Fraîchement débarqué à Rosario pour le Clásico Rosarino, LO a profité de l'occasion pour retrouver un ancien de la Ligue 1, Mauro Cetto. Après un passage à San Lorenzo et une Libertadores décrochée, el Colo nous raconte son Rosario, le Clásico mais aussi l’Argentine et la France.

Quand tu es revenu en Argentine, tu déclarais que ton retour a Rosario Central n'avait pas été possible. Désormais, c’est chose faite ! Te voilà de retour dans ta ville, dans ton club. De quoi être heureux non ?

Oui. Revenir à Rosario était un rêve pour moi, j'ai toujours voulu terminer ici à Rosario Central et cela depuis mes débuts. Même en France, j'avais déjà cela dans un coin de ma tête. Aujourd'hui je suis vraiment très heureux.

Comment s'est déroulé ce retour ?

Depuis mon retour en Argentine à San Lorenzo, j'ai toujours été en contact avec Rosario Central. Je suis resté à San Lorenzo car j'étais sous contrat avec cette institution et pendant trois ans nous avons joué des compétitions très importantes. Nous avons été Champion d'Argentine en 2013, Champion en Copa Libertadores en 2014... Mais j'ai toujours su que je reviendrai à Rosario Central quoi qu'il arrive, cela était très clair dans ma tête. A la fin de mon contrat à San Lorenzo, les choses se sont faites naturellement et je suis revenu ici à Rosario.

La finale de la Copa Argentina était un pur scandale, j'ai failli casser ma télévision !

On sait que tu es supporter de Rosario Central depuis tout petit, ta famille est Canallas ?

Oui. Toute ma famille est originaire de Rosario, ma femme est aussi rosarina et nous sommes tous supporters de Rosario Central sans aucune exception.

Tu arrives dans un Central en plein renouveau. Troisième du dernier championnat, finaliste malheureux de la Copa Argentina avec en prime une qualification en Copa Libertadores. Quelles sont les objectifs de cette saison ?

C'est vrai que j'ai beaucoup de chance de revenir au moment où le club est dans une très bonne dynamique. L'objectif est de faire aussi bien que l'année dernière, jouer les premiers rôles et être protagonistes. L'effectif est de qualité et très complet, tous les postes ont été doublés. Donc on espère faire aussi bien que la saison passée, mais cette fois-ci avec un titre à la clé que ce soit en championnat ou en Copa Libertadores. Un club comme Rosario Central mérite cela après avoir connu des années difficiles. Nos supporters aussi le méritent, car ils ont toujours été derrière nous même dans les mauvais moments.

La saison dernière Rosario Central était à deux doigts de remporter un titre en Copa Argentina. Après ce papelón, (scandale, lire Argentine - Copa Argentina 2015 : Boca au milieu des scandales), ce titre a finalement échappé injustement aux Canallas. Comment l'as-tu vécu ?

J'ai vécu ce match à Buenos Aires, je l’ai regardé à la télé. C'était un pur scandale, j'ai failli casser ma télévision ce jour-là ! Il y a trois erreurs qui coûtent trois buts. Et toutes les erreurs sont en défaveur de Rosario Central ! Dans 20 - 25 ans, à Rosario, on reparlera encore de cette finale. Même les supporters des autres clubs le disent que c'est incroyable ce qu'il s'est passé. Bon, aujourd'hui au club on essaie de ne plus penser à cela sinon on n'avance plus. Mais quelle injustice tout de même… Dans les années 70 quand les matchs n'étaient pas télévisés j’aurais pu le comprendre. Mais là…

Ce serait une utopie de penser que Rosario Central peut remporter la Copa Libertadores ? Toi qui a de l'expérience à ce niveau-là pour l'avoir déjà gagnée avec San Lorenzo, penses-tu que cela est réalisable ?

En Copa Libertadores, passer la phase de groupe est toujours très difficile. Quand nous l'avons remportée avec San Lorenzo, nous sortons de la phase de groupe à la dernière minute face à Botafogo. Effectivement ce groupe est compliqué avec les brésiliens de Palmeiras et les uruguayens du Nacional qui ont beaucoup d'expérience à ce niveau, mais l'objectif reste de se qualifier et ensuite qui sait… On verra jusqu'où on est capable d'aller. Nous avons les qualités pour faire un très beau parcours, notre équipe est capable de rivaliser même avec les plus grands du continent, même si on est conscient que cela sera très compliqué. Nous avons l'ambition d'aller très loin dans cette compétition. Pour cela il faudra minimiser les erreurs car en Copa Libertadores une seule erreur peut être fatale.

En France, à l'époque où j'y étais, c'était cette même idée qui primait : garder le résultat et ne pas prendre de risque.

Le renouveau de Rosario Central est notamment dû au nouvel entraîneur Eduardo Coudet. Quelles sont les différences avec ton ancien coach à San Lorenzo, Edgardo Bauza ?

Il y en a énormément. Déjà il y a une différence d'âge énorme, plus de 20 ans d'écart entre les deux hommes. Coudet est beaucoup plus dynamique, tout le temps en train de crier pour motiver tout le monde. Bauza était quelqu'un de beaucoup plus posé mais qui imposait le respect du fait de ses titres remportés, sa prestance et tout ce qu'il représentait. Coudet a déjà démontré l'année passée qu'il était à la hauteur d'entraîner un club comme Rosario Central et je pense que cette année il est capable de faire passer un nouveau cap au club en remportant un titre.

Justement, Coudet fait partie de cette nouvelle génération d'entraîneurs argentins en pleine émergence. Ces derniers répètent souvent qu'être protagoniste dans le jeu est le plus important au-delà du résultat. Cette saison, sur les 30 clubs de premières divisions, 18 entraîneurs ont moins de 45 ans. Comment analyses-tu ce phénomène ?

L'arrivée de cette génération de nouveaux entraîneurs très jeune a changé beaucoup de choses dans notre championnat. Ce sont des techniciens qui voient par le jeu, qui cherchent à aller de l'avant et attaquer sans cesse. Ces choses, on ne les voyait que très peu auparavant. Les anciens entraîneurs ne le faisaient pas beaucoup, c'était une autre école. En France, à l'époque où j'y étais, c'était aussi cette même idée qui primait : garder le résultat et ne pas prendre de risque. Aujourd'hui dans le championnat argentin, sur les 30 équipes, 20 vont essayer de proposer du jeu et aller vers l'avant. Même si les groupes sont de qualités plus ou moins bonnes ils osent, ils essaient. Cela a fait énormément de bien au football argentin et on peut s'en apercevoir dans les compétitions continentales. Les deux dernières Copa Libertadores ont été remportées par deux clubs argentins (NDLR : San Lorenzo en 2014 et River Plate en 2015).

Un autre exemple d'entraîneur qui vient immédiatement à l’esprit, c’est Pablo Guede (lire Pablo Guede : la nouvelle (r)évolution argentine) qui vient de débarquer à San Lorenzo. Tes anciens coéquipiers ont remporté ce mercredi la Supercopa Argentina en écrasant 4-0 Boca Juniors (lire Argentine - Supercopa Argentina : Inside Boca Juniors - San Lorenzo de Almagro) avec cette philosophie de jeu…

Je n'ai pas connu Pablo Guede personnellement, même si bien sûr j'ai entendu parler de ce jeune entraîneur et de son style de jeu. Mes anciens coéquipiers m'ont confirmé cela. C'est un technicien qui veut que son équipe ait la possession du ballon, qu'elle presse haut, qu'elle soit dynamique et quand elle perd le ballon, elle se doit de le récupérer rapidement. Les matchs de préparation se sont déroulés en dents de scie, mais le premier vrai test a été passé avec succès ce mercredi face à Boca Juniors et je suis très heureux pour mes anciens partenaires. Après, dans ce genre de système il faut toujours en temps d'adaptation, surtout dans le replacement défensif qui demande de très gros efforts, mais ce travail paiera.

Tous les gens qui sont venus voir une fois le Clásico de Rosario savent que c'est le Clásico le plus chaud et le plus passionnant d'Argentine. A côté Boca Juniors – River Plate c'est juste du marketing !

Justement, de ton côté, comment t'adaptes-tu dans ce nouveau système avec Eduardo Coudet après avoir connu le style Edgardo Bauza ?

C'est vrai qu'avec Bauza c'était totalement différent. Mes anciens coéquipiers vivent une révolution avec Guede et moi aussi personnellement avec Coudet. C'est autre chose. Moi ça me plaît vraiment et je m'adapte bien car la première année à San Lorenzo avec Pizzi c'était aussi cette idée-là qui était mis en avant et nous avons terminé champion d'Argentine. On ne peut que prendre du plaisir en travaillant ainsi.

Venons-en au Clásico de Rosario qui se joue ce dimanche face aux Newell's Old Boys. Toi qui es né ici, peux-tu nous parler de ce match si particulier, considéré comme l'un des plus chauds d'Argentine ?

C'est exactement cela. Tous les gens qui sont venus voir une fois le Clásico de Rosario savent que c'est le Clásico le plus chaud et le plus passionnant d'Argentine. A côté Boca Juniors – River Plate c'est juste du marketing ! Ici, la ville ne vit que pour ça. Ça dure deux semaines avant le Clásico, deux semaines après. Quand tu croises les supporters dans la rue, ces derniers n'arrêtent pas de te dire qu'il faut le gagner, la passion ici est démesurée et cela dépasse même parfois ce cadre de la passion avec de la violence malheureusement mais c'est ainsi.

Tu parles de passion, ce jeudi les supporters des Newell's Old Boys étaient plus de 25.000 à assister à l'entraînement du rival pour demander à leurs joueurs de gagner coûte que coûte ce Clásico après quatre victoires de suite en votre faveur et un léger avantage historique dans les confrontations directes…

Oui et c'est un sacré pied de nez car sur trois des quatre derniers Clásicos que Rosario Central a remportés, les Newell's étaient favoris. Central revenait de deuxième division et malgré tout s'est imposé quatre fois. Tout ça pour dire que dans un Clásico, il n'y a aucune logique. Certes il y a des vérités. Nous sommes dans une bonne série, en pleine confiance et nous pratiquons un bon football. Côté Newell's Old Boys, ils se sont pas mal renouvelés après une mauvaise saison l'année passée et ils se cherchent encore alors que nous on a des bases solides. Maintenant, cela reste un match très particulier et devant ils ont trois joueurs de qualités avec Maxi Rodriguez, Boyé et Scocco. Ce sont trois joueurs déséquilibrants qui peuvent faire la différence à tout moment. A partir de là, on sait que l'on devra minimiser les erreurs et qu'il faudra que l'on maîtrise la rencontre pour la remporter.

Les Newell's Old Boys sont entraînés par un ancien pensionnaire de la Ligue 1, Lucas Bernardi. Tu le connais bien, as-tu discuté avec lui avant ce Clásico ?

Non, non. Je pense qu'à Rosario pas mal de joueurs des deux clubs se connaissent personnellement. Mais avant le Clásico personne ne se parle, c'est impossible (rires).

Le recibimiento est le moment le plus important du match, chaque fois je suis comme un gosse.

Après une victoire 1-0 en demi-finale du championnat, au Monumental le 19 Décembre 1971 contre  les Newell's, la tête plongeante victorieuse de Aldo Pedro Poy est devenue un rituel pour tous les fans de Central qui s'amusent à mimer ce geste tous les ans à la même date. Le 19 Décembre porte même un nom « el festejo de la Palomita de Poy ». Les fans de Central vont même encore plus loin avec cette requête au Guinness Book des Records, réclamant que ce but soit reconnu comme le plus célébré de l'histoire ! On verra Mauro Cetto faire ce rituel en Décembre prochain à Rosario ?

(Il rigole). Je ne sais pas, on verra. Mais c'est vrai que ce rituel est assez fou, cela fait maintenant 35 ans qu'il se fête tous les ans à la même date. Cela a vraiment marqué l'histoire du club a tous jamais, car ce but victorieux amènera par la suite le titre de champion d'Argentine pour Rosario Central qui sera le premier club de l'intérieur du pays, hors Buenos Aires, à être sacré champion ! Vous imaginez l'impact et ce que cela représente pour les supporters de Rosario Central ! A Buenos Aires il y a une vingtaine de clubs, et les plus grands sont à Buenos Aires. A une certaine époque dans le football tout passait par Buenos Aires. Ce qu'a fait Central est vraiment historique. D'ailleurs, Poy, le fameux buteur face aux Newell's en 1971, se jette encore pour rejouer son but. Le 19 décembre 1997, Ernestico, l’un des enfants du Che (NDLR : Che Guevara était supporter de Rosario Central), a même lancé la balle à Poy en personne et le coup de tête a été immortalisé à La Havane ! Ils l'ont aussi fait à Miami, en Europe… Ils sont complètement fous ! 

En parlant de folie, tu le disais toute à l'heure, ici la passion est démesurée à Rosario. Le recibimiento de la hinchada de Rosario Central lors du premier match de championnat la semaine dernière a été impressionnant et donnerait des frissons à n'importe qui. Cela continue à t’impressionner ?

Ah vous l'avez vu ? C'était incroyable ! Oui, je ne cesse d'être impressionner. Et surtout ici à Rosario Central. Je ne dis pas ça car je suis supporter, c'est une vérité. C'est l'un des seuls stades en Argentine qui est plein à chaque rencontre et d'ailleurs cette année il y a 45.000 abonnements donc aucune place ne sera disponible cette saison pour voir un match si tu n'es pas abonné, c'est quelque chose de très fort. Et puis il y a ces recibimientos. A chaque fois que l'équipe entre sur la pelouse, l'accueil est magnifique, et cela a chaque match ! Je vais même aller plus loin, mais personnellement, je n'attends que ça ! Le recibimiento est le moment le plus important du match et chaque fois, je suis comme un gosse.

Malheureusement ce Clásico se jouera une fois de plus sans supporters visiteurs. Le gouvernement argentin a affirmé qu’il prendra bel et bien en charge les coûts liés à la sécurité autour du football argentin dans un futur très proche avec comme objectifs un retour des supporters visiteurs. Comment vois-tu cette nouvelle avancée ?

Tout d'abord, je suis pour que les supporters visiteurs reviennent au stade car c'est l'essence même du football. L'année dernière, je te disais que le problème en Argentine n’était pas uniquement au stade, que c'était un problème de société et qu'il y avait énormément d'incidents dans la rue et pas seulement autour des enceintes de football. Je disais aussi qu'à partir du moment où la société ne change pas, je ne vois pas pourquoi le football changerait sachant que c'est le sport le plus populaire et qu'il emmène aussi avec lui les soucis les plus récurrents. La solution se devait d’être politique et se devait de venir du gouvernement. Je note que ce gouvernement prend en charge ces problèmes de violence et qu'il ne laisse pas le club en assumer seul la charge. C'est une chose normale et que l'on se doit de féliciter. Après, malgré cette interdiction ce week-end, je suis sûr que nos supporters nous pousseront comme jamais et que nous allons vivre, une fois de plus, un superbe Clásico de Rosario.

 

Propos recueillis par Bastien Poupat à Rosario en Argentine pour Lucarne Opposée.

Bastien Poupat