Dans l’ombre des géants mexicains, deux clubs rivalisent pour venir prendre place en empilant les titres. Après Toluca, place à Pachuca, l’autre géant du XXIème siècle mais aussi graine du futur du football mexicain.

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Le doyen

15 décembre 2001, finale retour de l’Invierno, alors que le Volcán espère encore un but qui lui donnera le titre, il va être éteint par une merveille signée Walter Silvani, un Argentin trentenaire arrivé quelques mois plus tôt à Pachuca. Ce 15 décembre, le Gol del Centenario de Silvani offre aux Tuzos le but du titre, le second de leur histoire, l’année de leur centenaire. Enfin pensait-on.

Car pendant de longues années, le Club de Fútbol Pachuca était né au Mexique un jour de novembre 1901 sous le nom de Pachuca Athletic Club créé par des migrants britanniques de la Compañía Real del Monte y Pachuca. Jusqu’à ce que sa paternité soit réellement mise à jour. Première étape, des documents montrèrent que le Pachuca Athletic Club était finalement né de la fusion de trois autres clubs, Pachuca Cricket Club, Velasco Cricket Club et Pachuca Football Club. C’était le 28 novembre 1895 lors d’une réunion tenue à la Hacienda La Luz à laquelle participait notamment Francis Rule, devenu Francisco, migrant anglais venu s’installer et chercher fortune au Mexique à 17 ans. Pachuca vieillissait ainsi de six ans, ce n’était qu’un début. tworepublic1892Un début puisque quelques années après, en parcourant les archives de The Two Republics, journal distribué à Mexico, deux articles vont tout changer. Tous deux datent de novembre 1892 et évoquent pour le premier, la réunion annuelle du Benevolent Club de Pachuca où il est fait le premier rapport de l’histoire du Mexique d’un match de football, pour le deuxième, la future création d’un club de football à Pachuca. C’est ainsi que le 2 décembre 1892 va devenir la date de naissance officielle du Pachuca Football Club, futur Club de Fútbol Pachuca, et premier club du pays.

Quelques années plus tard, Pachuca fait partie des créateurs de la Liga Mexicana de Football Amateur Association (avec Orizaba Athletic Club, Reforma Athletic Club, British Club et le México Cricket Club), première ligue nationale au pays qui sera pendant près de 20 ans le championnat amateur numéro 1 au Mexique jusqu’à la création de la fédération et du championnat qu’elle organisera en 1922. Pachuca remportera trois titres, il ne fera pas partie du Campeonato de Primera Fuerza de la FMF qui lui fait suite, lourdement touché par la crise minière qui entraîne un départ massif de ses joueurs. L’histoire de Pachuca se met alors quelque peu entre parenthèses, elle reviendra avec le professionnalisme et la création de la Segunda División en 1950. Le doyen fait ainsi son retour, il va attendre près d’un demi-siècle pour s’installer parmi les grands. Il faudra en effet attendre 18 ans pour que Pachuca découvre l’élite mexicaine, remportant la Segunda División en 1967, mais n’y effectuera qu’une courte pige de cinq ans. Les décennies suivantes voient le club faire deux allers-retours dans l’élite, il ne fait qu’attendre la fin des années 90 pour briller.

L’équipe du XXIème siècle

En 1998, Pachuca décroche la quatrième montée de son histoire dans l’élite mexicaine. Ce sera la bonne. Pour l’Invierno 98, le club nomme Javier Aguirre sur son banc et continue de se renforcer afin d’éviter rapidement la relégation. Sous la direction d’El Vasco le club change de catégorie. Il décroche la première Liguilla de son histoire, elle sera historique à plus d’un titre. Car sur la route des Tuzos vont s’amonceler les victimes de la bande à Aguirre. Morelia tombe en reclasificación, Toluca en quarts, Atlas en demie, la grande finale oppose Pachuca à Cruz Azul, elle va acter la notion de cruzazulear. Car après un 2-2 à l’Estadio Hidalgo de Pachuca, alors qu’on se dirige vers la prolongation au retour, un dernier ballon parti d’Óscar Pérez et remonté telle une Bulgarie au Parc des Princes en 1993 termine sa course dans les pieds d’Alejandro Glaría qui contrôle et se retourne pour marquer le seul but de la rencontre. El gol de oro donne à Pachuca son premier titre, le club ne va pas le laisser sans lendemains.

L’année suivante, le club digère son titre et se montre irrégulier, rate son Verano mais se hisse en quarts de l’Invierno. L’année du centenaire (ou presque donc) débute par une tragédie, le décès de Pablo Hernán Gómez, l’homme clé du titre de 1999, se poursuit par une finale perdue face au Santos Laguna de Borghetti et voit le départ de Javier Aguirre, parti au chevet de la sélection mexicaine. Alfredo Tena s’assoit alors sur le banc de touche du club, il débute par le fameux Gol del Centenario de Silvani et ouvre un cycle exceptionnel. Absent de la Liguilla lors du Verano 2002, les Tuzos « se vengent » en décrochant leur première CONCACAF Champions' Cup, future CONCAChampions avec un duo d’attaque Walter Silvani – Juan Arango. L’arrivée de Vucetich sur le banc, lors de l’Apertura 2003, permet au club de décrocher son troisième titre, une nouvelle fois face à Tigres. Pachuca devient alors une valeur sûre du championnat mexicain, chaque nouveau cycle d’un entraîneur se terminant par un titre (ou presque) avec le cycle Enrique Meza comme apogée. En 2006, après avoir remporté le Clausura sous la direction de José Luis Trejo, Enrique Meza arrive à la tête du club et débute par une série de cinq défaites. Confirmé par ses dirigeants, El Profe qui a été l’homme clé des titres de fin de XXème siècle de Toluca, rebondit avec la participation de Pachuca à la Copa Sudamericana. Tour à tour, les Tuzos d’Andrés Chitiva, Juan Carlos Cacho et autres Christian Giménez  s’offrent les scalps de Tolima, Lanús et l’Atlético Paranaense puis décrochent une finale face au Colo-Colo de Claudio Borghi, Arturo Vidal et son trident Matías Fernández – Alexis Sánchez – Humberto Suazo. Accroché chez lui, Pachuca réalise un exploit en s’imposant au Nacional au retour, il devient alors le premier et seul club au monde à décrocher une couronne continentale en dehors de sa confédération, il restera à jamais le premier et unique mexicain à remporter une compétition organisée par la CONMEBOL.

La suite devient folle. A nouveau Superlíder lors du Clausura 2007, Pachuca s’impose en finale face à l’América, montrant que la malédiction ne le concerne pas. Dans la foulée, les Tuzos décrochent les deux dernières CONCACAF Champions' Cup de l’histoire (face à Chivas puis Alajuelense) et une Superliga Nord-Américaine. En trois années au club, Enrique Meza lui a donc permis de remporter quatre titres continentaux et un titre de champion national. Pachuca se hisse alors au niveau des géants locaux, il est en course pour devenir le meilleur club mexicain du XXIème siècle, lutte acharnée menée avec Toluca. D’autant que Pachuca ajoute une quatrième CONCAChampions à son palmarès en 2010 et attend ensuite six ans pour retrouver une couronne nationale en s’imposant lors du Clausura 2016, les Tuzos égalant alors les 5 titres de Toluca décroché durant ce début de siècle. Reste que depuis l’entrée dans le XXIème siècle, Pachuca a décroché 10 titres. Personne n’a fait mieux.

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L’avenir du football mexicain

Mais le club d’Hidalgo ne se contente pas de trophées, il mène en parallèle une véritable politique de formation. En 2001, à 5 kilomètres de Pachuca est inaugurée l’Universidad del Futbol y Ciencias del Deporte. Elle va servir de centre de formation du club. Il développe aussi ses écoles à travers le pays, comptant ainsi près de 70 000 enfants répartis dans les 300 écoles aux quatre coins du pays. Le lien entre Pachuca et l’Universidad del Futbol est tel que le projet est global. Des u13 jusqu’à la A, le plan de travail est le même. Conséquence, Pachuca alimente non seulement son équipe première, il fournit l’essentiel des jeunes internationaux mexicains. Interrogé par Marca, Marco Garcés, directeur sportif du club, aime à rappeler « il y a 47 joueurs dans les équipes de jeunes des sélections mexicaines. 70-80% d’entre eux sont de Pachuca. » Entre les mains des formateurs Tuzos sont ainsi passés des joueurs comme Héctor Herrera (vendu 8M€ à Porto, record du football mexicain). En 2017, le club brille emmené par son duo Erick Gutiérrez – Hirving Lozano, ses deux derniers diamants appelés alors à s’envoler rapidement vers l’Europe. C’est sur eux que le club va s’appuyer pour décrocher la cinquième CONCAChampions de son histoire en triomphant des Tigres de Gignac et consort. Le duo s'envolera ensuite pour l'Europe, Pachuca s'offira une troisième place au Mondial des clubs. Et attends désormais les héritiers. Car Pachuca reste la preuve que l’on peut être le doyen du football mexicain et avoir un sang toujours aussi jeune qui coule dans ses veines.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.