Peu disert, 'Valdanito' a accepté de se livrer longuement pour Ole. Il évoque son retour à River et ses envies d’avenir. Et certaines vérités risquent de faire mal.  

Comment vit-on dans une ville où un club aussi important que Parme a maintenant disparu ?

Ce fût un coup dur pour les gens la faillite de Parme. Ça a laissé un trou dans dans la ville. Ils ont fermé de nombreuses petites entreprises après ce qui est arrivé au club. Je connaissais des gens qui suivaient le club depuis 21 ans jusqu’à ce qu’il disparaisse. Côté football, d'autres types ont acheté ce qu'il restait de Parme et maintenant ils sont montés de la quatrième à la troisième division. La campagne d’abonnements a explosé avec 10 000 abonnés. Il n’y en avait pas autant quand on était en première division. Ils ont plusieurs privilèges que les autres équipes de la division n’ont pas.

Ta vision du football a-t-elle changée depuis que tu es devenu entraîneur ?

Le football italien a beaucoup changé ces derniers temps. Les entraîneurs durent très peu. Si tu n’as pas de résultats en quelques mois, tu es déjà dehors. On prend tout le mal que j’avais vu en Argentine et qui m’avait fait rester en Italie, parce qu’on respectait la parole, qu’on vivait bien et que tout était parfaitement ordonné. Maintenant, c'est un désastre, dans ce sens l'Italie se rapproche de l'Argentine. Ici, nous étions habitués à acheter des joueurs talentueux et maintenant, pour des raisons économiques, ils se voient obligés de chercher au sein du club. Ils vivent en se demandant comment ils font en Argentine, parce qu'ils ne comprennent pas qu’en notre pays on se débrouille tout seul.

Ta carrière de footballeur a été impressionnante.  Es-tu conscient de cela ?

Maintenant, oui j'en suis conscient. J'ai fait une putain de carrière, mais sur le moment tu ne le vois pas. En tant qu'entraîneur, je me suis rendu compte pourquoi c'était différent de quand je jouais ou les bonnes choses que je pouvais faire et qui me semblaient normales. Aussi, la reconnaissance des gens me surprend beaucoup. Comme entraîneur de Modène, j'ai parcouru des villes et des terrains que je n'avais pas connus avant. Et dans chaque lieu, l'ovation des gens a généré en moi une satisfaction énorme. Même dans beaucoup de clubs de deuxième division, je ne savais pas qu'ils me respectaient tant. Les italiens me donnent une affection de tous les côtés.

Il s’est dit beaucoup de choses sur ton retour raté à River, mais personne ne connait la vérité. Que s’est-il passé ? Pourquoi n’es-tu jamais revenu ?

Quand mon contrat avec Parme s’est terminé, River était en difficulté. On ne savait pas s'il allait descendre ou non. Parme me proposait de prolonger, mais je n'ai pas voulu sur le moment. Je voulais voir ce qui allait se passer avec River. Alors, j'ai suis allé en Argentine, j'ai parlé à Matias Almeyda, qui était encore joueur, et il m'a dit d'aller à l'entraînement discuter directement avec eux. Nous avons commencé à chercher une maison pour vivre et un collège pour les filles en Argentine. Passarella ne m'appelait pas et j'ai pensé « si Mahomet ne va pas à la montagne, la montagne vient à Mahomet. » Ils parlaient dans les médias, mais personne ne m'a appelé sur mon téléphone.

Et qu'as-tu fait ?

Je suis allé à l'entraînement de River. J'ai discuté avec Jota Jota López, avec Lamela, avec tous. J’ai demandé à un assistant si Passarella était là et il m'a dit que non. Un assistant me prête son téléphone et je l'ai appelé. Je lui ai dit que j'étais là et que je voulais parler avec lui. Il m'a dit d'attendre, qu’on discuterait ensemble parce que c'était un moment compliqué pour lui. J'avais 10 jours en Argentine. Il m'a demandé mon numéro et dit qu'il allait m'appeler. Je lui ai passé et nous en sommes restés là.  Je suis parti de l'entraînement, j'ai appelé ma femme, qui m'a dit qu'elle était au Patio Bullrich (NDLR : grand centre commercial dans le quartier de Retiro) avec les filles  Je suis allé manger là-bas avec elles et, regarde comment est la vie, à la table à côté : Passarella.

Incroyable !

Oui. Il était avec quelqu'un et je suis allé le saluer. Il m'a dit « je veux parler avec toi. » Je lui ai dit que j'étais revenu au pays pour cela. Et là arrive la phrase. Il me dit : « Dis-moi, tu n’aurais pas 300 000 pesos, j'en ai besoin pour un dépôt et pour d'autres choses. »  Je l'ai regardé et je ne pouvais pas le croire. Je voulais mourir. Je voulais parler avec lui d’un retour à River et il m’a vu uniquement pour ça.

Qu'elle a été ta réponse ?

Je lui ai dit « Regarde, Daniel. Si c'est pour acheter des joueurs, je peux t’aider depuis l'Italie. Arranger une rencontre avec quelqu'un. J'y suis déjà, merci. Salut. »  Aujourd'hui je peux le raconter, mais à ce moment-là, je ne pouvais pas le faire.

Pourquoi ?

Parce que si je l’avais dit à ce moment, on aurait regardé Daniel. Ce fut une douleur horrible. Je suis retourné en Italie et j'ai dit au président de Parme que je n'avais plus envie de jouer. Il m'a demandé un coup de main, de rester un peu avec l’équipe. J'ai signé pour un an et six mois après je prenais ma retraite. Les choses sont restées ainsi, on a dit que je n'ai pas voulu revenir à River, mais cela n'est pas vrai.

Et plus jamais, on ne t'a donné la chance de revenir, même si comme autre chose que comme joueur ?

Jamais ils ne m'ont proposé d'être entraîneur, ni moi proposé à l'être. Quand Ramón (Diaz) est parti, je me suis réuni avec Enzo pour discuter avec lui, mais pas pour une proposition. Il m'a dit qu'ils allaient proposer à Gallardo et je leur ai dit qu'il était très bien. Avec ces dirigeants, peu à peu de nombreux joueurs se sont rapprochés. Regarde Aimar, Lucho, Saviola, D'Alessandro ...Tous sont revenus. Je n'ai pas pu.

Photo : DANIEL GARCIA/AFP/Getty Images

Lucas Alario a-t-il quelque chose de l'ancien Crespo ?

Non. Il a sa propre identité. Ils me demandent beaucoup cela avec les joueurs d'ici, et je leur dis que je viens d'Argentine, où n'importe quel petit gaucher qui joue bien est appelé Maradona et cela finit par lui nuire.  Mon point de vue, si j'ai quelqu'un à apporter en Europe, je choisis Alario. Parce qu'il est jeune et pour tout ce qu'il a démontré internationalement avec River.

En parlant de Maradona, tu as marqué plus de buts que Diego en albiceleste. Comment analyses-tu ton passage en sélection ?

Ce fût plus qu'un rêve. Lorsque tu es petit garçon, tu penses que pareille chose est une utopie. J’étais déjà heureux de jouer en Primera. Imagine le reste... J'ai joué toutes les compétitions les plus importantes dont j’ai un jour rêvées. J'ai mis des buts dans toutes les finales que j'ai disputées. Sur le moment, tu ne t'en rends pas compte, mais aujourd'hui, tu vois les vidéos et les résultats, tu te dis «  c’était bien ! »

Comment tu vois maintenant l'équipe de Martino ?

J'étais réellement préoccupé à l'époque de Basile, Batista, et Maradona, par les changements constants de sélectionneur. A partir de Sabella, cela a changé. Maintenant l'Argentine est ainsi, est compétitive. Les éliminatoires sont très difficiles et il est important d'avoir des joueurs qui n'ont pas peur dans des circonstances compliquées. C'est pour cela que c'est foutu quand vous avez trop de joueurs inexpérimentés. A l'époque de ces techniciens, il y avait un trou générationnel et ça s'est senti. Maintenant c'est différent. L'Argentine va aller au Mondial sans problèmes.

Que t'as apporté le passage à Modène, ton premier club comme entraîneur ?

Comme expérience, ça a été extraordinaire. J'ai dirigé une équipe qui avait joué depuis peu un barrage pour ne pas descendre en troisième division. J'y suis allé pour les hamburgers et le coca par ce qu'il n'y avait pas d'argent. J’y suis resté six mois et pour la première fois en 15 ans, Modène a vendu un joueur en Série A. Je crois beaucoup en la technologie comme complément pour entraîner et je n'ai pas pu disposer de cela. C'est moi qui a dit au le président que je ne pouvais plus continuer.

Quel est ton schéma ?

Fondamentalement, j'aime le 4-3-3. Je pars de cette base. Mais cela dépend toujours de l’équipe. Tu dois toujours savoir utiliser tous les systèmes et savoir avec qui tu joues. J'ai eu de grands techniciens, j’ai pris le meilleur et mes équipes ont cette marque.

Ton idée est-elle d'entraîner en Italie ou de penser à revenir à River ?

Je vois le football partout,  spécialement en Argentine, parce que je sais qu'à n'importe quel moment je peux être là. Ma famille est impatiente de rentrer au pays. L'idée me plaît, mais tu es impressionné de voir à quel point le foot est violent. Cela m’est égal, mes valises sont prêtes.

Tu veux entraîner en Argentine ?

Evidemment. Je ne veux pas me promener en m'offrant à tout le monde, mais j’y vais tranquillement. J’ai reçu de nombreuses propositions d’Angleterre et d’Italie. Je suis à l’écoute. Je sais que je dois laisser une grande trace là où je passe. L’Argentine me séduit. Où trouverai-je un bon projet…

Et quel est ton plus grand objectif en tant qu'entraîneur ?

Mon objectif est d'être le meilleur de tous en tant qu'entraîneur.  Pour cela, je travaille dur tous les jours et donc mon pari est très grand.  

 

Traduction JC Abeddou pour Lucarne Opposée

Photo une : Valerio Pennicino/Getty Images

JC Abeddou