Il y a 105 ans aujourd’hui, le Cerro Porteño était créé au Paraguay. En ce jour anniversaire, l’occasion était idéale de rappeler l’histoire d’une institution au Paraguay et sur le continent.

Symbole de l’union nationale

Le football arrive au Paraguay au tous débuts du XXe siècle, importé par un hollandais, William Patts (lire Racines ancestrales et nouvelle génération dorée : à la découverte du Paraguay). La première décennie est celle des fondateurs, d’Olimpia à Guaraní en passant par Libertad et le Nacional, les premiers clubs à disputer le championnat naissant. Le 1er octobre 1912, dans la maison de Doña Susana de Núñez, ses quatre fils et d’autres amis se réunissent pour fonder un club qui correspond à leur idéal de club du peuple et se basant sur deux valeurs, « lucha y unión. » La lutte vient de son nom, une bataille menée en 1811 par les forces paraguayennes contre les porteños, les hommes de Buenos Aires à proximité du Cerro Mbae renommé alors Cerro Porteño, devenu alors place symbolique de la résistance guaraníe.  « Unión » car Doña Susana choisit deux couleurs destinées à marquer la fraternité au pays, le bleu et le rouge, les symboles des deux grands partis politiques du pays, Colorado et Liberal, le short blanc permettant de rappeler la troisième couleur du drapeau national.

Le club ne tarde pas à briller. 10 mois après sa création, il remporte son premier titre national. Sur les neuf championnats qui seront disputés au Paraguay jusqu’à la guerre civile, le Cerro remporte quatre titres, il devient Ciclón en 1918 lorsqu’il décroche le titre en finale face au Nacional en marquant quatre buts dans les sept dernières minutes du match alors qu’il était mené 2-0. Le football professionnel s’installe en 1935, une fois la Guerre du Chaco terminée. Le Cerro en est son premier champion. Depuis, il brille lors de chaque décennie, signant notamment deux tricampeonatos (1939-40-41 et 1972-73-74), ne laissant aucune décennie sans remporter au moins un titre de champion. Sur le continent, le Cerro Porteño devient rapidement une valeur sûre du pays même si, comme au palmarès national, il reste dans l’ombre d’Olimpia.

L’ombre du doyen

Le Decano est de loin son plus grand rival, leurs affrontements lors des Súperclásicos embrasant le pays. Olimpia mène 40 titres à 32 mais surtout est le seul Paraguayen à avoir remporté la Libertadores (à trois reprises) quand le Cerro pointe à 6 demi-finales (la dernière en 2011), auxquelles il faut ajouter 2 demi-finales de Sudamericana (la dernière en 2016). Le premier Súperclásicos de l’histoire se déroule en 1913 et sera remporté par le Cerro Porteño. Rapidement, le Cerro Porteño devient le club du peuple qui viendra lutter contre le club de l’élite Olimpia. La rivalité, centenaire, jalonne l’histoire du football paraguayen. Ce choc offre ainsi aux amateurs de foot une multitude d’anecdotes croustillantes la plus belle restant celle du "Clásico de la Burla" (le Clásico de la moquerie) de 1969, le premier en Copa Libertadores au cours duquel Miguel Ángel Sosa va dribbler la défense d’Olimpia, éliminer le gardien d’Olimpia puis s’assoir sur la ligne, attendant le retour du portier du Decano pour marquer le but du 2-1. Au-delà des anecdotes, l’un des plus anciens clásicos du continent est aussi probablement le plus serré. En atteste le bilan chiffré : 149 victoires à 147 pour Olimpia, 125 matchs nuls, 582 buts pour Olimpia, 568 pour le Cerro Porteño. Là encore, Olimpia reste devant. Mais il est un domaine où le Cerro Porteño peut se vanter d’être devant, c’est sur celui de la formation.

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Le nouveau Paraguay

Si Olimpia et Guaraní sont à juste titre considérés comme les pères fondateurs, le Cerro est aujourd’hui le principal carburant fourni au moteur de la sélection. En 1992, le club récupère un terrain à Ypané, il va y bâtir son Parque Azulgrana, centre de formation qui au début s’étalait sur 6 hectares pour aujourd’hui occuper un espace de 15 hectares et au sein duquel se développe le projet « Parque Azulgrana, donde la Gloria Comienza. » Le Cerro fait appel à des compétences étrangères, assure des passerelles avec les pros. En 2011, Mauro Pederzoli, ancien du centre de formation du Milan AC, pose ses valises au Parque Azulgrana où les jeunes sont encadrés par des techniciens mais aussi des nutritionnistes, des psychologues… Gustavo Florentín, ancien entraîneur des u15, prend les rênes de l’équipe A en 2015 – 2016, emmenant quelques-uns des gamins issus du centre en demi-finale de la Sudamericana, éliminé sans perdre par l’ogre Atlético Nacional. Cette politique de formation qui s’étale sur plus de 20 ans rejaillit sur la sélection nationale, la pourvoit en talents. Si l’étoile annoncée Juan Iturbe a encore le temps de démontrer qu’il n’est pas qu’une comète, nombreux sont les joueurs de moins de 24 ans, issus du Parque : l’exceptionnelle machine à perforer Miguel Almirón, la machine à dribble Josué Colmán, le buteur Angel Romero, les diamants Óscar Romero et Sergio Díaz. Le premier a été adoubé par Juan Román Riquelme en personne lorsqu’il évoluait en Argentine (« Le Racing a un 10 qui possède une classe folle, j’espère qu’il pourra profiter de notre football et que nous pourrons en profiter pour le voir. A chaque match qu’il joue, j’ai envie de le regarder »), le second, dont le portrait est sur LO, est l’équivalent paraguayen de Kylian Mbappé sur le plan des attentes et de l’emballement médiatique. Ayant battu tous les records de précocité, le garçon de 19 ans, dont l’idole est Sergio Agüero à qui il est souvent comparé, est déjà chez les jeunes du Real Madrid avec qui il a participé à la dernière présaison et fait désormais ses gammes en D2 espagnole. Ils continuent de démontrer l’importance du Cerro Porteño sur le football paraguayen. Lors du Tournoi de Toulon 2016, huit des 20 sélectionnés paraguayens venaient du Cerro Porteño.

Depuis, le club ne cesse de se développer, l’inauguration récente de son stade, la Nueva Olla, totalement rénové et qui, avec ses 45 000 places devient le plus grand stade du pays, attestant de l’ambition toujours intacte de son propriétaire de toujours construire le nouveau Paraguay. Preuve aussi que l’on peut être centenaire et toujours aussi jeune.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.