Dans l’histoire du football péruvien, il est des clubs qui n’ont eu de cesse de la marquer. Après l’Alianza Lima, place aujourd’hui au deuxième géant du football péruvien, Universitario.

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L’Universidad Nacional Mayor de San Marcos est la principale université de Lima, la plus ancienne du continent américain. Doyenne d’Amérique, elle jouit d’un prestige inégalé par son mode de sélection basé non pas sur des critères socio-économiques mais sur son redoutable examen d’entrée au grand nombre de candidat et peu d’élus. C’est au sein de cette université que l’histoire d’Universitario débute.

Premiers pas et naissance d’une rivalité

Nous sommes dans les années 20, les autorités de l’université commencent à ouvrir la porte à la pratique sportive en leur sein. Quelques étudiants des facultés de lettres et de médecine décident de se réunir pour former la Federación Universitaria de Fútbol. Nous sommes le 7 août 1924, l’un des futurs géants du pays vient de naître. Parmi ses membres fondateurs, Jean Adolphe Berger, devenu Adolfo Berger, seul Européen de la troupe qui deviendra le premier entraîneur du club et Luis de Souza Ferreira, qui fera partie des huit joueurs représentant le club quelques années plus tard lors de la première Coupe du Monde et rentrera dans l’histoire du football péruvien en inscrivant le premier but de la Blanquirroja en phase finale d’une Coupe du Monde, celui de l’égalisation face à la Roumanie à Pocitos (défaite 3-1 au final), stade aujourd’hui disparu qui avait été le théâtre du premier but inscrit par Lucien Laurent (lire A la recherche de Pocitos). Il faudra attendre quatre ans pour que le club soit autorisé par la fédération péruvienne à prendre part au championnat. D’entrée, le club occupe les premiers rangs, pour sa première saison en 1928, il croise pour la première fois l’Alianza Lima.

« L’histoire du football péruvien devrait garder dans ses annales la soirée d’hier ». Ainsi débutait l’article de La Crónica le 24 septembre 1928, lendemain du premier affrontement entre Universitario et Alianza Lima. Si ce jour est encore loin du dénouement du championnat de la même année (l’Alianza Lima remportera le championnat face à Universitario lors d’un double barrage pour le titre), il lance pourtant une rivalité qui depuis n’a jamais cessé. Surnommé le « Clásico de los Bastonazos », ce premier rendez-vous entre les deux futurs géants est remporté par le jeune Universitario (but de Pablo Pacheco, l’un des membres fondateur de la U) se termine en baston générale, tribunes comprises, 5 joueurs aliancistas exclus. Le Superclásico del fútbol peruano est né.

Il faut attendre 1930 pour que le club prenne enfin son nom définitif, Universitario de Deportes, le recteur de l’Universidad Nacional Mayor de San Marcos interdisant alors l’utilisation du nom Federación Universitaria de Fútbol. Les couleurs du club ne changent pas, blanc devenu crème selon la légende à cause d’un souci lors du lavage des maillots, avec un U rouge. Champion l’année précédente, représenté à la Coupe du Monde, Universitario attend alors sa première idole.

El Lolo Fernández, la légende absolue

Elle prend forme sous les traits d’un gamin de 17 ans. Avant-dernier d’une fratrie de 8 enfants, Teodoro Fernández Meyzán est envoyé à Lima à 16 ans pour y faire ses études et y rejoint son frère Arturo qui, après avoir défendu les couleurs du Ciclista Lima (dont le nom a été évoqué dans notre article consacré aux premiers pas du football au Pérou) défend alors les couleurs d’Universitario. C’est lui qui emmène son petit frère faire un essai avec le club. Le président Plácido Galindo lui offre immédiatement son premier contrat (120 soles par mois). Teodoro fait ses preuves avec la réserve, empilant les buts et gagne le droit de faire ses grands débuts avec la grande équipe Crema le 29 novembre 1931 et inscrit son premier but. C’est le début de deux décennies de légende. Celui qui va devenir Lolo Fernández passera 23 ans au sein du club, 23 années à marquer l’histoire du football alors amateur et à écrire les plus belles pages de l’histoire du football péruvien en sélection.

Il fait notamment partie du Combinado del Pacifico, dont nous avions déjà parlé dans un article évoquant la rivalité Chili - Pérou - Bolivie, équipe mêlant péruviens et chiliens qui part faire une tournée européenne en 1933, tournée au cours de laquelle Lolo inscrit 48 buts en 39 matchs), il fait aussi partie de la sélection péruvienne qui s’envole pour les Jeux Olympiques de 1936 qui ont marqué tout un pays.

Lors des Jeux de Berlin, la sélection péruvienne est la seule équipe représentant l’Amérique du Sud dans la compétition de Football et entre dans l’épreuve en étrillant la Finlande 7-3 avec notamment un quintuplé de Fernández et un doublé de l’une des grandes stars de l’Alianza Lima Alejandro Villanueva avec qui il formera l’une des plus beaux duos de l’histoire du foot péruvien. La Blanquirroja gagne alors sa place pour les quarts de finale qui l’opposeront à l’Autriche. Mené de deux buts à la pause, le Pérou retourne le match, égalise en toute fin de rencontre pour arracher une prolongation au cours de laquelle ils font exploser l’Autriche, inscrivant 5 buts dont 3 refusés. Lolo Fernández inscrit le dernier de la victoire 4-2 qui sera annulée dans les heures qui suivent suite à une réclamation posée par l’Autriche. La légende veut que la délégation autrichienne ait été sauvée suite à des pressions du Führer en personne. Ce match est l’objet d’une énorme brouille politique, le Pérou se retire des JO et prendra sa revanche, une fois encore avec Lolo Fernández lors du Campeonato Sudamericano suivant, remportant son premier titre international, Lolo Fernández terminant meilleur buteur avec 7 buts en 4 matchs.

Le professionnalisme arrive en 1951 au Pérou. L’année suivante, l’Estadio Lolo Fernández est inauguré, la légende Crema inscrivant un triplé dans son propre stade lors du match d’inauguration opposant Universitario à l’Universidad de Chile. Les dernières foulées d’el Lolo sont proches. Le 30 août 1953, Teodoro Fernández dispute son dernier match à l’Estadio Nacional. Dernier Superclásico, dernier triplé, dernière victoire, sortie sous les ovations et les félicitations des rivaux. Son retrait du football marque la fin d’une époque, celle d’un football amateur au cours duquel sa U a remporté 7 titres nationaux.

1972, à jamais les premiers

Le professionnalisme ne brisera pas la dynamique Crema. Sacré lors de chaque décennie, Universitario connaîtra plusieurs période dorée, la plus belle restant sans aucun doute cette des années 70, celle qui ancre davantage les Cremas dans l’histoire du football péruvien. L’histoire débute à la fin des années 60 lorsqu’une nouvelle génération de joueurs brille au sein de la U. En quelques années, la U s’enrichit de jeunes pépites du football péruvien : Héctor Chumpitaz et Fernando Cuéllar en défense centrale, Percy Rojas, Juan Carlos Oblitas et Juan José Muñante devant en sont quelques exemples (certains feront partie de la sélection péruvienne championne du continent en 1975 et présente aux Coupes du Monde 1974 et 1978 lors desquels elle marquera une génération). En 1966, Universitario est sacré champion, l’année suivante, dirigé par Marcos Calderón, il réalise une campagne de Libertadores lors de laquelle les Roberto Chale et autres réussissent l’exploit de décrocher deux victoires en 48h en terres argentines (il faudra le Racing de Pizzutti pour sortir les Cremas de la course à la finale au prix d’un match d’appui – voir notre podcast). En 1969, Roberto Scarone, l’homme qui avait permis au grand Peñarol de remporter les deux premières Libertadores, s’assoit sur le banc du club. Il remportera quatre championnats et surtout mènera Universitario à une campagne de Libertadores 1972 entrée dans l’histoire du football péruvien.

Au premier tour, les Cremas sortent premier de leur groupe après avoir écarté leur grand rival Alianza Lima et deux chiliens, Universidad de Chile et Unión San Felipe. Le second tour s’annonce terrible, Universitario se retrouve avec deux géants uruguayens, Peñarol et le champion sortant Nacional. Le grand souci de Scarone c’est qu’au même moment, la sélection péruvienne de Lajos Baróti entame un nouveau cycle et part en tournée passant notamment par l’Europe. Avec elle, plusieurs joueurs dont Héctor Chumpitaz, Juan José Muñante, Percy Rojas et Héctor Bailetti. C’est donc une équipe composée de quelques réservistes qui va se rendre en Uruguay et réussir deux exploits (nous en parlions lors d’un article concernant Pedro Aicart Iniesta : le premier Iniesta du Barça). Le premier sera d’accrocher le Nacional, grâce notamment à un triplé d’Oswaldo Cachito Ramírez, le second, quatre jours plus tard, sera un nouveau résultat nul face à Peñarol. Ces deux résultats envoient Universitario en finale face à Independiente. Pour la finale, les internationaux sont de retour mais Independiente décroche le nul à Lima avant de s’imposer au retour à la Doble Visera. Qu’importe l’absence de titre, Universitario devient alors la première équipe péruvienne à atteindre une finale de Libertadores, il faudra attendre 25 ans pour qu’un tel exploit se reproduise avec le Sporting Cristal en 1997.

Depuis, Universitario n’a cessé de glaner des titres et de poursuivre sa quête d’accessits continentaux. Demi-finaliste de la Copa CONMEBOL 1997, éliminé par l’Atlético Mineiro de Tafarel, futur vainqueur, la U va connaître une entrée dans le XXIème siècle plus compliquée, alternant les titres comme l’Apertura 2002, une énorme crise financière, une relégation évitée de justesse en 2011, année où les moins de 20 ans décrocheront la première Libertadores de la catégorie et qui se terminera tout de même sur un quart de finale de la Sudamericana avant d’aller décrocher un nouveau titre de champion en 2013 et de remporter l'Apertura en 2016. Preuve qu’un géant ne peut jamais mourir.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.