Après la défaite contre l’Italie malgré un jeu offensif et technique, le football brésilien à se remet en question et adopte une posture plus défensive, signifiant la fin du « futebol-arte ».
Dans des proportions et un contexte différents du Maracanaço, la tragédie de Sarrià est un drame au Brésil. L’épidémie de grippe en 1982 est ainsi nommée « Paolo Rossi » et la défaite contre l’Italie est comparée à un enterrement. Pour Jornal do Brasil, le poète Carlos Drummond de Andrade écrit : « Quand l’arbitre a sifflé la fin du match perdu, j’ai vu des gens pleurer dans la rue, j’ai vu des hommes et des femmes frapper le sol avec haine les papiers vert et jaune qui étaient encore jusqu’à peu sacrés, j’ai vu des alcooliques inconsolables qui ne savaient plus pourquoi ils trouvaient du réconfort dans la bouteille, j’ai vu des jeunes hommes et femmes fêter la défaite pour ne pas cesser de fêter quelque chose, car leur cœur était programmé pour la joie. […] J’ai vu la tristesse des agents publics de nettoyage et des concierges d’immeubles retirer les débris de l’espoir, j’ai vu tant de choses, j’ai ressenti tant de choses dans les âmes. Et j’en viens à la conclusion que la défaite, pour laquelle nous ne sommes jamais préparés, de tant refuser de l’admettre au préalable, est au final un instrument du renouvellement de la vie. […] La Coupe du Monde 1982 est terminée pour nous, mais le monde n’est pas fini. Ni le Brésil avec ses douleurs et ses richesses ». Le photographe Reginaldo Manente capture pour Jornal da Tarde l’essence de la défaite en photographiant un enfant, maillot de la Seleção sur le dos, en train de retenir ses larmes.
Épisode 1 : Telê Santana prend en main la Seleção
Dans son avant-dernière chronique au cours du Mondial, le joueur de la Roma Falcão écrit pour Folha da Tarde : « Je ne me suis jamais senti aussi triste dans ma vie. J’ai pleuré comme un enfant et les autres joueurs pleuraient aussi, le vestiaire était devenu un enterrement. […] Quand le match s’est terminé, Conti est venu me consoler. Il était triste pour moi, on aurait même dit que l’Italie avait perdu. J’ai retiré mon maillot et je lui ai donné, puis j’ai quitté le stade avec le maillot de l’Italie, en hommage à mon ami. L’amitié entre les joueurs a été notre plus grande victoire lors de cette Coupe du Monde. Quand Sócrates a terminé son discours hier, Júnior a dit que nous pleurions tous aussi car un groupe si uni allait se séparer ». Dans son livre Brasil 82, o time que perdeu a Copa e conquistou o mundo, Falcão complète : « Le lendemain du match, nous avons été libérés pour nous promener dans la ville, faire des achats ou une visite. Presque personne n’a voulu sortir. J’ai déjeuné avec Pedrinho et Júnior, mais je n’ai presque rien mangé. Je me souviens que Sócrates, qui s’est beaucoup entretenu pendant la préparation et la Coupe du Monde, a recommencé le lendemain de la défaite à boire des bières et à fumer, même devant Telê, qui détestait cela ».
Une équipe inoubliable
Par son charisme sur et en dehors du terrain, son style de jeu et ses éclairs de génie, Sócrates est le symbole de cette Seleção si brillante. Un an après la défaite, celui qui avait déclaré « Je ne suis sûr que d’une chose : je serai champion du monde en 1982. Coûte que coûte » et qui rêvait de remporter le titre pour donner encore plus de lumière à son club et à la Démocratie corinthiane mise en place, explique pour Placar : « J’ai réussi à évacuer seulement deux heures plus tard, à l’hôtel, quand nous avons fait une réunion et j’ai remercié tout le monde pour la solidarité et le travail. Seulement là j’ai pu pleurer, tout le monde pleurait. Cela a été le moment le plus triste de ma vie, pas seulement dans le football. […] J’ai attendu la Coupe du Monde pendant sept ans, j’ai reporté la pratique de la médecine pour la Coupe du Monde. En 1982, cela a peut-être été la seule fois où j’ai accepté de me sacrifier pour effectuer un travail. Je me suis isolé de tout, je me suis aliéné, j’ai fait des concessions, comme rester isolé pour une préparation de trois mois, simplement pour être ici, matérialiser un rêve ».
Épisode 2 : Derniers préparatifs avant la Coupe du Monde
Dans le livre Docteur Socrates d’Andrew Downie, le Doutor revient des années plus tard sur l’élimination et la réaction de Telê Santana : « La douleur se lisait sur son visage, mais il a tout fait pour nous consoler. Il nous a attendus au bord du terrain et nous a tous remerciés. Dans le vestiaire, certains pleuraient, d’autres souffraient en silence. Lui regardait vers l’horizon et paraissait calme. Non qu’il ne souffrît pas. J’aurais voulu le serrer dans mes bras, le protéger, mais je n’en avais pas la force. J’ai à nouveau pensé à mon père. Je me disais qu’ils devaient souffrir autant l’un que l’autre. C’est surtout pour eux que j’avais de la peine, mais les larmes ne venaient pas. Je me sentais anéanti, impuissant face à ce qui venait de se produire. Je n’ai vraiment compris ce que ce sentiment signifiait qu’à la mort de mon père, des années plus tard. J’aurais voulu faire des miracles et le ramener à la vie, tout comme j’aurais voulu reconquérir ce titre de champion du monde pour l’homme qui le méritait le plus ». Malgré sa peine, Telê tente de consoler ses joueurs, comme le rappelle Falcão : « Lors de ce triste jour qui a suivi le désastre de Sarrià, il a fait preuve de grandeur. Il a remercié tout le monde et a dit quelque chose qui nous a beaucoup marqués : “Rentrez au Brésil l’esprit tranquille, car vous avez pratiqué le meilleur football du tournoi et le monde entier a applaudi notre équipe”. Les félicitations de Telê ont un peu atténué la désillusion ».
Telê Santana est pourtant critiqué au Brésil, notamment pour son entêtement, dans le choix des joueurs et du système de jeu. Dans sa chronique pour Jornal do Brasil, João Saldanha écrit : « La Coupe du Monde n’était pas difficile à gagner, mais l’entêtement a tout dépassé. Culpabiliser Serginho serait une erreur. Le joueur n’est pas responsable de l’obstination évidente dès le premier match. Je ne peux pas ne pas dire qu’il a manqué un peu de modestie quand le score était à 2-2. L’équipe italienne était meilleure que nous physiquement, elle a été plus agressive et a pu gagner. Patience. Mais la stupidité a une limite de tolérance ». Telê est cependant félicité par son homologue italien Enzo Bearzot : « Les Brésiliens ont été parfaits. Tactiquement, ils ont fait un match sans erreur, ils ont occupé tous les espaces du terrain avec un jeu collectif et solidaire ». Après sa dernière conférence de presse en Europe, Telê Santana est chaleureusement applaudi par les journalistes présents, comme il l’explique dans le livre O jogo bruto das Copas do Mundo de Teixeira Heizer : « Je me suis senti réhabilité par les applaudissements des Espagnols. Après la défaite, la presse internationale m’a applaudi debout lors de la conférence de presse. Enzo Bearzot, l’entraîneur italien, n’a pas été autant félicité. Partout où on passait, on était applaudis. Au Brésil, il n’y a pas eu de crise. Le public a compris que la défaite était accidentelle. Le destin a été cruel avec nous ».
Épisode 3 : La samba arrive en Europe
La reconnaissance s’étend aux supporters, comme se souvient Falcão : « Ce qui a aussi atténué notre douleur a été la reconnaissance des supporters espagnols, qui nous ont applaudis à la sortie du stade Sarrià et qui ont exhibé une banderole près de l’hôtel de la délégation, qui disait “Brésil, ce n’est pas toujours le meilleur qui gagne” ». À leur arrivée à l’aéroport au Brésil, les joueurs sont également applaudis par les supporters, dans un pays où la défaite est habituellement synonyme d’échec total. Pour l’édition du 10 juillet 1982 de O Estado de S. Paulo Telê Santana revient sur la défaite : « Si je devais tout refaire, je répéterais les mêmes méthodes. C’est logique qu’une défaite comme celle-ci nous oblige à changer un peu, mais je reste fidèle à mon style et mes principes. Je défends avec intransigeance le futebol-arte et je n’accepte la violence sous aucun prétexte. […] Nous avons commis des erreurs individuelles qui ont été fatales. J’ai aussi ma responsabilité dans tout cela, les joueurs et moi avons parlé d’homme à homme, avec sincérité. C’est pour cela que je me sens libre de dire que l’équipe a fait des erreurs individuelles. Même si je ne le disais pas, tout le monde a vu par exemple que sur le deuxième but de l’Italie, Cerezo a donné le ballon dans les pieds adverses. Je ne fuis pas ma responsabilité, j’ai aussi commis des erreurs, nous en avons tous fait ». Dix-sept ans plus tard, Telê Santana répète à son biographe André Ribeiro : « Je ne regrette rien de ce que j’ai fait ce jour-là. Je suis sûr que beaucoup de personnes aimeraient que j’aie quelque chose de nouveau à dire, mais il n’y a pas de secret. Tout ce qui devait être fait a été fait ».
Photo : Duncan Raban/Allsport/Getty Images
Le Brésil 1982 enchante le monde entier, à l’image de Pep Guardiola, onze ans à l’époque, et qui ressuscitera ensuite une certaine idée du « futebol-arte » à la tête du Barça : « C’est l’équipe la plus merveilleuse qui a existé, elle était extraordinaire. Et si, après tant d’années, on se souvient encore de cette équipe, c’est parce que c’était une très bonne équipe. Un livre est bon, un film est bon, une équipe est bonne quand il se passe vingt, trente ou quarante ans et on en parle encore. On parle encore de cette équipe car elle génère de l’émotion ». Par son football pratiqué et son élimination tragique, la Seleção de Telê rappelle deux autres sélections qui ont marqué l’histoire de la Coupe du Monde sans remporter le titre : la Hongrie de 1954 et les Pays-Bas de 1974. « Le Brésil a été si bon en 1982 qu’il est entré dans l’histoire des injustices en Coupe du Monde, même en perdant avant la demi-finale, alors que la Hongrie de 1954 et les Pays-Bas de 1974 ont perdu en finale », rappelle le journaliste Mauro Beting. Pour Júnior, « avec les Pays-Bas de 1974, ce sont les deux équipes pour lesquelles les gens disent qu’il existe une injustice dans le football. C’est celui qui gagne qui a raison et il devient copié. Les autres équipes ont commencé à copier le modèle de football qui a été vainqueur ». Dans le livre Zico, 50 anos de futebol, le numéro 10 de la Seleção confirme : « En 1982, les deux équipes avec la technique la plus pure étaient le Brésil et la France. Si l’une des deux équipes avait gagné, le football pratiqué aurait privilégié l’art, mais il s’est passé le contraire, nous avons eu un football de résultats, qui ne laisse pas jouer ». Falcão complète : « Ce n’est pas seulement le Brésil qui a perdu, c’est le football. Gagner ce titre aurait pu entraîner une nouvelle façon de jouer par la suite ».
La défaite du « futebol-arte »
Dès sa conférence de presse d’après-match, Telê Santana anticipe les conséquences de la défaite : « Au football, il faut gagner. Maintenant, je crois que la presse, les joueurs, les entraîneurs et dirigeants doivent aider, pour éviter que l’élimination du Brésil ne se transforme en désastre ». Pour son livre Brasil 82, o time que perdeu a Copa e conquistou o mundo, Falcão interroge ses anciens coéquipiers sur les conséquences de la défaite. Tous parlent de la fin d’une certaine idée du football. Pour Oscar, « après ce match, on a eu l’image d’un football mondial où bien jouer n’était pas utile, il fallait jouer un football laid pour gagner » alors que pour Paulo Isidoro, « cela a été préjudiciable pour le football dans le monde. On a eu l’impression que le futebol-arte, le beau football, joué avec élégance, ne gagnait pas de titre, que le jogo bonito n’était pas efficace, il fallait jouer sur la force physique ». Dans le même livre, Luisinho explique : « Cette défaite a eu un effet négatif au Brésil. Il y a eu ensuite l’ère Parreira, où on jouait seulement pour le résultat, on a oublié de jouer au football. Le monde a suivi l’Italie, avec un football plus défensif, un jeu seulement en contre-attaque ».
Ironie de l’histoire, de nombreux joueurs de la Seleção 1982 suivent Falcão en rejoignant l’Italie et son championnat fermé, à l’image de Zico, Sócrates, Toninho Cerezo ou encore Júnior. Quant à lui, Telê Santana est poussé à la démission, de quoi entraîner l’amertume de Sócrates : « Le football brésilien va payer cher ce qu’il est en train de faire avec Telê. Ils détruisent un grand travail réalisé et cela va être difficile de le récupérer ». Dans le livre Docteur Socrates, celui qui rejoint la Fiorentina en 1984 explique : « Cette défaite contre les futurs champions du monde italiens fut un terrible coup porté au style de jeu brésilien que cette équipe incarnait si bien. À partir de ce jour-là, on se focalisa plus que jamais sur le résultat. Les vainqueurs ont toujours raison, même si leur victoire n’est pas belle. Après cela, le football brésilien n’a plus été le même ». Telê Santana est remplacé par Carlos Alberto Parreira, un entraîneur qui promeut un football défensif et physique. Carlos Alberto Parreira maintient Sócrates capitaine, mais ce dernier n’a pas d’affinité avec le nouveau sélectionneur.
Entre « futebol-arte » et « futebol-força »
Le Brésil est éliminé sans gloire de la Copa América 1983, Carlos Alberto Parreira est remplacé par Edu Coimbra, le frère de Zico, pour un passage limité à trois matchs. Le nouveau sélectionneur Evaristo de Macedo écarte Sócrates de l’équipe, mais déçoit également, le Brésil s’inclinant contre le Pérou, la Colombie et le Chili. Après un passage de deux ans en Arabie saoudite, Telê Santana est appelé à la rescousse et qualifie le Brésil pour la Coupe du Monde 1986. Au Mexique, où le Brésil avait remporté sa dernière Coupe du Monde avec des joueurs aussi techniques que préparés physiquement, la Seleção de Telê peine à convaincre, malgré la grande forme de l’avant-centre Careca, qui avait cruellement fait défaut en Espagne. Zico est blessé, Sócrates est émoussé physiquement, Falcão est sur le banc. Telê Santana, qui « en 1986 a affronté des problèmes et n’a pas montré la même lucidité pour les solutionner » selon Falcão, dirige son dernier match de la Seleção lors d’une autre rencontre inoubliable, le quart de finale perdu contre la France, ironiquement le match le plus abouti du Brésil au cours de la Coupe du Monde au Mexique. Zico rate un penalty dans le temps réglementaire, Sócrates voit son tir au but arrêté par Bats et le Brésil est une nouvelle fois éliminé avant les demi-finales.
À nouveau, le Brésil change tout et nomme comme sélectionneur Sebastião Lazaroni, qui met en place le « lazaronês », un football défensif et européanisé, dont le symbole est le milieu de terrain plus destructeur que créateur, Dunga. « Cette ère est devenue le symbole d’un football plus pragmatique, de marquage et défensif, un football à base de volonté plus que de talent », écrit Sidney Garambone dans le livre Os 11 maiores volantes do futebol brasileiro. Pour le champion du monde 1970 Tostão, après la défaite de 1982, « il y a eu un recul au sein du football brésilien. Il y a eu l’idée que le jogo bonito perd, que pour gagner il faut jouer un football laid. Il y a eu une exaltation de la tactique, de la préparation physique, de la discipline au détriment du crack, du virtuose, de l’improvisation. Les deux choses se complètent, elles ne s’excluent pas l’une de l’autre. Avec cette nouvelle philosophie, le Brésil a perdu et mal joué lors de la Coupe du Monde 1990 ».
Juste avant la Coupe du Monde en Italie, Júnior organise son jubilé à Pescara et réunit les équipes du Brésil et de l’Italie de 1982, seuls Éder, Edinho et Paulo Isidoro manquent à l’appel côté brésilien. « Nous nous sommes beaucoup amusés lors de ce match, nous avons retrouvé le plaisir de jouer ensemble. On aurait dit que nous étions de retour en Espagne, je suis fier d’avoir joué dans cette équipe », se souvient Zico. L’Italie ouvre le score grâce à un but de Bruno Conti, Paolo Rossi sort sur blessure, puis le Brésil déroule et s’impose 9-1… Zico, mais aussi les attaquants de pointe Roberto Dinamite et Serginho brillent particulièrement au cours du match. L’esprit de la Seleção 1982 vit toujours, aussi bien sur le terrain qu’en dehors. Dans le livre Sócrates & Casagrande, Júnior se rappelle de l’après-match de 1982 : « Nous sommes arrivés à l’hôtel et il y a eu une réunion avec toute la délégation, il y avait cinquante hommes, tout le monde pleurait, tout le monde… Sócrates a pris la parole et nous a dit : “Nous avons perdu le match, mais nous n’allons pas perdre ça, cette union merveilleuse va rester pour le reste de nos vies”. J’ai pu voir que c’était vrai huit ans plus tard, quand j’ai réuni l’équipe pour mon jubilé. […] Le climat de fraternité avait survécu, tout comme la complicité après tant de temps. Quelqu’un m’a fait remarquer que Cerezo pleurait et je suis allé le voir : “Toninho, qu’est-ce qu’il y a ? Tu pleures mon frère ?”. Il m’a expliqué : “Oui, je vous regardais tous et j’ai commencé à pleurer d’émotion et de joie”. J’ai pensé au film qui passait dans sa tête et naturellement de tous ceux qui ont fait partie de cette équipe ».
Après l’élimination sans gloire à la Coupe du Monde 1990, où la Seleção n’a jamais fait rêver les supporters ou les spectateurs neutres, la CBF est une nouvelle fois coincée entre le « futebol-arte » et le « futebol-força » et appelle comme sélectionneur… un ancien joueur de 1982, Falcão. La Seleção montre des choses intéressantes, mais Falcão ne résiste pas à l’élimination lors de la Copa América 1991. La CBF revient une nouvelle fois à un football défensif en nommant comme entraîneur l’ancien préparateur physique Carlos Alberto Parreira, secondé par Zagallo, entraîneur au profil quasi militaire et qui avait déclaré en 1982 : « Il faut reformer le football brésilien ». Pour Toninho Cerezo, « Parreira, pour ce que je sais de lui, admirait la force défensive de l’Allemagne. Et il a eu raison, car il a gagné », alors que pour Tostão : « L’équipe du Brésil de 1982, celle des Pays-Bas de 1974 et la Hongrie de 1954 contrarient l’idée commune que l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs. L’ouvrier Dunga est énervé et ne comprend pas comment une sélection qui a perdu est plus adulée que celle de 1994, qui a gagné. Il ne va jamais comprendre ».
Épisode 4 : La tragédie de Sarrià
Au cours de la Coupe du Monde 1994, Carlos Alberto Parreira sort de l’équipe titulaire le petit frère de Sócrates, Raí, au profit d’un joueur plus défensif, Mazinho, laissant la liberté créative au seul duo d’attaque Romário – Bebeto. Le « jogo bonito » est désormais limité aux exploits individuels, mais le Brésil se qualifie en finale face à l’Italie, dernier chapitre d’un triptyque en Coupe du Monde. En 1970, la Seleção de Pelé, Gérson, Rivelino et Tostão fait briller le « futebol-arte » en empilant les buts et les joueurs créatifs. « En 1982, la prose italienne a vaincu la poésie brésilienne » selon Tostão dans son livre Tempos vividos, sonhados e perdidos. En 1994, le titre mondial se joue aux tirs au but après cent-vingt minutes de jeu sans le moindre but. Au bout de l’ennui, le Brésil remporte la Coupe du Monde et met fin à vingt-quatre années d’attente. Le « futebol-arte » est définitivement mort.