

Je ne suis pas parti, ils m'ont mis dehors ! J'ai dit à Héctor Grondona devant tout le monde : « Vous me mettez dehors ». S'il reste quatre matchs et que vous me vendez Acuña, Calderón et Matute Morales, il est évident que nous sommes en train de perdre le championnat et que, d'une certaine manière, vous me poussez. Si ces trois-là restent, je ne pars pas : « Je les ai vendus pour dix-neuf millions de dollars », m'a dit Grondona. C'est pour cela que je suis allé à la Sampdoria, puis Gareca est arrivé et, pauvre Flaco, il a perdu contre n'importe qui. C'était un problème d'orgueil, il me semblait étrange qu'ils n’attendent pas jusqu'au mois d'août, quand le championnat débute en Italie. Il était clair qu'ils ne voulaient pas de moi.

Pourquoi avez-vous si peu de titres en tant qu'entraîneur, tous remportés au cours de vos premières années ?

Je ne suis pas bon pour les cycles courts, mais je ne peux pas rester dans des endroits où je me rends compte que j'ai fait une erreur. Au-delà des titres, partout où je suis allé, j'ai toujours laissé beaucoup de joueurs de football. À Central, ils ont vendu presque tous les onze joueurs et ils étaient en bas de l'échelle, à Independiente c'est la même chose.

Le fait de gagner si peu de titres n'affecte-t-il pas votre estime de soi ?

Non. La seule chose à laquelle j'attache de l'importance dans le football, c'est de pouvoir enlever un défaut et ajouter quelque chose au joueur. C'est le plus grand plaisir pour moi. Voir tout d'un coup que le gars qui jouait à l’envers se mettre à bien jouer. Pour moi, cela n'a pas de prix.

Le fait que vous n'ayez pas entraîné depuis 2007, est-ce que c'est par manque d'envie ou parce que vous êtes devenu trop exigeant ?

Un peu des deux. Il m'est difficile d'aller dans certains endroits où l'on m'a proposé un travail. Aujourd'hui, je n'ai pas les moyens d'aller en Colombie, j'y serais allé à un autre moment, je veux être avec mon peuple.

Êtes-vous à la retraite ?

Non, je ne suis jamais à la retraite, seule la mort peut vous mettre à la retraite.

Seriez-vous intéressé par un lien quelconque avec l'équipe nationale aujourd'hui ?

J'aimerais bien, bien sûr. Ce que je n'aime pas, c'est être là pour le plaisir, pour accompagner la délégation, mais j'aimerais bien participer, bien sûr. [Menotti sera nommé directeur technique de la sélection en 2019, il participe grandement à la construction du troisième titre mondial]

N'êtes-vous pas fâché que les anciens joueurs de 1986 aient plus de chances de travailler à l'AFA que ceux de 1978 ?

Il y a eu une grande différence, probablement à cause de la confrontation que j'ai eue avec la direction de l'AFA.

Grondona a-t-il fait du bien ou du mal au football argentin ?

Je n'aime pas parler des gens qui ne peuvent pas se défendre. Ce serait un manque de respect de ma part. Je peux dire que je déteste le modèle du caudillo. Dans le football comme dans la politique. Comme ces caudillos radicaux qui sont morts sans laisser de maire. Je préfère un leadership participatif. Et Grondona était un caudillo, meilleur que les autres pour le vol, qui avait tout le football dans la tête. D'ailleurs, maintenant qu'il est parti, nous ne savons pas quoi faire. Je comprends que le leadership doit être puissant et décisif, mais je préfère un autre modèle.

Avez-vous eu des relations cordiales avec Bilardo à un moment donné ?

Oui, oui, jusqu'à ce qu'il soit entraîneur de l'équipe nationale, les rapports étaient cordiaux.

Le combat Menotti-Bilardo a-t-il laissé des traces ?

Il a laissé quelque chose à ceux qui sont entrés dans cette bagarre sans aucun respect pour les idées. Il s'agissait d'un conflit personnel. Je ne me battrais jamais avec un gars parce qu'il joue avec un libéro et un stoppeur. C'était amplifié parce que nous avons chacun gagné une Coupe du Monde, mais c'était un débat qui ne valait pas un clou.

Cette dispute vous a-t-elle affecté émotionnellement à un moment ou à un autre ?

Non.

Ne serait-ce pas bien si, une fois par an, tous les vainqueurs des Coupes du Monde 78 et 86 pouvaient se retrouver avec leurs entraîneurs ? Pour envoyer un message de joie, d'unité malgré les différences ?

Non, ce n'est pas la peine, je n'ai pas du tout envie de me retrouver avec des gens que je n'aime pas. Cela ne veut pas dire que je ne peux pas rencontrer des joueurs de football et leur dire bonjour. J'ai beaucoup de respect pour tous les footballeurs, je sais ce que cela signifie de jouer en Primera División. On n'accède pas à l'élite en étant ami avec le président ou l'entraîneur. J'ai salué Ruggeri, Tata Brown est venu me saluer dans le vestiaire quand je jouais à Murcie, je n'ai aucun problème.

Revivez la Coupe du Monde 1986 dans le livre 22 juin 86

Vous partez d'ici et vous trouvez Bilardo dans un ascenseur, que faites-vous ?

Je ne sais pas, je n'y ai pas pensé. Il est très probable que je dise « bonjour ».

S'il vous invite à prendre un café....

J’irai, je n'ai pas de problème. Je ne pense pas qu'il m'invitera et je ne l'inviterais pas non plus, mais s'il m'invite, j'irai.

Et si Victor Hugo t'invite ? [Victor Hugo Morales, la voix de 1986]

Aussi... même si c'est pour lui dire d'aller au diable, mais je n'abandonne pas, je n'évite aucune discussion sérieuse sur quoi que ce soit.

Sais-tu que ton « cerf-volant » est entré dans l'histoire radiophonique mondiale ? [cerf-volant se réfère au « barrilete cosmico » pour décrire Diego Maradona lors du but du siècle. Il est aussi une attaque directe à des propos de Menotti décrivant Maradona comme un cerf-volant et qui a alimenté la polémique durant la Coupe du Monde 1986]

Oui, bien sûr que je le sait, c'est né dans une de mes déclarations sur Maradona. Mais toujours en mentant. Avant la Coupe du Monde, j'ai dit que Maradona serait la star de la Coupe, qu'il avait passé les dernières années de sa vie comme un cerf-volant : que j'y aille ou non. Pour moi, la première saison de Diego à Naples a été la meilleure de toute sa carrière, regardez ce que je vous dis, mais ensuite il a commencé à vivre des circonstances déroutantes. Avant la Coupe du Monde, il s'en est remis et j'ai dit : « Il a arrêté de vivre comme un cerf-volant », mais c'était un compliment. C'était au Mexique, avec l'altitude, le smog, la température, la dynamique serait différente, tout comme j'avais dit que le Brésil allait voler en 1970, et c'est la même chose. Je me souviens que Rummenigge m'a dit un jour qu'il s'était réveillé à midi et qu'il ne savait pas s'il devait manger, jouer, aller dormir, il avait un fouillis dans la tête.

Pourquoi Bilardo a-t-il pu exploiter Maradona en 86 et pas vous en 82 ?

Il y a quatre ans de différence, ce n'est pas le même Diego à vingt-et-un ans qu'à vingt-cinq ans. D'ailleurs, Diego a toujours très bien joué avec moi, mais en Coupe du Monde, il a été terrible, je vous l'ai dit, il a été battu à mort, comme Pelé en 62 [Menotti fait sans doute plutôt allusion à 1966], la même chose.

Vous êtes-vous disputé avec Diego pendant le cycle de Bilardo ?

Je ne me suis jamais disputé avec Diego, mais vous avez bien aidés aussi [NDLR : vous décrit les journaliste]. Une fois, je suis allé le chercher chez lui, il devait me rejoindre pour une réunion et il n'est pas venu. Je suis allé lui demander ce qui n'allait pas. Je déjeunais avec des amis, on oubliait un joueur et je demandais à Signorini, par exemple : « Appelle Diego pour moi et demande-lui qui était l'arrière droit de cette équipe, je suis sûr qu'il s'en souviendra ». Et Diego répondait. Je ne me suis jamais disputé avec lui, nous ne sommes pas proches, mais nous nous sommes toujours bien entendus. Quand il était entraîneur de l'équipe nationale, je l'appelais pour lui souhaiter bonne chance.

Votre plus beau souvenir de football ?

Lorsque j'ai fait mes débuts dans l'équipe première de Central en marquant un but contre Boca.

Plus que d'être champion du monde avec l'équipe nationale !

Oui, ça ne s'achète pas. Six mois avant mes débuts, j'étais un gamin qui jouait dans les ligues de l'intérieur, un gamin dont le rêve de toujours était que Rosario Central gagne, qui admirait Gitano Juárez et du jour au lendemain, tout d'un coup, qui se retrouve sur le terrain de Central, avec Gitano d'un côté et Pelado Grillo devant lui, qui gagne 3-1 et marque un but. Impossible de comparer avec quoi que ce soit !

Et le plus triste ?

Le match contre l'Italie en 1982. On nous a volé ce jour-là. Ils ont tué Diego. C'était une honte. Un jour, les Allemands ont organisé une émission à la télévision, ils m'ont invité et ont montré au ralenti toutes les infractions commises à l'encontre de Diego lors de ce match. J'étais scandalisé ! Et les journalistes italiens m'en avaient parlé. Ils se battaient avec Bearzot, parce qu'il les avait tous viré après les critiques du premier tour. Et les journalistes italiens m'ont dit : « Attention, ils vont utiliser un arbitre roumain, qui est supporter de la Juventus ». À l'époque, Grondona était concentré sur nous. Il n'avait pas beaucoup de poids à la FIFA, mais je lui ai dit : « Julio, pourquoi n'irais-tu pas au tirage au sort de l'arbitre ? Il m'a répondu : N'y pense pas, César ». Et là, j'ai senti que je m'étais fait arnaquer. Ils ont tué Diego d'une certaine manière, ils ne nous ont pas donné deux penalties, ils ont sifflé des hors-jeux qui n’existaient pas.

Qui porte votre héritage ?

Personne. Le danger, c'est que Guardiola a été un ouragan dévastateur, il a balayé toutes les tricheries et tous les mensonges, il les a détruits, il les a anéantis de telle sorte qu'aujourd'hui, même les Italiens veulent avoir le ballon et jouer. Guardiola a réussi ce que même Brésil 1970 n'avait pu faire. Cet ouragan est devenu une brise encourageante en Argentine, mais aussi dans d'autres pays. Dans tous les pays, sauf au Brésil, qui joue de moins en moins bien. Aujourd'hui, l'Argentine joue mieux que le Brésil, l'Uruguay joue mieux que le Brésil, le Chili, putain, joue mieux que le Brésil, la Colombie aussi.

Avez-vous peur de la mort ?

Non, ce qui me gêne parfois, c'est de jouer au basket avec mes petits-enfants et que mon bras me fasse mal à cause de certains mouvements, que mon physique ne réponde pas, mais je suis heureux de pouvoir le faire, de marcher tous les jours pendant deux heures à Palerme, d'aller nager, tranquillement. D'ailleurs, c'est la seule chose dont je sois sûr : je ne connais personne qui ne soit pas mort un jour ou l'autre.

 

Entretien paru dans El Grafico n°4452. Traduit de l'espagnol par Nicolas Cougot

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.