Enfant du Globo, il vient de vivre l’une des plus belles années de l’histoire de son club de toujours. D’Independiente à River en passant par l’Europe et notamment Marseille, Rolfi Montenegro représente une génération de meneurs en voie de disparition. Pour El Gráfico, il revient sur sa carrière. LO vous en propose sa traduction.

Rolfi, Daniel ou Gastón, auquel réponds-tu le plus ?

Rolfi. En public, je suis Rolfi, à la maison je suis plus Gastón. Daniel, on me le dit peu, quasiment personne ne m’appelle ainsi.

Pourquoi t’appelle-t-on Rolfi et pas ton frère qui est plus vieux ?

Mon frère a toujours été appelé Ariel et comme je m’appelle Daniel, certains pouvaient le confondre. Donc, tout petit, je suis devenu Rolfi, pour mon père qui s’appellait Rdolfo. C’est resté.

Tu aimes ce surnom ?

Oui, oui, j’y suis identifié, c’est bien d’avoir un surnom. De même, dans certains endroits, on m’appelle Rodolfo. Je ne corrige pas. Je n’ai pas envie d’expliquer toute l’histoire du pourquoi ce surnom sinon que c’est pour mon père.

Que devient ton frère ?

Il est resté vivre à Córdoba en Espagne. Depuis sa retraite, il dirige une équipe de troisième division. Cela fait longtemps que je ne l’ai pas vu parce qu’il ne vient pas en Argentine et que je ne vais que rarement en Europe.

Qui est Daniel Gastón “El Rolfi” Montenegro ?

Une seule et même personne qui ne pense qu’à jouer avec le ballon. Avec d’autres responsabilités qui se sont greffées avec le temps, mais avec toujours l’envie de m’amuser. C’est ce que je veux enseigner à mes enfants, que c’est un jeu, surtout avec ce qui se passe dans ce pays autour du foot. Qu’ils le prennent sous cet angle, qu’ils s’amusent. Celui qui me connait depuis que je suis enfant et me voit maintenant me verra juste plus vieux, rien de plus. Mais la manière de jouer, d’aborder les gens reste la même. Le plus important pour chacun est l’essence du jeu et de savoir d’où on vient.

Mais un grand nombre de footballeurs l’a oublié…

C’est facile de perdre cela de vue, encore plus aujourd’hui où tu deviens célèbre en deux minutes. Quand j’ai commencé, tu étais uniquement connu pour ce que tu faisais sur le terrain, aujourd’hui c’est plus simple d’être connu. Avant, sans les réseaux sociaux ni les matchs qui sont tous diffusés, le seul moyen d’être connu était de tout casser le dimanche et que quelqu’un te voit la nuit lors des résumés des buts. Plusieurs fois j’ai tout cassé et personne ne l’a su.

Le Defensores de Tablada existe toujours ?

Oui, comme la Flecha de Oro. Ce sont les clubs de baby où j’ai commencé à taper dans un ballon, mais cela fait un moment que je ne suis pas allé les voir parce que j’étais concentré sur mes matchs ou à aller voir Valentin, mon fils de 7 ans à El Barrio, le club de baby dans lequel il jouait. Maintenant, je l’accompagne au stade le dimanche à Lanús.

Pourquoi Lanús et pas Huracán ?

C’est ainsi parce qu’à quelques rues de la maison habite Julián Kmet, l’entraîneur des équipes de jeunes de Lanús, et qu’il a insisté pour que je l’amène là. Valentin adore le foot. Au Mexique, il venait avec moi au club mais on ne le laissait pas jouer parce qu’il était trop jeune, il avait 4 ans. Mes deux filles, Tiziana et Chiara, jouent au hockey.

Quelle est la recette pour frapper aussi fort dans la balle comme tu le fais ?

Je pense que c’est héréditaire parce que mon père et mon frère tapent aussi très bien dans le ballon. Quand tu es petit, on t’aide énormément au baby. Ils m’ont énormément appris.

Que t-ont-ils enseigné ?

Les lacets. Tout est dans les lacets. C’est la clé, la technique pour frapper au but, tu la trouves avec tes lacets. Quand tu es plus grand, tu aimerais marquer des buts ou aimer savoir la placer, mais la technique qu’il te reste, on te l’a apprise quand tu étais petit car quand tu es petit, tu es une éponge qui garde tout. Les lacets, c’était le mot clé (rires).

Tu as travaillé quand tu étais jeune ?

Avec des amis, nous allions récupérer des bouteilles après les fêtes dans le quartier, à Tablada. Les bouteilles de cidre plus que tout. On rejoignait mon frère et des amis, on devait se lever tôt le 25 décembre ou le 1er janvier pour les récupérer avant les autres, on avait un charriot ou une charrette et on y déposait nos bouteilles. On savait où étaient les maisons où ça buvait le plus. Ensuite, nous allions les vendre.

Si tu devais remplir ta fiche de footballeur, à la rubrique « position », que marquerais-tu ?

Diffícile (rires)… Ehhhh… milieu centre.

Tu as joué 10 à plusieurs reprises, te considères-tu comme un enganche ?

Non. Je mettais trop de buts, l’enganche ne marque pas autant. Je n’avais pas non plus la tranquilité requise, comme un Riquelme par exemple. Aujourd’hui, je l’ai un peu plus parce que je suis vieux (rires), mais on me donnait le ballon pour que j’aille toujours vite vers l’avant. On m’a souvent donné la tâche de créer dans plusieurs équipes mais en général, je partageais cette tâche avec d’autres comme avec el Pocho (Insúa) à Independiente ou Lucho (González) à Huracán.

Tu te sentais mal à l’aise quand on te positionnait en 10 ?

Non parce que je savais que je pouvais le faire, mais je n’avais pas cette tranquilité requise et ça m’a toujours manqué. Je savais que je pouvais tirer avantage de mon explosivité et de mes frappes donc cela ne me freinait pas pour générer du jeu.

Le numéro 10 sur le dos, ça pèse ou c’est un mythe ? Tu l’as porté à Independiente et à River.

Ce sont des maillots qui ont une histoire. Ça peut peser sur tes épaules ou pas, ça dépend de chacun. Je suis heureux de les avoir portés, c’est une fierté, jamais je n’ai senti leur poids. Le numéro n’a que peu d’importance à mes yeux.

Cela t’a enervé lorsque tu as vu la une d’El Grafico avec le titre « L’héritier » et le 10 du Rojo ?

C’était bizarre. Cela ne faisait que 2 mois que j’étais au club, je ne pouvais en aucun cas être à la hauteur de Bochini qui fut une idole pendant 20 ans. A cette époque, je ne comprenais pas le petit jeu du journalisme, en grandissant je l’ai mieux compris. Mais bon, cette une est un souvenir heureux. Personne ne pourra m’enlever la fierté d’avoir porté le 10 du Rojo.

En avril 2017, on célèbrera les 20 ans de tes débuts chez les pros. Tu seras toujours là ?

Je l’espère bien. Personne ne m’en a parlé, maintenant un peu, je me contente de profiter jour après jour, c’est ce qui a guidé ma vie. J’ai un contrat jusqu’à la fin de l’année avec Huracán et je n’ai encore pensé à rien, parce qu’’il est impossible de programmer ce qui va se passer. Le football est tellement changeant…

Cela dépend de quoi ?

Quand tu vois que cela te coûte d’aller t’entraîner ou que tu n’es plus le rythme et que la compétition devient pénible, là c’est compliqué. Pour l’instant je me sens bien, j’arrive à tenir le rythme, la régularité que cela demande. Je me suis juste déchiré le mollet mais à la vérité, je me sens bien. Le jour où je ne me sentirai plus bien, j’arrêterai. Pour l’instant, je ne me pose pas la question de mettre fin à ma carrière.

Il aurait été plus facile de rester en France

Tu vas te retirer à Huracán ou il y a encore de la place pour un autre club ?

Je ne sais pas. Pour l’instant je suis là et je profite.

Quand tu en auras terminé avec le foot, tu joueras au basquet comme Sixto Peralta?

Non, je n’ai pas le mental de Mumo (rires), de plus, je n’ai pas la taille suffisante…

Tu sais ce que tu feras après ton retrait du foot ?

Non. Au cas où, j’ai passé les diplomes d’entraîneur. J’aimerais mais je ne sais pas ce qui va se passer. Plus que tout, il y a d’autres choses à prendre en compte, j’ai des affaires que je construis avec mes associés.

Pourquoi ta carrière a été aussi instable ? 4 passages à Independiente, 2 à River, 3 à Huracán…

Mais cela signifie aussi que j’ai bien fait les choses. Ce n’est pas facile de revenir dans un club que tu as quitté. Pour moi, il aurait été plus facile de rester en France, l’OM m’avait offert un contrat de six ans et me payait tous les mois. Mais ça n’a jamais été ma volonté, c’est pour cela que j’ai beaucoup bougé.

Mais pourquoi tant de changements ?

Ainsi est le foot. J’aurais aimé effectuer toute ma carrière à Huracán, ne pas avoir la nécessité de m’en aller parce que le football argentin donne le nécessaire, parce que le club a aussi besoin que tu t’en ailles.

Pourquoi à une époque tu laissais les penalties à tes coéquipiers ?

Ce n’est arrivé que deux fois, tu exagères. Une fois parce que c’était un coéquipier qui n’avait pas encore inscrit le moindre but en première division, Mariano Herrón. L’autre parce qu’il quittait le club, mais je savais qu’il les tirait bien, Oscar Ustari. Je l’aurais aussi laissé à quelque qui le tirait mal. .

Le plus fou lors de ton passage en Russie ?

Autre que la bagarre que tout le monde a vue ? (rires). Elle était dingue. C’était un derby avec le CSKA. Une bagarre générale qui a débuté lorsqu’ils nous ont mis le but à la 89e.

Barijho aurait certainement séparé tout le monde et ramené le calme. Non ?

Si clairement (rires). Ensuite, les gens sont descendus des tribunes, je crois qu’ils ont plus pris que nous. El Malevo (Ferreyra) jouait avec eux mais je l’ai laissé de côté, je ne me suis pas battu avec lui. On avait des joueurs chauds, tu avais Chipi, el Polaco Bastia, deux brésiliens immenses. Barijho à côté d’eux paraissait maigre alors imagine. Au final, el Polaco a pris 5 matchs.

Comment as-tu géré le froid ?

Je mettais bonnets, gants, tout, mais tu avais tout aussi froid. Là bas, on n’était pas loin du football amateur parce que les russes avaient beau avoir de l’argent, on n’avait qu’un seul jeu de maillot pour toute la partie, on devait ramener nos tenues à la maison pour les laver, on nettoyait nous-même nos crampons, on se chargeait de tout. On avait deux traducteurs, un russe – espagnol et un russe – portugais qui restaient avec nous. A mesure que l’entraîneur parlait, ils nous traduisaient tout.

J’avais fait aujouter une clause qui disait que jamais je n’irai jouer à San Lorenzo. Tant qu’elle n’était pas inscrite, je ne signais pas.

De quelle équipe tes enfants sont-ils supporters ?

Une de mes filles est fan de Boca, l’autre de River. Le petit est supporter de là où joue son papa, là c’est donc Huracán. J’espère qu’il continuera à l’être…

Tu conseillerais à un autre footballeur qu’un impresario paye ton transfert comme cela t’es arrivé avec Daniel Grinbank ?

Ça dépend de quel impresario il s’agit. Avec Daniel je n’ai eu aucun problème. Il m’a acheté lorsque j’étais à l’OM et a aidé à mon transfert à Independiente qui était dernier. Là, avec d’autres joueurs, on a fini champions en 2002.

Est-il vrai que tu as imposé à Grinbank une clause spéciale qu’il a dû accepter sinon tu ne signais pas avec lui ?

Oui. J’avais fait ajouter une clause qui disait que jamais je n’irai jouer à San Lorenzo. Tu sais, il peut toujours arriver un moment où on vient te voir en te disant « San Lorenzo te veut ». Avec les impresarios, on ne sait jamais, il vallait mieux prévenir. Tant qu’elle n’était pas inscrite, je ne signais pas. N’oublie pas que je suis arrivé à Huracán à l’âge de 9 ans.

Quels sont les hinchas qui t’apprécient le plus penses-tu ?

Je suis passé par tous les états. A Independiente, à un moment ils m’aimaient et à un autre, ils voulaient me tuer (rires). A Huracán, c’est pareil. Dans ce pays, c’est difficile d’être aimé de tous, l’un t’aime, l’autre te déteste.

Et quel est l’hincha qui te déteste le plus ?

Je pense que c’est celui du Racing parce que je leur ai mis de nombreux buts et que je n’ai jamais perdu un clásico. Celui de San Lorenzo aussi parce que je suis hincha d’Huracán, mais si j’écoute parler dans les rues, je pense que celui du Racing m’insulte le plus.

Pourquoi as-tu embrassé le maillot de River contre Independiente ?

Il y a un mensonge. J’étais venu avec River sur le terrain d’Indpenediente pour jouer le titre, l’entrée sur le terrain avait été chaude, ils m’avaient insulté, me lançaient des trucs des tribunes. Lors de la seconde partie, en Sudamericana, ils m’ont frappé, j’ai eu 7 points de suture au genou, je suis sorti et ils m’ont insulté alors que je n’avais pas encore mis le but. Ils ne m’ont pas insulté parce que j’ai célébré le but, non, ils m’ont insulté avant que je marque.

Où a-t-on vu le meilleur Montenegro ?

J’ai eu de bons moments dans divers clubs : avec Independiente en 2000 et 2002 couronné par le titre. A River en 2006, à Huracán lors du Clausura 2002 ou même quand ils m’ont vendu la première fois. Si je devais ne retenir qu’un moment, je dirais que j’ai été profondément marqué par l’Apetura 2002 avec Independiente.

Ton plus grand moment de joie sur un terrain ?

A chaque championnat gagné, tu as un réel sentiment de joie. Je suis reconnaissant d’avoir pu revenir et être champion avec Huracán. Quand Huracán a remporté la Copa Argentina, son premier titre depuis 40 ans, j’ai eu de la peine de ne pas avoir pu participer, aussi, lorsqu’on a gagné la Supercopa face à River, même si j’étais sur le banc et que je n’ai pas joué la moindre minute, j’ai profité comme si j’avais joué.

Le jour le plus triste ?

Quand nous sommes descendus en Primera B avec Independiente. Avec Huracán aussi, mon transfert de 98.

Quand tu es revenu pour la dernière fois à Independiente, tu envisageais que tu pourrais descendre en Primera B ?

Oui parce qu’on n’avait que six mois, rien de plus. Si nous avions eu une année pour nous battre c’aurait été différent. Mais c’était ce que nous devions faire : revenir, prêter main forte. C’est pour cela que j’ai signé un an et demi et non six mois. J’avais deux options : soit l’équipe se sauvait et je profitais d’une année en Primera A, soit la catastrophe se produisait et j’irais me battre en Nacional B.

Comment tu le sentais intérieurement quand tu es revenu ?

Qu’on allait se sauver. On avait une bonne équipe, des joueurs de qualité, un encadrement technique qui y croyait.

Tu as pleuré ?

En public non. Quand cela s’est compliqué, j’ai parlé avec ma femme et je lui ai dit que je ne pleurerai pas en public parce que j’avais enseigné à mes enfants que ce n’était qu’un jeu et qu’on devait s’amuser, donc je ne voulais pas montrer une autre image.

Tu le prends comme un accroc dans ta carrière ?

Même si je ne vais pas l’occulter, l’accroc est plus dans le fait que je n’ai pas joué les 3 ans du Promedio mais seulement les six derniers mois.

Tu pensais que ce serait si difficile la Nacional B ?

On savait que ce serait dur parce qu’on allait être l’équipe à battre, on s’est senti proche de ce qu’avait vécu River l’année précédente. On savait qu’il fallait emprunter ce chemin. On est passé par des hauts et des bas, on est parti en vacances alors qu’on était en position de monter, puis on a eu un trou d’air avant au final de revenir et de nous retrouver en zone de promotion. Mais ce fut extrêmement dur, très difficile de changer si rapidement.

Et comment tu t’es senti quand il a fallu affronter Huracán lors du desempate pour la promotion en 2014 ?

Ca a été terrible pour moi parce que si nous avions battu Patronato à la maison lors de la dernière journée, tout aurait été terminé et je me serais évité une telle situation aussi désagréable. A ce moment, on m’a reproché de ne pas être revenu à Huracán mais à Independiente, mais personne ne m’avait appaelé à Huracán. J’étais mal mais ce qui est sur c’est que je voulais gagner avec Independiente. On venait de lutter une année, c’était dur. Je rageais parce que j’avais tellement d’amis à Huracán. Pourquoi cela m’arrivait-il à moi ? J’étais bizarre. Par chance, six mois plus tard, c’est arrivé à Huracán.

Le plus spectaculaire avec Messi : tu sais ce qu’il va faire mais tu ne peux pas l’en empêcher.

C’est possible que tu n’aies joué qu’un seul match officiel avec la sélection ?

J’ai joué deux amicaux : un contre le Chili avec Basile, l’autre contre le Guatemala avec Diego. Un seul match officiel, le 1-6 à La Paz.

Bonne statistique…

L’important est que j’ai joué. Diego m’a fait entrer pour que je débute officiellement. Le plus drôle est qu’i m’a fait entrer à 15 minutes de la fin et m’a dit « fais ce que tu peux ». Et bien, deux minutes plus tard, j’ai reçu un ballon et j’ai tiré. C’est passé près.

Tu as imaginé aller au Mondial ?

Je ne sais pas si je l’ai imaginé, mais je me sentais membre de ce groupe. Avec Maradona, j’ai été de toutes les convacations jusqu’à ce qu’América m’achète en 2009. Diego n’a alors appelé que trois joueurs d’ici quand il y avait des amicaux en Europe, j’étais l’un de ces trois. Je n’ai pas joué mais cela m’a donné énormément d’expérience que de m’entraîner avec tous les joueurs des clubs les plus importants d’Europe.  

C’est là que tu as connu Messi ?

Oui, un phénomène. Aux entraînements, on savait qu’il allait passer au milieu mais personne ne parvenait à l’arrêter. C’est le plus spectaculaire avec Messi : tu sais ce qu’il va faire mais tu ne peux pas l’en empêcher. Beaucoup m’ont demandé comment il était et je le voyais à ce moment comme un gamin de 20 ans mais quand il entrait sur le terrain, il en avait 50, parce qu’il prenait toute la responsabiité. J’ai vu au jour le jour la pression qu’il avait sur ses épaules à chaque fois qu’il entrait sur un terrain. Ensuite comme personne, c’est un crack. Avec moi, il a été parfait.

En quoi ?

Avec mon fils. Il l’a vu lors des matchs des amis de Messi contre ceux de Ronaldinho et à chacun de ses voyages à Cancún. Quand il est venu avec la sélection, il a pris une demi-heure pour jouer avec mon fils. Quand mon fils raconte qu’il a joué avec Messi, personne ne le croit. Il raconte que Messi lui a appris des trucs. Ce sont des choses qui pour moi n’ont pas de prix, plus que ce qu’il fait sur un terrain.

Tu as discuté avec lui lors de sa blessure ?

Oui, pour voir comment il allait, il m’a raconté comment était la blessure et tout le reste.

Vous parliez ou discutiez par Whatsapp ?

Par messageire. Plusieurs de mes amis me chambrent parce que mon téléphone contient des numéros que bien des gens aimeraient avoir mais pour moi, c’est juste normal.

Tu as ceux de qui ?

De Román, de Carlitos, de Mascherano. Avec Masche on s’est connu à River, un moment je suis parti en Russie puis je suis revenu. Comme il partageait la chambre de Lucho et que personne ne voulait partir, on a terminé à trois dans la même pièce. Je rigolais parce que les deux apprenaient le portugais : l’un pour aller à Porto, l’autre pour aller au Corinthians. Je les écoutais et je les chambrais.

Le meilleur entraîneur et le pire que tu as eus ?

Noooon (rires) Tous te laisse des choses. Certains t’apprennent des choses sur le football, d’autres sur la vie. Une des personnes qui te donne ce calme est Miguel Brindisi, avec qui j’étais à Huracán et à Independiente. Aujourd’hui encore je discute avec lui. Du football, nous en savons tout, je crois que le plus important est l’humain.

Aucun avec lequel tu t’es accroché ?

Le plus grand conflit que j’ai eu, ça a été avec Almirón, mais je pense que c’est un super entraîneur, je n’aime juste pas sa méthode.

Qu’il ne te dise rien en face ?

J’ai énormément parlé avec lui, seul à seul. C’était une relation normale, on parlait énormément de football, de la vie, mais je ne pouvais imaginer à aucun moment comment cela allait finir, qu’il allait me dire le dernier jour qu’il ne compterait pas sur moi, quand il aurait pu me le dire pendant les vacances histoire que je cherche un club. On était revenu à Mar del Plata avec toute la famille et je suis allé le voir à Puerto Madero. C’était un jour avant que je me présente à la pretemporada. Il me dît alors que je ne devais pas venir, je lui ai dit que je viendrai parce que j’ai un contrat.

Il t’a donné des explications ?

Oui. Je n’entrais pas dans son schéma mais le problème est qu’il avait mis énormément de temps pour me le dire et j’aurais pu trouver un club. C’aurait pu mieux se terminer...

Tu en as parlé avec Moyano ?

Quand tu vas lui en parler et qu’il te répond que c’est la décision du coach, il n’y a plus grand-chose à dire.

Pourquoi la situation s’est-elle pourrie ainsi ?

Je ne sais pas, ce n’est pas à moi qu’il faut le demander. En plus, on sortait d’un bon tournoi au cours duquel on avait lutté jusqu’au bout, j’avais joué 18 des 19 matchs et lors de mes vacances, j’ai entendu ou lu que je n’allais pas entrer dans les plans. Alors j’ai dit : « les journalistes aimeraient donc m’écarter. Mais pourquoi tant de battage ? » Puis quand la version se renforce de jour en jour, tu finis par comprendre que quelqu’un tire les ficelles.

A un moment, tu as déclaré : « je perturbe le vestiaire » mais au final tu as fini par lâcher du lest. Pourquoi ?

Parce que je savais que je n’avais pas d’autre solution et que si je restais, j’allais être un obstacle pour tous. Lors de la présentation des renforts, mon nom était partout. Ce n’était pas bien ainsi, je me sentais mal parce qu’on commençait un cycle. Je l’ai dit à Almirón : « si vous me donnez la possibilité de m’entraîner, je ne viendrai pas vous embêter ». Je voulais juste avoir la moindre petite occasion de tenter ma chance de jouer s’il notait que j’étais meilleur qu’un coéquipier.

Mais il ne te l’a pas donnée…

Non, mais d’un autre côté, je suis allé à la pretemporada. Je suis resté une semaine avec eux et j’avais quelque espoir. A la différence de ce qui est arrivé à huit autres de mes coéquipiers, j’étais à l’hôtel, j’ai eu ma tenue et je me suis entraîné, donc j’y croyais. Parce qu’il aurait tout aussi bien pu ne pas me laisser m’entraîner comme ce fut le cas pour les autres. Mais quand j’ai vu que le temps passait, que la situation empirait et que ça tournait mal, je me suis dit « c’est bon, je ne le sens pas ». J’ai tout arrêté et je suis parti.

Comment as-tu été informé que tu devais aller d’entraîner avec la réserver d’Independiente?

Par une carte. Je devais me présenter à Fernando Berón et m’entraîner avec la réserve. Les fins de semaine, je restais à la maison et ne participais à aucun match.

Tu as mal vécu cette situation ?

Oui, c’est clair que je me suis senti mal, je pensais ne pas mériter un tel traitement. Les gamins ont été géniaux. L’autre jour, on a joué contre Independiente, ils sont tous venus me saluer. Même Berón s’est bien comporté avec moi, c’est remarquable.

C’est quoi « bien se comporter » en pareille situation ?

Me laisser m’entraîner avec eux, participer activement aux entraînements, au travail tactique, à toutes les choses qui se font en semaine. Il aurait pu ne pas me laisser jouer au football, me faire courrir autour du terrain, non, j’ai participé aux séances.

Tes meilleurs amis dans le foot ?

En foot, c’est compliqué d’avoir énormément d’amis parce que cela va t’isoler du reste de l’équipe. El Pocho (Insúa) et Lucho (González) sont les deux personnes que je continue de voir et avec qui je continue de parler. Gaby (Milito) aussi….

Manuel Pellegrini t’a marqué quand tu l’as vu à River ?

Oui. Je me souviens qu’il a été l’un des premiers à évoquer le thème des espaces réduits. Avant, on ne travaillait pas cela. Quand quelqu’un parlait « d’espaces réduits », on le traitait de fou. Mais Manuel l’a implémenté comme un moyen de s’entraîner. Aujourd’hui, tout le monde le fait mais lui fait ça fait 12 ans : cinq contre cinq, trois contre trois, soutien, tous avec la balle, dynamique, frappes au but…

En 2003, River te présente et deux semaines plus tard, Gallardo arrive à son tour. Tu pensais que tu n’allais pas jouer ?

Non, non, parce que River avait 2 tournois à jouer. Pour moi, il était important que ce soit lui et el Matador Salas, des personnes qui connaissent le club et t’aident à comprendre certaines choses.

Tu as tremblé quand tu as eu à aller exécuter ton tir au but face à Boca en demi-finale de la Libertadores 2004 ?

Non parce que j’étais sûr de l’endroit où j’allais le mettre. Pour comment s’est déroulé le match, se prendre la tête sur le but de Tevez, gagner, dans les arrêts de jeu avec celui de Nasuti, le droit d’aller aux tirs au but, je n’avais aucun doute d’où j’allais tirer, en force et croisé. Abbondanziera est parti du bon côté mais ne l’a pas eue.

C’est le match avec la plus forte tension que tu as vécu ?

Pour la façon dont il s’est déroulé oui. C’était le premier clásico sans public visiteur. Le vestiaire était plongé dans une profonde tristesse, la sensation de l’avoir tenu entre les mains et repartir sans rien. Enormément de larmes, une peine.

Si tu croises Krupoviesa dans la rue, tu le salues ?

Oui, oui (rires). Si je croise sur un terrain et qu’il me demande pardon pour le coup qu’il m’a mis, je lui dirai qu’il n’y a aucun problème, que ce sont les circonstances d’un match. Il n’avait pas l’intention de faire mal je pense, mais plutôt de prendre l’avantage, de stopper une action, comme cela s’est passé cette fois à la Bombonera lorsqu’il était le dernier défenseur et je filais seul au but. C’est resté spectaculaire parce que c’était lors d’un clásico et que Boca a arraché le nul sur un penalty de Palermo mais je pense que si nous avions gagné, personne ne s’en rappelerait autant.

Ca t’a fait aussi mal qu’on l’a vu à la télé ?

Non parce qu’il m’a attrapé en l’air. Je me suis fait plus mal au cul quand je suis tombé que lorsqu’il m’a fauché (rires). Lors du jubilé de Battaglia, il a écit une note dans laquelle il a déclaré que les gens se souviennent plus de lui pour ce geste que pour le reste de sa carrière à Boca. A chaque clásico, lorsque je croise un hincha de River, il me demande « ça t’a fait mal le coup ? »  Quand ils le passent à la télé, mes enfants me demandent la même chose. Les supporters de Boca me disent qu’ils auraient fait comme Krupoviesa.

Pourquoi, mi-2006, n’es-tu pas allé la pretemporada en pleine Libertadores ?

Ce n’est pas ça. Mon contrat se terminait en juin et River avait une option d’achat. Le premier jour, je ne présente pas parce que j’étais sans contrat. Daniel (Passarella) me demande de venir m’entraîner avec eux, qu’il va tout faire pour qu’ils lèvent cette option. Une semaine passe, aucune nouvelle, je devais m’en aller parce que pour moi, si en une semaine il ne se passait rien, rien n’arriverait. Quand je suis parti, ils ont recruté 5 joueurs.

Avant, quand tu signais en Europe, seul le directeur sportif ou l’entraîneur te connaissaient et s’ils s’en allaient, tu n’étais plus qu’un pion.

Quel bilan tires-tu de ton passage à América ?

On n’a pas été champions mais ça s’est bien passé pour moi et pour l’équipe. Le club restait sur plusieurs années sans se qualifier pour la Liguuilla et en trois ans et demi, on n’en a manqué qu’une.

Jouer à l’Azteca, ça doit être quelque chose, non ?

Tu n’imagines pas ! Il y a tellement d’histoires. En plus, mon idole d’enfance, c’est Diego. Tous ceux qui sont venus me voir voulaient aller visiter l’Azteca, voulait voir l’endroit où l’action s’était déroulée. Je suis passé plusieurs fois par cet endroit du terrain et je me suis dit « comment faire en sorte de partir d’ici et de refaire comme lui ? »

Il te manquait el Negro Enrique pour te faire la passe…

Mais tu sais ce qui est fou ? Mon premier but au Mexique, je le marque à l’Azteca depuis le milieu du terrain. Je l’ai mis à Cristante, on a gagné 7-2 face à Toluca.

Que t’a-t-il manqué pour réussir en Europe ?

Garder la regularité que j’avais ici ou que le nom que je m’étais fait ici me permette de trouver plus d’opportunités. Aujourd’hui, on est beaucoup plus visible par l’Europe. Avant, quand tu signais en Europe, seul le directeur sportif ou l’entraîneur te connaissaient et s’ils s’en allaient, tu n’étais plus qu’un pion. L’OM m’a acheté quand j’avais 19 ans, aurait pu me prêter dans un autre club parce que l’équipe comptait déjà énormément de joueurs, mais m’a conservé. J’ai joué mais quand Rolland Courbis est parti, un entraîneur brésilien est arrivé et a acheté 5 joueurs. C’était reglé, j’ai alors décidé de partir.

Que s’est-il passé à Osasuna ?

C’était une équipe de milieu de tableau qui tentait chaque année de se maintenir. Je jouais souvent avec jusqu’à ce qu’arrive un entraîneur qui a été clair avec moi. Il m’a dit qu’on allait jouer avec deux grands devant. Je lui ai dit merci, on s’est serré la main et je suis parti ailleurs. Il s’appelait Lotina. Un homme bien : il avait clairement ce qu’il voulait et te le disait en face.

Ce n’est pas Almirón.

Clair. Si Almirón m’avait dit : « tu n’as pas ta place dans ce système », on se serait serré la main, je l’aurais remiercié et je serais parti d’une manière bien différente, j’aurais eu du temps pour m’organiser.

Comment est-il possible de changer totalement une équipe sans changer l’effectif ? Je te demande cela car on l’a vu cette année avec Huracán, Independiente, Quilmes…

Chaque fois que quelqu’un d’extérieur arrive, il apporte de nouvelles choses et des changements. Tu peux changer le système et l’équipe le digère mieux et là, tu verras la différence.

De même, il peut y avoir une certaine usure avec un technicien et alors le message ne passe plus…

La relation peut s’étioler mais si tu innoves dans ta façon de travailler, il n’y a aucune raison qu’il y ait de l’usure. Le pire qui peut se produire pour un footballeur est l’habitude ou le confort de se sentir titulaire, ne pas avoir de concurrence. C’est le pire qu’il peut se produire, c’est pour cela que dans les grandes équipes, la concurrence ne se limite pas au week-end, elle s’applique aussi du lundi au vendredi.

Qu’est Huracán?

Un club familial par lequel de grands joueurs sont passés. Il m’a prodondément marqué dans ma vie, depuis tellement d’années, toute mon enfance et mon adolescence, depuis que j’ai 9 ans et que j’ai joué un Mundialito avec ce maillot jusqu’à aujourd’hui à 36 ans. C’est ma maison.

Où as-tu joué un Mundialito ?

En General Roca, en 1992. On y est allé en train, plus de 24 heures de voyage sans escale. Vélez, qui a aussi atteint la finale y était allé en avion. Mais, on y était allé avec le rêve…de voyager, de jouer un Mondial. On était des gosses de 10-11 ans. On a perdu en finale face à Vélez, c’était grandiose.

Pourquoi Huracán sort toujours de bons jeunes ces dernières années ?

Parce que pour bon nombre de gens, Huracán est un grand et pour cela, plutôt que d’emmener leur enfant dans un club qui est meilleur mais pas aussi important, ils prèfèrent se dire « il vaut mieux que je l’amène à Huracán ».

Quelles sont les différences au club entre celui de tes débuts et aujourd’hui ?

Elles sont sur le plan footballistique et au niveau des infrastructures, même si elles peuvent toujours s’améliorer. Je suis de ceux qui pensent que lorsque le football va bien, c’est le moment d’en faire bénéficier les autres parties. Sur le plan structurel, que tu vois tes joueurs d’une autre manière. Cristian (Espinoza), Cacu (Romero Gamarra), Luquitas Villarroel, sont tous des jeunes qui ont eu la possibilité de se montrer en Sudamericana et en Libertadores. Avant, les joueurs qu’Huracán vendaient l’étaient pour le football local, jamais pour l’international.

Quels sont les jeunes qui te surprennent le plus ces derniers temps à Huracán ?

J’aime beaucoup Cristian (Espinoza). C’est très difficile de croiser des gamins qui se sacrifient L’autre qui me surprend est Wanchope : très intelligent, efficace par moment et dans d’autre tu voudrais le tuer, mais pour nous, il est essentiel. Il est souvent pris au piège du hors-jeu parce qu’il joue à la limite, sur la dernière ligne des défenseurs car il sait qu’il n’a pas la vitesse suffisante pour gagner une course.

Quel est ton moment préféré dans le foot ?

Prendre le mate avant l’entraînement, c’est le meilleur moment, avec la musique en fond sonore. C’est le meilleur moment, celui qui me manquera, parce qu’un terrain, tu peux toujours y aller quand tu veux, un vesitaire, non.

Penses-tu que ta carrière aura été en accord avec ta condition ou aurais-tu pu espérer mieux ?

Je crois qu’elle est en accord avec ma condition. J’ai été déterminant dans des clubs importants et dans d’autres je leur ai coûté beaucoup. D’un autre côté, ceux qui me connaissent savent qu’à chaque fois j’ai été sérieux, que chaque fois que je le pouvais, je donnais le maximum. Il y a des gens pour qui ont dit « tu vois, ce gosse était un crack mais il ne l’est plus, il ne s’entraîne pas, il était un chieur ». Et bien, on ne le dira pas de moi. Alors peut-être qu’on attendait plus de moi mais je suis en accord avec ce que je pouvais offrir.

Entretien paru dans El Grafico n°4463. Traduit de l'espagnol par Nicolas Cougot

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.