Il a fait partie de la colonie française ayant évolué en MLS. De son parcours britannique à la ligue nord-américaine en passant par la Suède, Léandre Griffit raconte son parcours sur LO.

Dans l’ombre du médiatique Thierry Henry, nombreux sont les français à avoir foulé les pelouses de la MLS. Parmi eux, Léandre Griffit. Arrivé dans une formation qui faisait partie des meilleures de la Ligue en provenance d’Angleterre, il va alors découvrir une ligue en pleine expansion. Il revient avec nous sur son parcours et ses années MLS.

Ce qui est intéressant avec la plupart des français qui sont passés par la MLS et de ceux qui se sont lancés hors des chemins habituels, c’est qu’ils ont tous en commun d’avoir un parcours atypique. Et tu n’échappes pas à cette règle…

Oui c’est vrai, mais un parcours atypique est souvent aussi fait de rencontres. J’ai pourtant suivi un cursus « normal ». Je suis passé par le centre de formation de Lens avant d’être prêté à Amiens en moins de 18 car je ne pouvais pas jouer à Lens en pro, surtout à cette époque en Ligue 1 (NDLR : Lens joue alors les premiers rôles en Ligue 1 et accède à la demi-finale de Coupe de l’UEFA en 2000). Alors j’ai joué très vite en Ligue 2. A 18 ans, j’avais déjà fait 25 matchs en Ligue 2 et un an après je partais à Southampton. J’y suis resté 2 ans, ça s’est très bien passé : j’ai marqué à mes débuts, j’ai commencé des matchs contre les grosses équipes. Le problème c’est que je suis tombé dans une période où Soton allait mal. On a dû changer 11 fois managers en l’espace de 2 ans et demi. Avant que j’arrive, c’était Gordon Strachan, donc c’était vraiment structuré mais après y’a eu un changement et ça a été la débandade. Redknapp arrive et ramène ses 25 joueurs à lui, c’était très compliqué après.

J’imagine que ça l’était d’autant plus que tu étais le jeune joueur étranger de l’équipe…

C’est clair. Le manager qui arrive fait confiance aux anglais ou aux gros salaires étrangers et quand ça ne va pas trop, il commence à regarder les bons jeunes comme je l’étais à ce moment-là - j’étais international espoir français tout de même. Sauf qu’une fois que j’arrivais à cette étape, le coach était viré. Alors, un nouveau arrivait, avec ses joueurs, et je me retrouvais à la case départ.

Mais alors pourquoi avoir choisi Soton aussi tôt?

En fait, c’est un peu à cause d’Amiens. J’avais signé un contrat espoir mais je n’avais signé qu’un an. En France, quand tu fais plus de 15 matchs et que tu es formé par le club, ils sont dans l’obligation de te proposer un contrat pro. Donc moi j’arrivais en fin de contrat, je pense qu’ils ne le savaient pas forcément, et ça se passait bien puisque j’avais joué une vingtaine de matchs en février, à 18 ans. En fin de compte, le club ne me proposait rien sauf, à la fin, où ils m’ont proposé le même type de contrat qu’un jeune issu du centre qui n’avait jamais joué avec les pros. Mon agent est allé leur demander de faire un petit effort, je ne parle pas de demander 100 000 euros, mais juste de quoi récompenser le fait que j’étais dans les 10 joueurs qui avaient le plus joué de la saison avec les pros. Des clubs comme Rennes ou Nice étaient intéressés, mais Amiens savait aussi qu’étant formé au club, je ne pouvais pas partir dans un autre club français, c’est toujours très compliqué. Puis Amiens m’a fait descendre en fin d’année pour le huitième de finale de Gambardella contre Nancy et sur ces matchs, ce sont les clubs étrangers qui sont là. Par exemple, Chelsea était intéressé. Et c’est là qu’il y avait Southampton qui lui, a fait immédiatement une offre. Mon agent m’a dit qu’à la mi-temps, ils m’offraient un contrat de 3 ans et n’avaient même pas assisté à la deuxième période. Je suis allé visiter les installations, je crois qu’Amiens n’a pas mesuré le danger. Quand tu as 18 ans et que Southampton, qui venait de faire finale de la Cup et jouaient la Coupe d’Europe, arrive, ça se refuse pas trop. Le train ne passe qu’une seule fois.

Surtout quand au même moment ton club ne semble pas bouger…

C’est clair. A partir du moment où un club ne veut pas te donner de contrat…et à cette époque, ce n’était pas encore trop des histoires de grosses sommes d’argent. Mais je pense qu’ils étaient tellement certains que j’allais rester. D’ailleurs c’est seulement à la fin, quand tout s’est su, que le président m’a appelé pour me proposer plus. C’était malheureux d’en arriver là, il fallait qu’un club se manifeste pour moi pour qu’enfin on considère ma position. Et à l’époque, je n’aurais pas demandé grand-chose, juste un geste, c’était vraiment une histoire de 500€, pas plus, parce que j’étais un  jeune joueur. Alors je suis parti.

Le revers de la médaille, c’est que du coup, tu ne connaîtras jamais la Ligue 1 

C’est vrai. C’est un petit regret même si franchement, entre la Ligue 1 et la Premier league… quand tu fais Old Trafford, Stamford Bridge… J’ai joué en Ligue 2 pendant un an à 18 ans mais franchement, je ne me voyais pas jouer pendant 15 ans à ce niveau. C’est pas pour dénigrer la Ligue 2 mais ce n’est pas un engouement de fou, il y a des clubs où tu joues devant 2500 personnes. Après c’est vrai que j’aurais peut-être pu rester à Amiens et connaître ensuite la Ligue 1 mais la morale de l’histoire c’est que j’ai joué en Premier League et j’y ai même marqué. J’préfère marquer un but en Premier League que passer 5 ans à Amiens, en Ligue 2 ou en National.

 

Et après Soton, il y a quelques prêts

En fait en Angleterre, quand tu as moins de 23 ans, tu peux être prêté un mois. Donc je fais un mois à Leeds. C’est un peu bizarre ce type de prêts parce qu’en fait ils t’ont vu jouer et te veulent pour 3/4 matchs…

Et comment tu gères ça ?

Le seul problème que j’ai eu à Leeds, c’est que ça a mis un peu de temps avant que j’arrive et ils ont fait jouer un milieu droit à ma place. Ce milieu droit, c’était un gamin issu du centre qui s’appelait Aaron Lennon. Ils le font jouer la veille de mon arrivée et il marque. Quand j’arrive, ils ont alors le choix entre un gars prêté par Soton et un gamin de 17 ans issu du club. Du coup, j’suis remplaçant et le coach me dit qu’il ne peut pas faire autrement. C’est la loi du foot. Mais les prêts, ça te fait du bien aussi.

Tu quittes alors l’Angleterre pour le Suède

Quand j’étais à Southampton, il y avait Anders Svensson. Il m’avait alors dit «  si un jour je reviens en Suède dans mon club de cœur, j’voudrais que tu viennes pour qu’on soit champions ensemble ». Perso, je ne me voyais pas en Suède. Mais il m’a rappelé dans une période où ça n’allait pas. Je ne jouais pas trop et quand tes footballeur tu veux jouer, surtout quand t’es jeune. J’pouvais revenir en France mais ce n’étaient pas des clubs qui m’attiraient. Quand je jouais en Premier League et que je marquais, il y avait des gros clubs de Ligue 1 qui se montraient intéressés après quand tu fais 2 ans où tu comptes tes matchs sur les doigts de la main, ce sont des Ligue 2 qui viennent te chercher et ce n’est jamais concret.

Une fois que tu as un nom dans un championnat, ça reste. En Premier League, j'avais un nom.

…et tu peux tomber très vite dans l’oubli aussi.

Ah ça ! En France, quand tu pars vite, tu tombes dans l’oubli. Mais parfois, ils ne se rendent aussi pas compte de ton niveau. Ils ne se rendent pas compte que si à 19 ans tu joues en Premier League, c’est que déjà tu es costaud. On voit des joueurs comme Amalfitano qui sont des mecs confirmés en Ligue 1 qui ont du mal à enchaîner les matchs. C’est hyper compliqué de s’imposer en Premier League et les clubs français ne se rendent pas compte que si à 20 ans et que tu as déjà joué et marqué dans ce championnat, l’expérience, tu en as déjà plein. Mais c’est comme ça en France. Ils préfèrent prendre un joueur qui flambe en Ligue 2 qu’un joueur qui joue moins en Premier League.

C’est intéressant car c’est une caractéristique commune à beaucoup de jeunes français partis très vite qui vont barouder un peu partout. Sylvain Idangar par exemple nous avait dit également la même chose : si tu pars à l’étranger une ou deux saison, en France, on t’oublie (voir Entretien avec Sylvain Idangar). Et du coup, ne te reste qu’à chercher en périphérie.

C’est exactement ça. D’autant plus que quand tu pars jeune, c’est mal vu. On aurait préféré que je fasse mes classes à Amiens avant d’aller à Caen ou à Rennes. C’est le cursus normal. Quand tu pars à Soton qui n’est pas un club phare, c’est encore moins bien vu. Quand je suis revenu à Cristal Palace après mon passage en Suède, je me suis rendu compte qu’une fois que tu as un nom dans un championnat, ça reste. En Premier League, j’avais un nom. On m’avait vu jouer des matchs contre Arsenal, contre Chelsea… C’est donc un peu partout pareil, mais en France, c’est encore plus fermé.

C’est ainsi que tu vas te retrouver en MLS après un passage en Belgique.

Après la Suède où je suis champion et je joue la Ligue des Champions, je reviens en Angleterre mais j’avais à l’esprit que j’avais toujours voulu aller vivre aux Etats-Unis. Un agent m’explique alors que le championnat ne commence qu’en mars-avril. Quand je finis à Palace, on est en juin, c’est trop tard. L’agent me dit alors de trouver un club qui pouvait me permettre de garder la forme tout en attendant janvier pour pouvoir être libre et aller faire des essais. Je suis allé dans un club semi-pro en Belgique et en janvier-février, j’arrive à Houston.

Et finalement, ce n’est pas Houston que tu choisis mais Columbus.

Quand tu arrives, ils ont leur groupe auquel s’ajoutent les joueurs draftés, environ 10 parmi lesquels seuls deux seront conservés, ce qui fait déjà beaucoup de joueurs et à tout cela, ils ajoutent les joueurs à l’essai. Et là c’est hallucinant. Chaque jour, chaque semaine, tu vois arriver des essais. Le temps que j’y suis resté à l’essai, j’ai dû voir 25 joueurs. Au fur et à mesure, ils écrèment jusqu’à la date de décision. Je suis resté jusqu’à la fin, j’ai joué un tournoi à Orlando, le tournoi Walt Disney, entre équipes de MLS. Tout se passait bien pour moi, mais ils hésitaient car ils cherchaient surtout un 6 alors que j’ai plus un profil de 8. Mais le temps qu’ils réfléchissent, Columbus, qui m’avait vu lors du tournoi, m’a appelé. J’étais rentré en France et ils m’appellent pour me demander de passer chez eux ! Obligé de reprendre l’avion ! J’y suis allé, j’ai participé à un entrainement, j’ai fait un match et ils m’ont pris.

Et Columbus à ce moment-là, ce n’est pas n’importe quoi. Champion 2 ans plus tôt, deux fois tenant du Supporter’s Shield…

Oui. Quand je suis arrivé, c’était la génération de Schelotto, Robbie Rogers. Super équipe. D’ailleurs c’était peut-être le souci. C’était déjà une équipe qui tournait.

Même si on sentait qu’on arrivait en fin de cycle non ?

C’est vrai. Mais ces joueurs avaient tellement apporté au club qu’ils n’arrivaient pas vraiment à leur dire de partir. Et c’était dur pour les joueurs recrutés. Renteria par exemple, ils le font venir et il ne joue presque pas la première année. C’est peut-être pour cela qu’ils ont coulé ensuite. Bilan, c’était super bien l’expérience mais footballistiquement je suis arrivé à une époque où ils ne voulaient pas trop changer le groupe.

Et pourtant, tu marques dès ta première apparition au bout de 2 minutes.

Sincèrement, je ne comprenais pas du tout pourquoi je ne jouais pas. Ce n’est pas pour dire comme tout le monde « je méritais de jouer », je sais faire la part des choses. Autant à Southampton, on était 35 joueurs, il y avait 20 internationaux, donc je comprenais quand je pouvais jouer ou non. Mais là… D’autant que quand j’ai marqué contre Houston, le coach ne me fait pas jouer ensuite. Je reviens en Ligue des Champions. D’ailleurs, j’ai joué essentiellement en CONCAchampions. Ce qu’il n’aimait pas, c’est qu’à chaque match, j’étais MVP sur ESPN alors qu’on a fait un bon parcours, on va en quarts. J’avais l’impression que ça le gênait. J’ai compris quand après avoir été élu MVP le mercredi, je ne suis pas dans le groupe le samedi suivant. Là, j’ai su que je n’aurai pas ma chance. Je pense que ce n’est pas lui qui voulait me faire signer.

A Toronto, en trois semaines, ils ne changent pas une équipe, ils changent un groupe complet.

Bilan, du jour au lendemain, on te dit que tu pars à Toronto.

La morale de l’histoire est là. Quand tu es tradé (NDLR : échangé), cela veut dire que l’autre équipe te veut vraiment. Si tu n’es pas bon, tu n’es pas échangé. Et moi, même sans trop jouer, j’intéresse Toronto qui cherchait à se construire une grande équipe. Le problème, c’est qu’à peine arrivé à Toronto, pubalgie. Huit mois out. Je reprends et je me blesse de nouveau. Franchement, ils ont dû être dégouté, j’ai quasiment pas joué, blessé tout le temps.

Et Toronto, c’est aussi un club du genre à essayer une formule six mois et si ça ne marche pas, tout casser pour repartir à zéro.

C’était hallucinant. Ils sont connus et mal vus pour ça. J’ai été tradé avec un autre joueur de Columbus. Quand je suis arrivé, ils avaient tradé au moins 15 joueurs ! Je me souviens que je courrais autour du terrain avec Frings et Koevermans qui rigolaient parce qu’ils se disaient qu’il y a à peine deux semaines, il n’y avait que des nouveaux joueurs. A Toronto, en trois semaines, ils ne changent pas une équipe, ils changent un groupe complet.

En même temps c’est Toronto. L’an passé ils ont mis le paquet, cette année, ils l’ont remis et même s’ils semblent quelque peu plus stables, on sait très bien que si ça ne fonctionne pas, ils vont tout jeter.

Ouais, c’est ça. Avec eux, ça va franchement super vite. J’ai vu des joueurs arriver, être tradés au bout d’un mois, à peine avaient-ils trouvé un appartement à Toronto qu’ils étaient de nouveau tradés. Ca ne blague pas là-bas. Pour le coup, la MLS, ce n’est pas vraiment bien fait. Quand tu es tradé, mieux vaut être célibataire et sans enfants.

J’arrive au centre d’entraînement et  je vois un gars en train d’effacer mon nom !

C’est lié au fait que les contrats sont signés avec la MLS et non les clubs ?

Voilà. En fait, les contrats sont gérés par la MLS. Attends, je vais te raconter comment s’est passé mon transfert à Toronto. Et je suis hyper sérieux. Un matin, au réveil, je me préparais pour aller à l’entraînement à Columbus, j’ai regardé mon téléphone, j’avais des appels en absence. Aux Etats-Unis, j’avais mes potes de mon équipe et d’autres gens mais bon, pas de quoi avoir des appels en absence de numéros bizarres. Je lis mes messages vocaux : « Monsieur Griffit, c’est le manager de Toronto, j’aimerais vous rencontrer par rapport au trade qui s’est passé hier ». Je ne comprenais même pas ce qu’il s’était passé. J’me dis « c’est quoi ce bordel ? » Je prends ma voiture, je file à l’entraînement. Je te jure que c’est vrai, c’est une vraie anecdote. J’arrive au centre d’entraînement et là, tu vois, tu as ton siège à ton nom. J’arrive, et il y avait un gars en train d’enlever le mien ! Ça m’avait choqué. En France, si tu es dans un club depuis un an et demi, s’il faut partir, tu vas dire au revoir. Mais là, quand j’suis arrivé, j’vois ça et on me dit « Léandre, faut qu’on te parle, viens dans le bureau » - tout ce que je te raconte se passe dans la même minute – « on vient de te trader à Toronto, tu pars. On est vendredi, comme tu es blessé, tu peux partir d’ici lundi ». L’autre joueur qui a été tradé avec moi le même jour, on lui annonce qu’il s’en va le vendredi matin, le soir même il décolle pour Toronto.

C’est dingue. Tu n’as absolument pas ton mot à dire ?

Non. Aucune discussion, c’est mort. Tu vas sur le site internet, ton nom ne figure déjà plus dans le club, tu es tradé, tu es à Toronto. Quand je suis arrivé dans le vestiaire, je ne savais rien du tout. Au point que si on m’avait ensuite dit que c’était une blague, je l’aurais trouvé vraiment bonne. Je suis parti comme ça. Je me souviens que comme j’étais blessé, je me suis dit que j’allais tout de même faire un footing. Sauf que le préparateur physique me dit alors « non tu ne peux pas, tu n’es plus assuré ici ». J’me suis dit que c’était un sacré délire.

Ça me fait penser à ce qui était arrivé à Julien Baudet quand il était au Rapids. Il gagne la MLS avec les Rapids et quelques semaines après, au moment où il vient de déclarer son amour pour le club, on lui annonce qu’il a signé à Seattle.

Ça ne me surprend pas. C’est compliqué à gérer. Moi j’avais la chance d’être bilingue, donc je savais ce qu’il se passait. Après, je t’avoue que passer de Columbus à Toronto, j’étais ravi, Toronto c’est une super ville par rapport à Columbus. Mais je me disais « mais en fait tu gères rien du tout. ». En fait, en MLS, à l’exception des Designated Player qui signent des contrats qu’on ne peut pas toucher ensuite, les autres joueurs ont des contrats semi-garantis. Par exemple, tu signes en mars, si en mai ils ont un spot pour un autre joueur, ils peuvent te virer. J’ai vu un joueur arriver, un paraguayen je crois, il est arrivé, il a acheté une voiture – il gagnait 200 000$ à l’année -, il fait venir sa famille et un jour, je le vois arriver dans le vestiaire en pleurs, je ne comprends pas, il me dit alors « je repars ». Les autres m’ont alors expliqué qu’il avait un contrat semi-garanti et qu’il n’était pas conservé par le club.

Donc en gros, tu dois garder en tête que tu signes avec la Ligue et pas avec le club.

Voilà et la ligue fait ce qu’elle veut avec toi.

Tu ne penses pas que ceci peut être un vrai frein à la MLS qui cherche à progresser ? Ils ont annoncé qu’ils voulaient être dans le top 10 mondial d’ici 2022…

Il faut savoir tout de même que le niveau a augmenté. Quand j’étais là-bas, tu avais Seattle, Los Angeles, tu les fais jouer contre des Ligue 1, ils gagnent, faut pas se mentir. Les mecs accrochaient le Milan AC en match amical, je ne pense pas que Nice en aurait fait autant. Après il y a deux choses. Premièrement, ces histoires de contrats semi-garantis et de trade. Tu ne peux pas prendre un joueur, un étranger, et du jour au lendemain lui dire qu’il va aller jouer ailleurs.

Oui parce que du coup, c’est compliqué pour le joueur de s’investir dans le projet du club

Oui. Regarde Sébastien Le Toux. C’était une star à Philadelphie. J’ai joué contre eux, il n’y en avait que pour lui. Et un jour, il est tradé ! Il était abasourdi. C’était la star de l’équipe et il est tradé à Vancouver. Quand tu as une équipe qui arrive en MLS, comme par exemple Orlando ou Vancouver à l’époque, toutes les autres équipes de la Ligue donnent une liste de 11 joueurs que le nouvel arrivant n’a pas le droit de toucher. Par contre, tous les autres joueurs sont disponibles. C’est l’« Expansion draft ». Si ton club ne t’a pas protégé, le nouvel arrivant peut te prendre. Ça n’existe pas en Europe. Et ça en fin d’année, lorsqu’ils font ton bilan de la saison en fin d’année, ils te le disent. En gros c’est comme si tu étais sur la liste des transferts sans y être. Si la nouvelle franchise te veut tu pars, sinon, tu restes. L’autre frein, c’est l’absence de montée et descente. Parce que quand tu joues pour une place en play-off c’est bien, mais quand les équipes savent qu’elles sont hors-course, ça devient n’importe quoi. Tu joues contre des équipes qui finissent par ne faire qu’attaquer.

Tu penses qu’il y aurait moyen d’établir des passerelles avec les ligues inférieure comme la NASL ?

Non il n’y a aucun moyen. Quand une équipe arrive en MLS c’est uniquement parce qu’elle en a fait la demande. Elle n’est pas nécessairement footballistiquement dans les meilleures des divisions inférieures.  Après, il n’y a pas besoin de faire énormément de descentes/montées. Tant que les équipes se battent pour éviter la relégation, elles ont un objectif.

Je suis d’accord. Quand on voit par exemple ce qu’était devenu Chivas.

C’est l’exemple parfait. Chivas c’était une équipe qui jouait au ballon, techniquement c’était beau, vraiment. Mais les mecs ne jouaient pas pour gagner des matchs ! La première fois qu’on joue contre eux, j’me suis dit « wow, c’est le Real Madrid » tellement ça jouait. Sauf qu’au coup de sifflet final, on leur en avait mis 4. Ils jouaient bien, mais ils n’avaient aucun objectif.

Je ne connaissais pas le football mexicain avant de les jouer et franchement j’ai été impressionné

L’autre souci pour la MLS, c’est d’arriver à lutter sur le plan continental avec les Mexicains par exemple.

J’ai joué la Ligue des Champions contre les mexicains, j’ai joué en Premier League, il y a des équipes, comme Santos qu’on avait joué à l’époque, ça vaut largement un Lyon en France. Ils ont un système de formation à l’européenne. Ils prennent des jeunes formés au Mexique et ils les gardent. Bilan ils ont un fond de jeu énorme. Je ne connaissais pas le football mexicain avant de les jouer et franchement j’ai été impressionné.

Et du coup, la MLS a encore pas mal de boulot pour rattraper tout ça…

Pas forcément. Je pense que si les équipes comme LA Galaxy ou encore Seattle, s’ils jouent sérieusement la compétition, ils peuvent rivaliser. Le problème c’est qu’ils jouent moins sérieusement la CONCACAF, faut pas se leurrer, d’ailleurs moi j’l’ai faite et c’est ceux qui jouent le moins qui la font. Et les mexicains, quand ils mettent leurs jeunes joueurs lorsqu’ils se déplacent, ce ne sont pas des jeunes joueurs comme en MLS. Ce sont des joueurs formés comme en Europe. Nous on a joué Santos, ils avaient tous 19-20 ans, on n’a pas touché le ballon. Nous nos jeunes qui étaient draftés, ils avaient tous 22-23 ans.

et manquent d’expérience…

Oui. Quand tu as des joueurs draftés qui n’ont joué qu’en université, quand ils jouent les jeunes de Santos, il y a une marge. Mais bon, ça se rapproche même si je pense qu’il y a des choses qui ne changeront pas. Un Barça ou un Real restera supérieur en Europe, les mexicains aussi en CONCACAF.

D’ailleurs, on le voit, ils arrivent à lutter sans problèmes avec les sud-américains en Libertadores.

Oui c’est ça, tu le vois tout de suite. J’ai joué contre eux, il y a des équipes, le niveau est impressionnant : c’est technique, physique, les défenseurs sont solides, le 6 très propre. J’me suis dit : « il y a un monde » entre eux et nous. D’ailleurs, les joueurs mexicains gagnent autant qu’en Europe et du coup, ils ne partent pas. Franchement, les joueurs que j’ai vus, en Europe ils peuvent partir à Valence ou dans d’autres clubs espagnols. Mais qui va aller mettre 3M par an ? Et malheureusement, un joueur qui arrive de Santos, sur le papier, en Europe on se dit « laisse tomber ».

On conclut avec un retour sur la MLS, tu continues de la suivre ?

J’ai beaucoup de potes qui jouent là-bas, j’ai passé trois ans là-bas tout de même. Je suis toujours en contact avec plusieurs joueurs comme Dilly Duka qui va jouer la finale de Ligue des Champions avec Montréal (voir CONCACAF Champions league : Historiques !). Il y a encore plusieurs joueurs avec qui je suis toujours régulièrement en contact donc forcément, je suis ce qu’ils font et donc je regarde toujours la MLS.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.