Une heure et demie d’entretien, assis dans sa Bombonera, son stade, sa maison. Juan Román Riquelme s’est longuement confié au programme télé Doble 5. Il évoque ainsi tous les sujets qui le touchent. Meilleurs moments.

La Bombonera est un stade mythique pour tout amateur de football sud-américain, il l’est davantage pour les supporters de Boca. Dans sa galerie d’idoles, il en est une à part, Juan Román Riquelme. Invité du programme Doble 5, l’ancien 10 Xeneizes a ainsi évoqué son stade, sa maison : « C’est tellement beau d’aller à la Bombonera. Quand je suis au Parque Lezama (NDLR : parc situé à proximité de la Bombonera), j’ai les mains moites. J’ai eu énormément de chance. Ma chance a été rare. Depuis le jour où j’ai débuté face à Unión jusqu’à mon dernier match face à Lanús, les supporters m’ont ovationné. » Pour Román, « La sélection argentine doit jouer à la Bombonera, elle se qualifierait alors facilement, » el ultimo diez plaçant ensuite un petit tacle en direction des projets de nouveau stade : «  S’ils me disent qu’ils vont construire un stade de 100 ou 150 000 personnes qui bouge comme celui-ci, qu’ils le fassent. Mais je ne crois pas qu’ils y parviendront. Ce stade est unique, tout le monde veut jouer ici, aucun stade au monde bouge comme celui-ci. Tant qu’un joueur n’aura pas disputé 206 matchs dedans, ce sera ma maison. »

Alors Riquelme évoque son parcours, revient sur sa carrière, ses coéquipiers, son passage en sélection. Sans langue de bois, comme toujours avec Riquelme.

 « Etre footballeur est la plus belle chose qui puisse t’arriver. C’est le plus beau jeu, le seul qui se joue avec les pieds. Ceux qui ont la chance de jouer avec le maillot de Boca doivent savoir qu’ils doivent vivre pour le club. Ils doivent être conscients que tout passe très vite, qu’à partir de 35, 36, 37, 38 ans, la carrière d’un footballeur est terminée, alors ils peuvent sortir danser tous les soirs, jusqu’à l’heure qu’ils veulent. Ils peuvent alors boire 10 bouteilles de vin par jour parce qu’ils ne jouent plus. Mais s’ils veulent triompher ici, ils doivent vivre pour ce club. Ils doivent être égoïste et ne penser uniquement qu’à jouer ici. Il ne faut vivre que pour ça, ne penser qu’à ça, être à moitié fou. J’ai tout laissé de côté, mes 24 heures étaient dédiées au club, j’ai été très égoïste. Aujourd’hui, je profite de mes enfants, de ma famille, de mes amis. C’était la seule façon que je savais qui pouvait donner de la joie aux supporters. 

J’ai eu la chance de jouer avec le meilleur numéro 9 de ces 30 dernières années. Jamais nous ne nous sommes insultés, ni battus, on avait énormément de respect l’un envers l’autre. Chacun savait ce qu’il devait faire. Si je dois jouer pour la gloire, je joue avec Martín, si je dois jouer avec les amis, je joue avec Viatri. Mes coéquipiers de l’époque étaient les meilleurs à leur poste. Je regardais autour de moi, j’avais Ibarra, devant j’avais Guillermo et Palermo, derrière Serna, Battaglia. Tout était très facile. Bianchi exigeait beaucoup de nous et nous a appris à gagner. On était la seule équipe qui a gagné une finale de Libertadores 5-0.

Je pense que ma carrière en sélection a été bonne. Cela m’a touché de gagner les Jeux Olympiques qui ne représentent pas grand-chose pour d’autres. Mais j’ai vu Neymar pleurer quand il a gagné à Rio. J’ai quitté la sélection parce que je ne partageais pas l’avis du sélectionneur (Diego Maradona). Les choses ont toujours été simples pour moi : Boca était mon travail. En sélection, s’il y avait un sélectionneur avec qui je ne me sentais pas bien, je préférais laisser ma place à un autre. Je n’étais pas d’accord avec lui, ça m’a fait suivre une Coupe du Monde à la télévision. Mais je suis tranquille, je suis en paix.

Aujourd’hui, je fais ce que faisait mon fils. Je regarde des vidéos de quand je jouais jusqu’à 2-3h du matin. J’ai l’impression que celui que je vois jouer en est un autre, aujourd’hui, je serais incapable de faire ce que je faisais. Beaucoup des gestes que j’ai réalisés à Boca, je les ai appris lorsque je jouais à Don Torcuato. Le dimanche, je jouais dans le quartier, le mercredi je jouais la Libertadores. Si le lundi j’arrivais avec une douleur, Bianchi me disais « si tu ne joues pas mercredi, ce sera de ta faute ». L’Europe m’a appris qu’il ne faut pas toujours avoir le ballon. Que le plus important est de le contrôler et de le passer. »

Alors évoque la sélection et Messi : « Je garde le rêve que Messi nous offre une Coupe du Monde. Il est unique. J’espère qu’il sera bien pour jouer contre le Brésil et la Colombie. On a le meilleur joueur du monde. Quand il est là, nous sommes une équipe forte, quand il n’est pas là, n’importe qui peut nous battre. » 

Reste enfin le championnat, Riquelme pense que « tout se jouera entre Boca, San Lorenzo et River. Estudiantes est bien mais ils n’ont aucune pression, » avant d’ajouter un mot en direction du Racing, « Le Racing dispose de deux attaquants, Bou et Lisandro, que j’adore. Ils ont aussi Óscar Romero, un 10 d’une classe folle. » Concernant son Boca, Riquelme invoque la patience et mesure le chemin qui lui reste à parcourir : « Ce Boca possède des joueurs très jeunes, c’est normal. Les supporters expriment le besoin de célébrer. On était remplis d’espoir en Copa Libertadores… ça a fait mal d’être éliminé, aux joueurs aussi. Ce sont de nouveaux joueurs qui sont là depuis peu, ce n’est pas facile de construire une grande équipe. Il va falloir du temps à Guillermo. Boca a la nécessité d’avoir de grandes équipes. Tevez est le meilleur joueur du football argentin. Je crois qu’il est normal d’être surpris de n’avoir pas profité davantage de sa présence. Carlitos essaie de s’adapter, cherche une manière de joueur, j’espère que bientôt il y parviendra pour que tous les supporters puissent en profiter. Mais pour cela, il a besoin des milieux, des latéraux. Des joueurs que Boca avait ces derniers temps mais n’a plus aujourd’hui. Les joueurs qui sont là aujourd’hui, sont tous nouveaux : les centraux, le latéral gauche. »

Riquelme devrait disputer un jubilé vers juin 2017, dans sa Bombonera, il ne manque qu’un accord avec le président Angelici. Il a ainsi révélé qu’actuellement l’une des grandes questions était de savoir s’il n’allait inviter que des joueurs locaux ou aussi des « européens ». Pour les amateurs et les nostalgiques, Juan Román a aussi donné son but préféré avec Boca, un coup franc face à Cúcuta, demi-finale retour de la Libertadores 2007.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.