Arrivé en MLS après une expérience douloureuse en Europe, Aurélien Collin s’est rapidement transformé en une valeur sûre de la Ligue. Pour LO, il revient sur son expérience américaine et nous parle de ses rêves de sélection.

Lorsqu’il débarque au Sporting Kansas en 2011, Aurélien Collin ne se doute pas encore à quel point il a fait le bon choix. Quatre ans plus tard, élu dans le 11 de la saison 2012, All Star 2012, 2013, 2014, champion MLS 2013 après une finale dont il fut buteur et MVP, le français est devenu l’un des cadres de la ligue. Nous avons discuté avec Aurélien et évoqué son parcours en MLS mais surtout, ses rêves de sélection.

Après un parcours quelque peu compliqué en Europe, on peut dire que tu es arrivé aux Etats-Unis au bon endroit au bon moment

Oui. Je suis arrivé dans un club qui avait mis les moyens et a construit un vrai groupe avec de super joueurs avec l’idée de jouer les premiers rôles.

Avec comme conséquence, des résultats immédiats

Exactement, on est finaliste de conférence la première année, on gagne la Coupe en 2012, le titre en 2013 et surtout, on est la meilleure défense de la Ligue pendant les 4 saisons.

Et cette régularité est assez rare en MLS, c’est là qu’on voit le travail sur le long terme. Du coup, tu les sens comment le SKC cette saison ? On a l’impression qu’ils sont partis sur un nouveau cycle.

On est plusieurs joueurs à être partis et je dirais que là, c’est un petit peu un retour quatre ans en arrière. C’est vrai qu’il y a de très bons joueurs qui sont restés, Matt Besler, Graham Zusi, Dominic Dwyer, mais après il y a eu beaucoup de départs et beaucoup de nouveaux joueurs et donc leur travail c’est désormais de ramener ces nouveaux joueurs dans la même optique de jeu que celle que Kansas City a toujours eue.

Tu es parti parce qu’en fin de contrat ou dans le cadre de l’expansion draft ?

Je suis parti parce que j’étais en fin de contrat. Dès le début ça n’a pas été clair au niveau contractuel avec Kansas City, il y a eu des renégociations mais jamais à la hauteur de mes attentes. Après, en connaissant la philosophie de ce club, j’ai vite compris que je n’aurais jamais ce que je pensais mériter et donc j’ai décidé de partir. Je suis parti aux Etats-Unis parce qu’en Europe je ne parvenais pas à trouver de stabilité. J’ai joué dans beaucoup de D1 européennes mais dans des clubs instables. Je recherchais un vrai club, du professionnalisme, des installations de qualité et c’est exactement ce que j’ai trouvé aux Etats-Unis. Mon objectif reste d’un jour revenir au meilleur niveau en Europe, mais si je dois rester aux Etats-Unis toute ma vie, ce sera super.

Après, à la fin à Kansas City, ça évoluait, mais les contrats qui m’étaient proposés n’étaient pas bons et donc j’ai voulu partir. Aux Etats-Unis, bien que tu sois gratuit au niveau contractuel, si à la fin de ta 4e année, ton club te propose un contrat qui est au minimum 5% supérieur à celui que tu avais, ça active automatiquement une cinquième année. Ca fait que bien qu’en fin de contrat, au sein de la MLS, je n’étais pas gratuit. Orlando et d’autres clubs se sont manifestés mais Orlando a été le plus rapide et a trouvé rapidement un accord avec Kansas City. C’est comme cela que j’ai pu atterrir ici.

Et puis Orlando, même si on part de plus loin, c’est un peu l’esprit du Sporting Kansas d’il y a quatre ans dans le sens où on construit quelque chose au sein d’un club extrêmement ambitieux.

Personnellement j’ai gravi quelques marches. A tous les niveaux, Orlando c’est un gros club. Le Sporting Kansas aussi mais à une échelle nationale. Orlando est un gros club international.

Déjà ?

Oui, sincèrement il n’y a pas photo.

C’est fort. Parce qu’on le voit sur le terrain, à l’exception de Seattle qui a tout explosé immédiatement, quand une nouvelle franchise arrive, les premiers temps sont compliqués. Le club doit d’abord apprendre. Donc à Orlando ce n’est pas le cas ?

Non. Ils ont dépensé beaucoup d’argent pour qu’on soit dans les meilleures dispositions. Un meilleur stade, pas au niveau du terrain, qui abrite 40 000 personnes, un centre d’entraînement beaucoup plus grand et surtout un travail médiatique dans la ville qui est énorme et c’est pour cela qu’autant de monde vient au stade. Les ambitions du club sont vraiment énormes.

Aujourd’hui, le Salary Cap est à 4M$. Demain, tu le passes à 8, cette ligue, c’est la meilleure au monde.

Personnellement, je vois Orlando en play-offs (voir MLS : 20 ans et toujours plus grande). Le propriétaire a fixé des objectifs précis en début de saison ?

Oui. C’est sûr que footballistiquement on est une nouvelle équipe, on ne va pas être prêts à 100% dès la première année. Mais amener des joueurs comme Kaká et des gros joueurs venus d’Angleterre, ça fait une équipe qui peut jouer les play-offs. Il y a beaucoup de travail mais je suis très optimiste. Le club a vraiment mis le paquet pour remplir ces objectifs.

L’avantage, c’est que la Conférence Est est quand même très ouverte. Ce n’est pas l’Ouest avec ses monstres que sont Dallas, Seattle, LA, Salt Lake

Exactement.

A titre personnel, ça va être ta cinquième saison en MLS, ça fait de toi un ancien de la ligue mais aussi un témoin direct de l’accélération de son développement. On voit chez nous la progression ne serait-ce qu’en termes de médiatisation, mais toi en tant que joueur, tu la ressens, que ce soit sur le terrain ou même autour ?

Ca dépend des villes. Kansas City ou Orlando ce sont déjà des villes de foot par exemple. Après la reconnaissance, c’est au niveau international. Le fait qu’Eurosport diffuse les matchs, ça va aider. On a le Salary Cap qui évolue mais c’est encore un petit peu lent à mon avis. C’est pas encore assez, va falloir encore attendre 5 ans. Mais la médiatisation monte surtout avec l’an prochain cette chose extraordinaire que sera la Copa América.

Tu fais partie de ceux qui pensent que le Salary Cap est un frein au développement de la MLS ?

Aujourd’hui, le Salary Cap est à 4M. Demain, tu le passes à 8, cette ligue, c’est la meilleure au monde. Y’a tout, de l’argent, des stades…Regarde chez nous. Le stade, ils le construisent en six mois. Je ne sais pas combien il y a d’habitants aux States, mais ici ils sortent un stade en deux secondes. Non, le seul souci, c’est l’argent. Dès qu’il y a de l’argent, tu as du pouvoir médiatique et si tu as du pouvoir médiatique, tu as du public.

C’est vrai que si on compare avec le monstre mexicain qui est encore en avance sur le plan du football, celui-ci est extrêmement plus riche mais ne dispose pas du pouvoir médiatique de la MLS. Il n’y a qu’à voir en France, personne ne diffuse la Liga MX par exemple.

Les Etats-Unis, c’est le pays de la consommation, du capitalisme, ils sont meilleurs sur ces plans là que n’importe quel pays au monde.

Et leur ambition est d’entrer dans le top 10 des Ligues du monde. Ça te donne pas envie d’y rester ?

J’ai signé un contrat de 2 ans, après on verra. J’ai un coach anglais qui a joué en Premier League, tout est possible. Au niveau médiatique, Orlando c’est différent. Si je joue bien, y’aura de très bonnes opportunités.

Ma main est tendue. Je suis disponible à 100% pour aider le Venezuela.

Puisqu’on parle de toi, tu as étonné quelque peu la semaine dernière en affirmant ta volonté de jouer avec la sélection du Venezuela. Vu de France, la première question qu’on se pose c’est pourquoi donc ?

Tout simplement parce que je suis marié à une vénézuélienne !

Mais administrativement parlant c’est faisable ?

Déjà au niveau de la loi, je suis Vénézuélien. Ca fait des années qui j’y vais, j’ai une maison là-bas. Je n’ai pas physiquement le passeport mais sur le simple plan légal, je le suis. Faut juste faire les papiers et ensuite, ce sera à la décision du coach.

Depuis ta déclaration publique, ça a bougé derrière ?

Au Venezuela oui, ça bouge. J’ai donné plein d’interview à la télé, à la radio. Même si la Copa América est dans les esprits, ça s’active sur le plan médiatique.

Et du côté de la fédé ou de la sélection, tu as eu des échos ?

A partir du moment où j’aurais le passeport, je pourrais jouer. Personnellement, ça fait 2 ans que j’y pense. J’ai quitté la France, il y a plusieurs années, je vis aux Etats-Unis et la sélection française, ça fait longtemps que je n’y pense pas. Le Venezuela c’est un pays que je visite régulièrement, où je passe beaucoup de temps, plus qu’en France et pour qui j’ai beaucoup d’amour. Moi, j’me sens autant vénézuélien que français. Si je peux aider un pays que j’aime et l’amener à la Coupe du Monde 2018 et faire une bonne Copa América 2016. Je suis prêt. Hier je donnais une interview et le journaliste m’a demandé quel message je voulais envoyer à l’entraîneur et aux joueurs devant tout le peuple vénézuélien qui me regardait et je leur ai souhaité bonne chance, que je serai derrière eux pour la Copa América et que ma main est tendue. Je suis disponible à 100% pour aider ce pays.

Ça pourrait apporter ce coup de pouce supplémentaire à la Vinotinto, car on sent qu’il ne manque pas grand-chose. La dernière qualification mondiale s’est jouée à un match raté face à l’Uruguay par exemple, on voit la progression aussi sur les parcours lors des deux dernières Copa América. Celle de cette année sera importante en ce sens. Tu la sens comment la prochaine Copa América ?

Le groupe est très dur. Ça va être compliqué mais ça va être un bon test. Faut qu’ils fassent le maximum mais c’est clair que ça va être chaud.

Puisqu’on parle de football vénézuélien, tu as un club de cœur au pays ? Tu arrives à suivre le championnat ?

Mon club de cœur, c’est le club de Barquisimeto qui s’appelle Deportivo Lara. Après, je suis un petit peu les résultats mais c’est compliqué. Ce que je suis surtout c’est la Vinotinto.

Avec en tête la prochaine Copa América aux Etats-Unis.

Oui et surtout la Coupe du Monde 2018.

On peut donc envisager une défense centrale Vizcarrondo – Collin. Tu en as discuté avec des joueurs de la sélection ou ceux qui sont en MLS (on pense à Aristeguieta qui est à Philadelphie par exemple) ?

Je ne connais pas vraiment ceux qui sont en MLS. Je connais surtout ceux qui sont passés par l’Espagne. Arango par exemple, j’ai joué avec lui quand il était à Mallorca. Et je connais quelques joueurs qui sont à la retraite, il y a en a quelques-uns qui vivent ici aux Etats-Unis comme Alejandro Moreno qui est aujourd’hui commentateur sur ESPN.

La sélection c’est bien mais tu te vois un jour descendre dans le sud pour jouer en club ?

Ouais ça c’est sûr. Au pire vers ma retraite. Un an ou deux au Venezuela, ça je le vois bien.

On manque de Français nous en Amsud, donc nous, on est preneurs !

C’est possible. On verra, tu sais tout est possible dans le football demain je peux être en Angleterre, après-demain au Venezuela.

C’est sûr, mais l’idée même d’envisager Aurélien Collin en club au Venezuela n’est pas idiote

Non, elle ne l’est pas.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.