La MLS ne cesse d'avancer que ce soit en termes d'audience et d'aura sur la planète football. Dans son ombre, la NASL a sacré un champion 2017 amené, comme elle, à disparaître. Car aux USA, le soccer est aussi l'objet d'une guerre interne entre ligues fermées et irréconciliables.
Quand la fédé relègue une division à l’étage inférieur
Si vous vous intéressez au football aux USA, vous avez probablement déjà entendu parler de clubs comme le légendaire New York Cosmos ou le Miami FC d’Alessandro Nesta. Ceux-ci néanmoins ne font pas partie de la MLS, l’élite américaine, ni de l’USL (United Soccer League), la seconde division étasunienne, seule ligue affiliée à la MLS. Ils forment, avec six autres clubs cette saison, la North American Soccer League ou NASL, qui reprend le nom de l’élite américaine des années Pelé (lire Pelé l'américain). Créée en 2011, la nouvelle NASL visait à l’époque de concurrencer la MLS. Malheureusement, elle n’est jamais arrivée proche de son niveau. En cause, d’une part le fait que ses meilleures équipes finissaient par rejoindre la MLS (Montréal Impact, Minnesota Stars) quand les autres filaient vers l’USL (avec l’envie d’intégrer la MLS par la suite), comme ce fut le cas des Tampa Bay Rowdies et ou des Ottawa Fury. La plupart s’arrêtent souvent avec le temps, car la ligue a connu des difficultés financières depuis sa création ; la saison dernière comptait 12 équipes, celle-ci seulement 8.
C’est le cas des récents champions 2017, les San Francisco Deltas, qui ne reprendront pas la saison prochaine, faute de moyen. En finale face au New York Cosmos, le club qui se voulait une « start-up du soccer » a gagné ce qui sera le seul trophée de leur courte vie, et peut-être bien le dernier trophée NASL. C’était pourtant un club innovant ; le président Brian Andres Hemick avait voulu coller à l’identité de SF, en écoutant l’avis des fans comme beaucoup de jeunes start-ups installées dans la ville. Il avait notamment renoncé à une campagne publicitaire de grande ampleur pour se concentrer sur un bouche-à-oreille visant les potentiels fans : « On a besoin de les voir, les toucher, les prendre dans nos bras, prendre une bière avec eux et vraiment écouter pour être sûrs que nous faisons ce qu’ils souhaitent » disait-il en 2016. Malgré 4000 fans au match d’inauguration, le Kezar stadium n’a vu que 2000 spectateurs en moyenne et le club a perdu plusieurs millions de dollars même si joueurs et staff furent bien payés comme il se devait. L’ultime camouflet vint lors de la finale, où 10 000 places furent distribuées, mais où seulement un peu moins de la moitié des détenteurs de tickets se sont rendus au stade pour voir les joueurs de Marc Dos Santos, ancien de l’Impact, soulever le trophée.
Mais là n’est que le début du problème. Pour la saison prochaine, la Fédération des Etats-Unis de Soccer (USSF) a décidé de dévaluer la NASL de son statut de Division 2 à un statut de Division 3, laissant seulement l’USL à cet échelon. La raison ? La NASL ne répond pas aux critères PLS (Standards de Ligues Professionnelles) de la Fédération, par exemple de ne pas avoir 12 équipes de trois fuseaux horaires différents. Ce n’a pas posé de problèmes cette saison, car l’USL ne respectait elle non plus les PLS, mais alors que cette dernière s’est mise à jour, la NASL est toujours gangrénée de défauts.
La réponse a été rapide : la NASL a annoncé que son nouveau statut causerait un « mal irréparable » et qu’elle mettrait à termes ses clubs, joueurs et propriétaires sur le carreau, avant de poursuivre la Fédération en justice, l’accusant notamment de favoriser la MLS et l’USL en leur laissant le monopole du soccer étasunien. Cependant, la première audition n’a pas été un succès et même si le procès est toujours en cours, il semblerait que la NASL ne retrouvera pas son statut de Division 2 l’année prochaine.

La pyramide du Soccer Américain telle qu’elle l’était cette saison
Guerre entre ligues privées (et fermées)
Il faut dire que les instabilités dont la NASL souffre ne viennent pas seulement de la ligue elle-même. La MLS a elle aussi joué les méchants en essayant de saboter le développement de sa petite sœur. La création récente d’Atlanta United a mis complètement fin au Atlanta Silverbacks qui avaient un succès important en NASL, champion en 2013, mais ne pouvaient évidemment pas entrer en compétition avec une franchise MLS. Ils jouent maintenant en National Premier Soccer League (NPSL) au niveau amateur donc. Les exemples sont nombreux. Nous passerons aussi sur les rumeurs qui visent les Cosmos, accusant New York City FC de vouloir les racheter pour les fermer, afin d’évoquer l’histoire des San Antonio Scorpions qui est, elle aussi, cruelle.
Ils rejoignent la ligue en 2012, mais ils doivent la quitter en 2015 malgré d’excellents résultats sportifs. La raison ? La Major League Soccer avait dit aux propriétaires des Spurs de San Antonio (une équipe de NBA) qu’il y avait une opportunité claire pour une entrée dans la ligue, s’ils créaient d’abord une équipe USL et qu’ils gagnaient les droits du Toyota Fields, stade où jouaient les Scorpions. Chose qui fut alors faite et les Scorpions n’eurent pas d’autres choix que de disparaître, incapables de s’aligner sur le prix demandé par les Spurs. Est-ce que cette histoire avait été planifiée par la MLS ? Beaucoup pensent que oui et le pire est à venir. Car l’équipe d’USL, le San Antonio FC, pourrait ne jamais voir la MLS si le Columbus Crew se voit délocalisé à Austin. Peut-être la MLS n’avait jamais dans ses plans la venue de San Antonio en MLS et voulait juste affaiblir davantage la NASL. Autre exemple, la trahison de North Carolina, qui a récemment été révélée aux yeux du public. Lorsque la NASL a rempli leur formulaire d’inscription pour la saison 2018, la ligue avait entériné le maintien d’une franchise qui comptait, éliminée en demi-finale cette saison par les Deltas. Le propriétaire Steven Malik étant digne de confiance, il était même pressenti pour devenir le commissaire de la NASL, rien que ça. Cependant, le 16 novembre dernier, Malik a annoncé que sa franchise quittait la NASL pour rejoindre l’USL afin lui aussi à terme de rejoindre la MLS.
Au cœur du débat, se pose aussi la problématique de ces ligues fermées sans aucune connexion et donc de savoir si un système de promotion/relégation (le fameux #ProRelForUSA qui anime les réseaux sociaux), ne pourrait pas être la solution. Le débat fait et fera toujours rage de l’autre côté de l’Atlantique. Selon certains, c’est le chainon manquant pour avoir une compétition équitable et éviter que des clubs disparaissent. Selon d’autres, c’est à éviter car cela effraierait les futurs investisseurs que la Major League Soccer affectionne tant. Les discussions sont féroces sur le sujet, et si l’état des choses ne devrait pas changer sur le sujet, les troubles que cause la NASL remettent naturellement le sujet sur la table. C’est donc dans un climat de guerre ouverte entre ligues privées et fermées que plusieurs championnats coexistent aux USA avec, une MLS et une USL qui ne veulent pas laisser d’air libre à la NASL pour qu’elle prenne un an pour se reconstruire. Dans les règlements de l’USL par exemple, il est dit qu’une équipe ne peut rejoindre une autre ligue que deux ans après son départ. Même s’il est vrai que la MLS a tout fait pour fermer la NASL, cette dernière est tout aussi responsable de ses problèmes. La North American Soccer League 2.0 n’allait probablement pas survivre à cause de ses instabilités. Les revenus sont le principal problème et, dans une ligue sans plafond de salaire, cela créé de grosses différences de niveau, prouvées par le richissime Miami FC qui a gagné cette année les deux phases de championnat, avant finalement de perdre en demi-finale de play-offs.

Derniers soubresauts
Fin 2017, la NASL a différentes options qui s’offrent à elle. Elle pourrait faire appel et se diriger vers un tribunal sportif de plus hautes instances, mais la situation prendrait plus d’ampleurs et deviendrait un procédé plus long, ce qui signifierait qu’il n’y aurait pas de saison prochaine. Elle pourrait aussi former une ligue indépendante, qui ne serait pas sous la juridiction de la Fédération, mais les clubs ne pourraient alors pas jouer en Lamar Hunt Cup (Coupe des USA où toutes les divisions se croisent et qui a vu en 2017 comme en 2016 un représentant de la NASL se hisser en quarts) et elle n’a probablement pas les fonds nécessaires pour cela. La dernière option pourrait être d’accepter la rétrogradation en Division 3, mais ce serait improbable. Certains clubs préféreront sûrement rejoindre la USL, qui ne cesse de grandir, comme North Carolina FC qui a décidé de franchir le pas dès cette année ; Indy Eleven, avec ses 8.000 spectateurs en moyenne, pourrait y voir une bonne option (voir tableau ci-dessous). Des équipes comme Jacksonville Armada ou Puerto Rico FC seront contraintes de rejoindre la nouvelle Division 3, NISA, ou juste de disparaître. C’est la dernière option qu’a récemment annoncé le FC Edmonton, même si ces derniers pourraient revenir dans la nouvelle Canadian Premier League.

Tableau comparatif des audiences moyennes des clubs d’USL/NASL.
Cependant la NASL tient toujours debout, notamment grâce aux New York Cosmos et Miami FC, deux équipes qui ont tenu à elles seules la ligue ces dernières années. Ces deux-là ne survivront probablement pas la fin de la ligue, même si elles sont dans des situations diamétralement opposées. Les Cosmos ont connu des difficultés financières et leurs recherches pour de nouveaux propriétaires n’ont pas abouti. De l’autre côté, Miami est la propriété de Riccardo Silva, un milliardaire italien, qui a réussi à attirer de gros noms (Nesta sur le banc, Poku sur le terrain) et qui est un des plus grands défenseurs de la promotion/relégation en MLS. Son club a même porté sur son maillot un message disant « Open Soccer » pour leur dernier match de la saison. Cela laisse penser qu’ils n’arriveront probablement pas en MLS ou en USL. Mais ces deux équipes ont toujours foi en la NASL. Car de nouvelles équipes arrivent. Avant que la NASL a eu des soucis avec la Fédération, deux projets concrets d’expansion existaient, six potentiels montraient le bout de leur nez.
Les deux projets aboutis sont le 1904 FC, l’équipe de San Diego, qui compte parmi ses propriétaires Demba Ba, Eden Hazard, Moussa Sow et Yohann Cabaye, et le California United, une équipe basée à Orange County. Cependant ces deux équipes pourraient se rediriger vers la USL si la ligue ne regagne pas la Division 2, ou pourraient disparaître sans avoir joué un match, même si aucun des deux parties ne s’est publiquement exprimé pour le moment. Les six autres projets sont, pour la plupart d’entre eux, des clubs de NPSL (Division 4, où joue la réserve des Cosmos) comme Hartford City FC, Boston City FC, FC Arizona, Boca Ranton FC, Detroit City FC, Virginia Beach City FC et les New-Orleans Jester. Mais ces huit projets seront très probablement insuffisants pour sauver une ligue entière, et Miami, New York, Jacksonville, Indianapolis et Puerto Rico sont dans l’attente.
La petite mort
Ces dernières semaines, le futur de la ligue s’est davantage assombri. Du côté des franchises, Indy Eleven, la franchise qui comptait le plus de spectateurs, a décidé de rejoindre North Carolina en USL et le propriétaire de Jacksonville Armada a annoncé que sa franchise jouerait en 2018 et « que la NASL pouvait, ou non, jouer avec lui ». En attendant plus d’avancées sur le projet de la Canadian Premier League, le FC Edmonton a décidé de s’arrêter. Les principaux acteurs de la ligue, entraîneurs et joueurs, sont aussi en train de quitter le navire en péril. Le talentueux Giovanni Savarese a rejoint la Major League Soccer et les Portland Timbers, pendant que le nom de Marc Dos Santos, qui a réussi à construire une équipe compétitive en un an à San Francisco, a été murmuré pour divers franchises de MLS. Alessandro Nesta a quant à lui décider de se retirer de son rôle à Miami pour retourner en Italie. Les meilleurs joueurs sont aussi partants vers de meilleurs horizons, où ils sont certains de jouer en 2018. La MLS et Dallas ont récupéré Jimmy Maurer, le portier des Cosmos, et le meilleur buteur de la ligue, Stefano Pinho (Miami FC) a signé à Orlando. C’est cependant Cincinnati, une franchise d’USL qui aspire à la MLS (lire MLS : l'expansion se poursuit) qui est allé chercher le plus de joueurs en NASL pour son équipe. Emanuel Ledesma (NY Cosmos), Emery Welshman (Puerto Rico FC), Tommy Heineman (SF Deltas) et Tyler Gibson (SF Deltas) ont tous rejoint la franchise de l’Ohio.
La NASL est-elle donc entrée en phase terminale ? Le seul signe de vie que la ligue a donné ces derniers jours est une annonce indiquant que son calendrier s’alignerait désormais sur celui des ligues européennes, avec un championnat débutant donc en août et se terminant en mai (quand MLS ou USL commencent aux alentours de mars pour se terminer en novembre). Peut-on ainsi parler d’avancée, ce type de calendrier est souvent spéculé pour les ligues étasuniennes ? Il semble surtout que ce soit un trompe-l’œil, une stratégie pour se laisser le temps de trouver de nouvelles franchises d’ici août prochain plutôt que mars. En définitive, on ne peut que souhaiter bonne chance à la ligue pour trouver de nouveaux propriétaires.Car avec neuf équipes parties en deux ans et la fuite de ses cerveaux, la ligue n’a jamais plus ressemblé à un investissement empoisonné et n’a jamais été aussi proche de la fin.


