Passé par Evian Thonon-Gaillard, Marco Ruben est depuis rentré au pays. L’avant-centre de Rosario Central nous a accordé un entrentien à quelques heures du Clásico de Rosario. L’occasion de revenir sur ses années européennes et son retour réussi.

En 2008, après une saison à River Plate, tu arrives à Villarreal, un club avec un effectif très dense, et tu es de suite prêté à Huelva. L'adaptation loin de tes proches et de ta famille a été difficile ?

Huit ans après ce n'est jamais évident de reparler de tout cela. Sur le moment, je me souviens que l'adaptation s'était bien passée. Il n'y avait pas la barrière de la langue et cela était très important. Ce fut un moment clé de ma carrière, le football espagnol m'a énormément fait progresser. Quand je dis progresser, c'est sur tous les aspects. Footballistiquement évidemment car le football espagnol est magnifique à pratiquer et je me suis beaucoup identifié à ce dernier, mais aussi comme personne, car quand je suis arrivée en Espagne j'étais très jeune (NDLR : 21 ans).

A ton retour de prêt du Recreativo Huelva, tu reviens à Villarreal où tout d'abord tu rejoins l'équipe B avec laquelle tu inscris 18 buts avant que Juan Carlos Garrido ne te lance dans le grand bain de l'équipe première où tu inscriras 14 buts. Avec ce recul, que peux-tu nous dire sur ton passage à Villarreal ?

Après avoir connu le football espagnol, ukrainien, français, mexicain et argentin, je peux affirmer que tous sont différents et possèdent leurs propres caractéristiques. Je vais me répéter, mais celui auquel je m'identifie le plus c'est le football espagnol. En Espagne, on voit par le jeu, il y a beaucoup de transmissions courtes et on presse l'adversaire. C'est ce football qui m'a énormément fait progresser.

J'ai ce sentiment amer ne pas avoir pu tout donner à Evian

Villarreal dégraisse ensuite son effectif suite à la relégation en seconde division espagnole et tu te retrouves au Dynamo de Kiev qui est une énorme usine avec plus de 40 joueurs dans son effectif. Le tout dans un pays avec une culture totalement différente. Comment as-tu vécu cela ?

Le Dynamo de Kiev est un très grand club, habitué de disputer la Champions League pratiquement tous les ans, donc c'était une fierté de pouvoir évoluer sous ces couleurs. Mais pour moi, ce fut un choc culturel que ce soit dans la manière de vivre, de voir les choses. Cela a été très difficile et je n'ai jamais pu m'adapter durant toute l'année où j'ai évolué en Ukraine. De plus, le championnat est assez particulier. Seulement quatre équipes se disputaient le titre avec le Dynamo de Kiev, le Shakhtar, le Metalist et Dnipro et les autres essayaient de survivre. Mais bon, il faut toujours retenir que le positif dans une expérience et celle-ci m'a endurci, loin de mes proches et de ma famille.

De Kiev tu es prêté en France, à Evian Thonon-Gaillard, quelles ont été tes premières impressions ?

Ma première impression était assez mitigée car je ne voulais pas forcément être prêté en France. J'aurais voulu continuer à me battre pour jouer au Dynamo de Kiev ou alors revenir en Espagne où je me sentais très bien. Et puis j'ai eu cette opportunité d'aller à Evian, chose que j'ai finalement acceptée. Annecy est une ville magnifique pour vivre et qui te donne beaucoup de tranquillité. Ensuite la saison que j'ai passée en Ligue 1 a été compliquée car j'ai inscrit seulement un but alors que j'ai disputé 29 matchs. J'ai ce sentiment amer ne pas avoir pu tout donner pour le club et pour la ville car le football français ne correspondait pas à mes caractéristiques footballistique…

Justement, toi qui aimais beaucoup le football espagnol fait de toque, de pressing haut, en France qu'as-tu ressenti comme différence au niveau du travail et de la culture football ? Mauro Cetto nous confiait qu'à l'époque où il y jouait, ce qui primait était de garder le résultat et ne pas prendre de risques (lire Mauro Cetto : « le Clásico de Rosario est le Clásico le plus chaud et le plus passionnant d'Argentine »).

Je pense avant tout qu'il faut respecter le football et la culture football de chaque pays. En France, il est clair que la manière de penser et de voir le football est très différente. Je me suis très bien adapté en France, au style de vie en général mais aussi au groupe. J'ai rencontré des personnes formidables comme l'entraîneur Pascal Dupraz ou encore quelques coéquipiers, avec qui je suis resté en contact. Mais je n'ai pas pu exploser, une fois de plus parce que mes caractéristiques ne sont pas faites pour ce football.

De plus tu es arrivé à court de forme depuis l'Ukraine et le Dynamo de Kiev avec seulement 15 matchs dans les jambes…

Tout à fait. Il me manquait une préparation de présaison car je m'étais blessé au pied avant d'arriver en France. Cela peut paraître paradoxal, mais encore une fois je cherche toujours le côté positif des choses, et de souffrir ainsi à Evian m'a aussi fait progresser et découvrir autre chose. Pascal Dupraz voulait qu'on joue assez bas et qu'on explose vite vers l'avant. Malheureusement, je ne suis pas ce genre de joueur qui va faire une course de 50 mètres pour porter le ballon. Je préfère que l'équipe ait la possession du ballon pour pouvoir le toucher le plus près du but adverse. Toutes ces choses ont fait que ce fut difficile, mais d'un autre côté je garde aussi des bons souvenirs de mon passage en France.

Tu peux nous en raconter quelques-uns ?

L'accueil des gens a été magnifique et même si je n'étais pas au top footballistiquement, les gens et les supporters m'ont toujours soutenu et très bien traité. J'ai aussi adoré la France, un pays magnifique avec une énorme diversité. De plus, je ne pourrais jamais oublier la France car c'est aussi là-bas que nous avons appris avec ma femme que nous allions avoir notre premier enfant. C'est pour tout cela que j'en garde que de bons souvenirs. Et puis au final avec Evian, on ne peut pas dire que nous avons fait une mauvaise saison car nous avons obtenu le maintien en Ligue 1 cette saison-là.

Depuis l'Argentine, tu suis toujours la Ligue 1 ?

Pour être honnête je la suis de très loin. Je regarde les résultats avec une attention particulière pour Evian et j'ai vraiment été affecté quand ils sont descendus en deuxième division. Il y a aussi quelque chose qui m'a marqué négativement dans le championnat français, c'est l'état des terrains en Ligue 1. J'ai appris que les caractéristiques qui correspondaient le mieux au championnat français étaient la force physique et la vitesse, mais de voir des terrains en si mauvais état m'a vraiment surpris. Après je sais qu'il y a beaucoup de climats différents en France, mais je pense que c'est quelque chose qui doit et qui peut être amélioré. En améliorant l'état des terrains de Ligue 1, on améliorera la qualité de son football. Surtout quand on connaît la puissance économique d'un pays comme la France.

Quand je suis revenu ici, chez moi, proche de ma famille, dans mon club, j'ai retrouvé la foi, l'illusion et l'envie de rejouer au football

Après la France, tu rejoins le Mexique et les Tigres de Ferretti où évolue actuellement Gignac. Ce qui frappe énormément ces derniers temps, c'est que l'on voit beaucoup de joueurs du championnat argentin débarquer au Mexique…

Avant tout, il faut préciser que le football mexicain est très puissant économiquement parlant. Les présidents de clubs sont en général de puissants hommes d'affaires et les droits de télévisions sont assez élevés. Mais tu vois, je pense un peu la même chose du football mexicain que du football français. Avec toute cette puissance économique, il y a beaucoup de choses que le football mexicain pourrait améliorer. Après, personnellement, ce fut trop court pour bien m'adapter, progresser, et porter un jugement sportif sur le football mexicain. Et puis est venu un autre tournant de ma carrière, cette opportunité d'un retour dans ma ville et mon club de cœur qu'est Rosario Central. Donc si je dois résumer ces années à l’étranger en une phrase ce serait que j'ai passé quatre ans et demi magnifiques en Espagne et deux ans et demi plus compliqués par la suite au niveau sportif.

Et donc l'année dernière tu reviens à Rosario Central, ton premier club et là tu termines meilleur buteur du championnat avec en prime une troisième place en championnat, une qualification en Copa Libertadores et une finale de Copa Argentina. Tu imaginais qu'un retour si incroyable ?

Ce que je peux dire, c'est que quand je suis revenu ici, chez moi, proche de ma famille, dans mon club, cela m'a fait un bien énorme. J'ai retrouvé la foi, l'illusion et l'envie de rejouer au football, en gros, tout ce que j'avais perdu après deux ans et demi très compliqués où je n'ai joué que très peu. La saison dernière fut exceptionnelle sur le plan personnel car j'ai terminé meilleur buteur du championnat avec 24 buts mais aussi sur le plan collectif. Je suis arrivé dans un moment clé pour Rosario Central qui démarrait un nouveau cycle avec un nouvel entraîneur, un nouveau projet. On effectue une superbe saison malheureusement avec aucun titre et je pense que nous en méritions au moins un, notamment en Copa Argentina.

 

Ce titre qui a finalement échappé injustement aux Canallas (lire Argentine - Copa Argentina 2015 : Boca au milieu des scandales), comment l'as-tu vécu ?

Ce fut très difficile à accepter, car nous avons vécu une injustice. Les images parlent d'elles-mêmes et tout le monde est d'accord pour dire que c'était une injustice totale. Maintenant il faut aller de l'avant, dans nos têtes nous savons tous que nous méritions de remporter ce titre mais c'est ainsi. Un jour nous aurons notre revanche. Il y a un dicton dans le football argentin qui dit que le football est beau car il t'offre toujours une possibilité de revanche sur l’histoire. A nous d'aller la chercher.

Une autre Copa va bientôt débuter pour Rosario Central, la Copa Libertadores. Quelles sont les objectifs du club dans cette compétition ? Central a-t-il les armes pour pouvoir la remporter ?

Nous avons les armes pour nous battre lors de toutes les rencontres. Nous possédons un groupe uni et de qualité et nous pensons qu'il faut prendre les matchs les uns après les autres pour prendre de la confiance lors de la phase de groupe qui s'avère très compliquée et après qui sait…  Bien sûr que le rêve serait de remporter la Copa Libertadores avec tout le respect que nous avons envers les autres équipes je ne pense pas que cela soit une utopie.

Tu nous parlais toute à l'heure du nouvel entraîneur du club, Eduardo Coudet. Il fait partie de cette nouvelle génération d'entraîneurs argentins en pleine émergence. Pour toi, Rosario Central doit son renouveau à cet homme ? Quelle est sa façon de travailler ?

C'est clairement le plus grand protagoniste de cette nouvelle ère que connaît le club actuellement. El Chacho a intégré beaucoup de jeunes joueurs dans l'effectif et c'est un entraîneur très professionnel, travailleur et qui a la capacité de transmettre à ses joueurs sa façon de penser, de voir le football. Tu parlais aussi de cette nouvelle génération d'entraîneur que l'on possède en Argentine, cela est très positif pour notre football qui ne fait que progresser ces dernières années après une énorme stagnation et cela ne m'étonnerait pas que certains débarquent en Europe ces prochaines années à l'instar de Diego Simeone à l'Atlético Madrid qui effectue un travail incroyable.

Pour conclure Marco, as-tu un message pour les supporters d'Evian Thonon Gaillard ?

Je tiens tout d'abord à les saluer et à les remercier de leur accueil durant cette année que j'ai passée en France. Je voudrais aussi leur dire que même si ce fut court, je ne les oublie pas et j'espère que l’ETG retrouvera le plus haut niveau ces prochaines années.

 

Propos recueillis par Bastien Poupat à Rosario en Argentine pour Lucarne Opposée.

Bastien Poupat