Nouvel épisode de notre série avec au menu cette semaine, un nouveau voyage. Après avoir parcouru le monde des Boca, parcourons l’Argentine littéraire et politique, celle de la grande famille des Sarmiento, du nom d’un grand homme de l’histoire du pays.

Nombreux sont les clubs à rendre hommage à de grands écrivains et intellectuels. Du Real Garcilaso qui rappelle Inca Garcilaso de la Vega, premier grand écrivain péruvien et fruit de l’union d’un conquistador espagnol et d’une princesse inca à Mariano Melgar, poète indépendantiste en passant par José Joaquín de Olmedo, poète et homme politique équatorien jusqu’aux clubs rendant hommages à des œuvres comme le Club Atlético Germinal, le football a souvent été sous l’influence de la littérature. C’est particulièrement le cas pour les nombreux Sarmiento qui peuplent le paysage argentin.

Sarmiento l’innovateur blanc

Né le 15 février 1811, Domingo Faustino Sarmiento vit une enfance pauvre à Carrascal l’un des faubourgs de San Juan, à plus de 1000 kilomètres à l’Ouest de Buenos Aires, au pied de la Cordillère et du Chili. Proche du parti unitaire dès son adolescence, enseignant lors de ses exils au Chili ou au pays (il a notamment fondé une école secondaire préparatoire pour jeunes filles à San Juan), Sarmiento est aussi père d’une œuvre artistique considérable. Domingo Sarmiento sera aussi et surtout président de la République Argentine de 1868 à 1874, période au cours de laquelle il va tâcher de mettre en place ses principes de libertés pour tous et tenter de mettre le pays sur le chemin du progrès. Si sa carrière politique n’est pas sans controverse (la brutalité de ses actions armées pour réprimer les rébellions des derniers caudillos ou ses prises de position extrêmes sur le peuple indigène n’étant que des exemples), il n’en reste pas moins que la présidence de Sarmiento, bien que peu populaire dans son ensemble à l’époque, a été l’un des tournants de l’histoire de l’Argentine. Homme de lettres, fasciné par l’Europe et la liberté de la société américaine, Domingo Sarmiento place sa gouvernance sous le signe de l’éducation du peuple au centre de toutes les préoccupations, le budget qui lui est accordé quadruplant, les établissements d’enseignement poussant aux quatre coins du pays, et miser sur le développement des libertés individuelles, ainsi que le développement des moyens de communication et de déplacement dans le pays. Il est vu aujourd’hui comme un innovateur, l’un des grands défenseurs de l’épanouissement sociologique et économique de l’Argentine et de l’Amérique Latine. Son visage orne les billets de 50 pesos argentins et sa statue trône dans la Commonwealth Avenue de Boston, il était donc logique de lui trouver des hommages jusqu’aux terrains de foot. 

Telle est la partie positive que l’histoire veut conserver. Il existe cependant un revers de la médaille bien plus sombre : la fascination pour l'Europe – en particulier l’Angleterre et la France – de Sarmiento fait de lui l'un des penseurs du « blanchiment » de la société argentine qui s'organise dès la chute de De Rosas. Elle passe par l'effacement total de toute trace des noirs dans l'histoire de l'Argentine, Sarmiento écrivant dans « Facundo o civilización y barbarie en las pampas argentinas » en 1845 que seule l’Europe est civilisée et exclut les indigènes argentins de toute civilisation. Il est ainsi l’un des penseurs de l’opération politique lancée par Juan Bautista Alberdi dans la constitution de 1853 qui vise à favoriser l’immigration blanche européenne pour remplacer une population afro-argentine associée par ces penseurs à la dictature de De Rosas et à l’invisibilisation de celle-ci. Il est ainsi l’un des penseurs de l’Argentine vue comme une nation blanche et qui a vu par exemple la population de Buenos Aires diminuer de 3000% en trois décennies…

La grande famille Sarmiento

Partir à la recherche des Sarmiento du football argentin, c’est parcourir le pays et l’ensemble des divisions. Dans les divisions inférieures et autres ligues régionales, on va trouver le Club Social y Deportivo Sarmiento de Tapalque, Sarmiento Victoria, situé dans la province d’Entre Rios, collée à l’Uruguay, ou encore le Club Atlético Sarmiento Coronel Vidal qui évolue en Liga Maipuense de fútbol, autre ligue de la province de Buenos Aires. De son côté, Sarmiento Juventud Unida se trouve au cœur du pays, à Tilisarao dans la province de San Luis et a été fondé en 1919. Il évolue dans une des nombreuses ligues régionales, en Primera Division de la Liga Futbolística y Deportiva Valle del Conlara dont les vainqueurs peuvent prétendre à l’accession en Federal C, cinquième division argentine. Si le club y parvenait, il y trouverait alors le Sarmiento Zárate basé à Buenos Aires.

Il faut aller en Federal B, l’étage au-dessus pour trouver davantage de Sarmiento. Plus au Nord, dans la province de Santiago del Estero, se trouve Sarmiento La Banda qui évolue aujourd’hui dans la Zona 11 du tournoi 2016. Situé dans la province de Córdoba, à Leones, le Club Atlético Aeronáutico Biblioteca y Mutual Sarmiento a décidé de ne pas participer au tournoi de transition 2016 bien qu’inscrit. Il en est de même pour deux autres Sarmiento. Le Club Atlético Sarmiento basé à Ayacucho, ville située à l’Est de la province de Buenos Aires. Avec 26 titres, le club est le plus titré de la Liga Ayacuchense de fútbol, remplacée aujourd’hui par l’Unión Regional Deportiva, ligue créée en 2007 et fusionnant plusieurs anciens championnats de la province. L’autre refus vient du Centro Deportivo Sarmiento qui vient lui aussi de la même province, basé à Coronel Suárez, et a été fondé en 1918 dans la Bibliothèque Popular Sarmiento.

A l’étage supérieur, en Federal A se trouve le Club Atlético Sarmiento de Resistencia, l’un des rares de la famille à avoir connu l’élite argentine. C'était en 1977 suite à son succès lors du Torneo Regional de la même année. Le Decano terminera alors à la sixième place de son groupe mais pourra se targuer d’avoir fait tomber le Racing, accroché River Plate ainsi que le futur finaliste, le Talleres de Córdoba et ses trois futurs champions du Monde Luis Galván, Miguel Oviedo et José Daniel Valencia. Mais bien évidemment, s’il est un Sarmiento bien plus connu, cela reste le Club Atlético Sarmiento de Junín.

Fondé le premier avril 1911, El Verde est, comme bien des Sarmiento, basé dans la province de Buenos Aires et est à l’heure actuelle son meilleur représentant. Situé à Junín, là où naquit un certain Osvaldo Zubeldía, d’abord Sarmiento Football Club, il prend son appellation définitive l’année de ses 22 ans. C’est avec ce club qu’un certain Daniel Passarella débute sa carrière professionnelle avant d’y être repéré par Pipo Rossi qui va l’amener à River, c’est aussi avec ce club que la carrière de Ricardo Gareca décolle quand, prêté par Boca, il termine meilleur buteur du club lors du Metropolitano 1981 et se voit alors rapidement rapatrié par les Xeneizes. Sa première heure de gloire, le club la connait dans les années 80 lorsqu’il accède pour la première fois de son histoire en Primera Division pour une pige de 2 saisons. La deuxième heure de gloire, el Verde la connait actuellement depuis qu’il a installé sur son banc Sergio Lippi, ancien défenseur qui a appris en espionnant Menotti et qui a travaillé comme scout pour Marcelo Bielsa dans les années 80. A la tête du club, Lippi va lui faire connaître deux ascensions, de la troisième division à l’élite en 3 ans. Sans Lippi, Sarmiento évoluera en Primera Division avant de retomber, mais cherchant toujours à continuer de porter le nom de son grand homme de père au plus hauts sommets de l'élite argentine.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.